La roadmap, également appelée « feuille de route » n’est autre que l’itinéraire simplifié entre là où se trouve le produit à un moment T et la destination définie dans la vision globale du projet. Cet itinéraire est très spécifiquement balisé : il propose une suite d’étapes intermédiaires et des dates prévisionnelles correspondant au franchissement de ces étapes. On évoquera ici les étapes à suivre pour créer une roadmap traditionnelle orientée sur les livrables et non sur la valeur générée pour l’utilisateur final. Une roadmap orientée résultats, plus agile, doit pouvoir évoluer et s’adapter à l’incertitude. Sa création puis sa mise en œuvre s’avèrent ainsi complexes.

Comment s’organise-t-on pour que les promesses de réussite soient au rendez-vous ? Comment définir les résultats escomptés ? Quid des métriques à utiliser ? En quoi la roadmap permet-elle de diminuer les risques et de trouver des alternatives ? Ci-dessous un processus en 4 étapes permettant aux équipes produit de valider le niveau de qualité de leur roadmap orientée résultats.

Test 1 :  Votre roadmap représente-t-elle une vision commune ?

Une roadmap est essentiellement un moyen de communiquer les priorités partagées par l’équipe et la direction, ou par l’équipe et les clients/utilisateurs. C’est la clé de voûte qui permet de s’assurer que toute l’équipe est sur la même longueur d’onde concernant les priorités et les résultats. Il est très facile d’élaborer une roadmap reflétant votre point de vue. Il est en revanche beaucoup plus ardu d’en créer une conciliant les points de vue de l’équipe et de la direction. Il convient alors de s’assurer que l’équipe a participé à l’élaboration de la roadmap et qu’en ce sens, elle serait capable de la représenter et d’en parler aussi bien que vous. La question est également de savoir s’il est possible de corréler les priorités présentées à un ou plusieurs objectifs métiers et de savoir si les responsables/parties prenantes ont été impliqués dans les différentes itérations de la roadmap.

Test 2 :  Les résultats escomptés sont-ils correctement définis ?

Un résultat correctement défini indique la valeur qu’une équipe souhaite créer. Il permet de surcroît de donner une direction à l’équipe et un sens au travail mené. Lorsque l’équipe travaille à la définition du résultat, il convient d’établir clairement qui le résultat est censé aider. L’est-il pour les clients, l’entreprise ou même à l’équipe en interne ? Quel est l’impact recherché ? Qu’est-ce qui justifie que les équipes consacrent en priorité leur temps à la poursuite de ce résultat ? Quelles autres activités doivent-elles reléguer au second plan pour parvenir à ce résultat ? Dresser la liste des autres résultats auxquels l’équipe *pourrait* consacrer du temps, mais y a renoncé, est un bon moyen de valoriser la hiérarchisation des priorités. Il est en outre judicieux de scinder la roadmap en résultats à court, moyen et long terme afin de prioriser les tâches. Lors de la définition des résultats à moyen et court terme, il convient de réfléchir à ce que vous souhaitez apprendre ou valider plutôt qu’à ce que vous envisagez de créer. La question clé restant de s’assurer que la roadmap s’aligne sur les priorités de l’entreprise.

Test 3 : Utilisez-vous les bonnes métriques ?

Le choix de métriques permettant d’évaluer les progrès réalisés peut se révéler difficile. Il est souvent tentant de mesurer le livrable et de s’arrêter là une fois qu’il est réalisé. Or, une bonne métrique indique si, et jusqu’à quel point, vous avez eu un impact sur le profil d’utilisateur ciblé ou lui avez apporté une valeur ajoutée. Lorsque vous réfléchissez aux métriques de succès, posez vous la question de savoir si les métriques définies permettent de déterminer si les objectifs ont été atteints en matière de résultat (et non de livrable). Il convient par ailleurs d’éviter les métriques approximatives qui semblent faussement indiquer un lien de corrélation. Il est également clé de vérifier que les métriques sont suffisantes en essayant d’imaginer de quelles manières elles peuvent être atteintes sans pour autant influer sur les résultats qu’ils sont censés mesurer. Il convient alors de s’assurer que la métrique est mesurable et que l’équipe dispose d’une base de référence (ou du temps nécessaire à son obtention) pour voir les progrès réalisés. Le prototypage, les entretiens avec les utilisateurs, l’instrumentation des produits actuels et les tickets de support client sont des moyens rapides d’établir une base de référence. Il est également important d’acter l’usage de métriques quantitatives et qualitatives. Les métriques quantitatives fournissent uniquement des signaux pointant vers les aspects sur lesquels vous concentrer. Les métriques qualitatives aident quant à elles à comprendre les signaux et à bâtir le scénario (la story).

Test 4 : Avez-vous identifié les risques et mis au point des mesures d’atténuation ?

Chaque résultat escompté comporte des risques et des incertitudes. Pour ne pas dévier de la roadmap, il faut être pleinement conscient des principaux risques et des incertitudes, et disposer d’un plan pour les atténuer. Il convient alors de se poser les questions suivantes pour chaque résultat :

Avez-vous une idée claire des hypothèses hasardeuses concernant le résultat attendu ? Quelles hypothèses jugées fiables auraient une incidence négative sur le résultat si elles étaient invalidées ? Avez-vous identifié et hiérarchisé les hypothèses les plus risquées auxquelles vous devez vous attaquer immédiatement ? Avez-vous un plan pour vérifier ces hypothèses ?

Démarrer une roadmap est finalement la partie la plus facile à réaliser. Assurer son suivi et la mettre à jour à mesure que de nouvelles données et informations affluent exige en revanche une certaine discipline. Il est ainsi important de revenir régulièrement sur les roadmaps avec l’équipe afin de vérifier que le cap sur les objectifs est maintenu. C’est là un excellent moyen de recentrer l’équipe sur les objectifs clés et de suivre les progrès réalisés. Cela permet en outre de déterminer les points potentiellement bloquants et d’y pallier. Il faut alors réexaminer régulièrement la roadmap avec l’équipe et les principales parties prenantes pour réfléchir aux progrès accomplis, partager les retours d’expérience et mettre à jour la roadmap en fonction des nouvelles informations obtenues. Si le projet en cours est basé sur des boucles de rétroaction courtes (short feedback loop), alors une révision mensuelle de la roadmap est recommandée. Si les feedback loop sont plus espacées, une révision de la roadmap tous les deux mois ou tous les trimestres peut alors suffire. En tout état de cause, la fréquence ne doit pas être inférieure à une fois par trimestre.

La création et la tenue à jour des roadmaps sont des opérations qui peuvent sembler laborieuses. Les roadmaps reflètent les efforts déployés par les équipes pour apporter une valeur ajoutée à l’entreprise et aux clients. Consacrer du temps à leur élaboration oblige les équipes à réfléchir et à garder un esprit critique vis-à-vis de ce qu’elles envisagent de concevoir et à en comprendre les raisons. C’est aussi un moyen de les aider à assumer la responsabilité de ce pour quoi elles se sont engagées.

Cela exige de la discipline, ainsi que des itérations et améliorations continues. Le principal est de ne pas se décourager car le voyage est plus important que la destination !

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Franck Liso est Directeur du Lab Pivotal à Paris