Lecko a caractérisé les niveaux de maturité des espaces sur les RSE en 3 stades :

  1. Espace de diffusion : Une organisation centralisée dans laquelle un petit nombre d’acteurs diffuse des contenus à destination des autres.
  2. Communauté : Une organisation collective dans laquelle un noyau d’acteurs conversent et organisent l’espace accessible également à d’autres plus passifs, même si certains prennent ponctuellement la parole.
  3. Réseau : Les utilisateurs disposent de leur propre espace, interagissent avec d’autres, créent des liens, contribuent à faire circuler et hiérarchiser l’information

La mise en place d’un  RSE doit viser comme objectif  de capitaliser les savoir-informels et maximiser les synergies potentielles. La première valeur perçue est traduite par une audience accrue sur les communautés, montrant un intérêt supérieur pour ces échanges et les personnes qui s’y expriment que pour les diffusions d’information ou de ressources. Les communautés bénéficient d’une audience 22 fois plus élevées que les espaces de diffusion traditionnelles.

L’autre intérêt à court terme réside dans le « cout d’animation ». Dans le cas d’espace de diffusion, il faut constamment produire de nouveaux contenus. Tôt ou tard, cette charge incombe à l’entreprise. Dans le cas de communautés, l’animation est portée par un groupe de micro-animateurs. Ces derniers agissent dans le cadre de leur mission et dilue ce temps dans leur activité. Ces communautés sont auto-portées. Les statistiques montrent qu’elles sont majoritairement pérennes lorsque la moitié des espaces de diffusion créés deviennent inactifs au bout de 5 mois.

La valeur finale d’une population réside dans leur capacité de mobilisation pour traiter des problématiques. Les gains en réactivité peuvent se traduire par des bénéfices métiers importants.

L’analyse des activités à travers la démarche de benchmark a permis de confirmer et préciser les facteurs de réussites des communautés. Voici 5 facteurs non hiérarchisés :

Facteur de réussite 1 : La taille d’une communauté
Les usages sociaux se développent mieux au sein de groupes dépassant la centaine de membres.
Il est nécessaire de recruter suffisamment d’utilisateurs pour avoir une masse critique d’utilisateurs actifs. Les espaces à périmètre figé trop petit, ne pouvant se renouveler, s’affaiblissent rapidement.

Facteur de réussite 2 : Le leadership des porteurs d’initiatives
Le porteur d’initiative devra porter une cause crédible et fédératrice. Il pourra s’agir d’un cas d’usage métier, mais pas uniquement. Il est généralement nécessaire de trouver des étapes intermédiaires avant de projeter les usages sociaux et collaboratifs dans un contexte métier.

Au sein des entreprises du CAC 40, le RSE est le fruit d’une initiative portée par un précurseur. Ce n’est jamais la réponse à un besoin exprimé par les utilisateurs. Cela s’applique à l’échelle de l’entreprise comme de l’entité locale. Le changement est introduit par des acteurs convaincus et en mesure de convaincre les autres. L’approche projet classique, visant à mettre en équation le besoin pour y répondre, ne fonctionne pas et n’est pas adapté au contexte. La gouvernance de ces projets et notamment la relation entre les métiers et la DSI doit tenir compte de cette situation. Trop de DSI s’enferme dans une posture visant à apporter une réponse outil à un besoin fonctionnel légitimé par un besoin priorité par le métier. L’arbitrage et la gouvernance MOA / MOE ne sont pas bien adaptées, tout comme la gestion de projet de type Merise.

Plus localement, pour introduire ces nouvelles pratiques, il faut faire preuve du même volontarisme. Le porteur d’initiative devra, durant plusieurs mois, faire face à un attentisme ambiant, convaincre, recruter des ambassadeurs, animer les débats et donner du sens. La satisfaction de faire progresser les autres est à ce prix.

 

 29 Lecko1Enquête auprès des entreprises du CAC 40.

Facteur de réussite 3 : Le recrutement de micro-animateurs
60% des communautés restent pérennes alors que 50% des espaces sont inactifs au bout de 5 mois. Le  porteur d’initiative ne doit pas rester seul à animer sa communauté. Tout d’abord cela signifierait qu’il n’arrive pas à fédérer d’autres collaborateurs. Ensuite, il se trouverait contraint, faute de réaction, de diffuser sans pouvoir animer des conversations. Sa capacité à convaincre s’atténuant de fait avec le temps, il manquera également de relais. Faire émerger des « micro » animateurs est un levier essentiel.

Facteur de réussite 4 : L’évolution du cadre organisationnel et culturel
L’évolution du cadre organisationnel et culturel est une condition nécessaire à la consolidation des changements de comportement.
La collaboration ne peut se démocratiser si la culture de l’entreprise n’évolue pas. Par exemple, permettre à un collaborateur de consacrer un peu de temps sur une activité hors de son périmètre n’est pas naturel pour un manager. Pour autant, il s’agit bien de créer de la valeur pour leur entreprise. Faire circuler l’information transversalement ou adapter le processus pour profiter de la mise en réseau de ses acteurs nécessite une appréhension par le management.

La gouvernance de cette transformation vise justement à faire évoluer le cadre organisationnel et à aider les opérationnels à le concrétiser. Elle doit s’attacher à :

– Libérer la communication interne et repositionner la parole de l’entreprise aux côtés des conversations de ses collaborateurs
– Accompagner l’évolution des modes de management concertant RH, IRP et managers au sein des métiers
– Apporter l’outil catalyseur de cette transformation et permettre la construction du SI social

 29 Lecko2Enquête auprès des entreprises du CAC 40.

Dans les grandes entreprises, cette gouvernance est encore très déséquilibrée. L’enquête auprès du CAC40 montre que :-
Les directions générales et les DSI reste les principaux initiateurs et sponsors.
– Les directions motrices sont les DSI, Métier et Direction de la communication.
– Les DRH sont peu investis dans les démarches.

Facteur de réussite 5 : L’accompagnement dans la durée
« Accompagner » ne signifie pas « promouvoir ». La tentation de se contenter d’une communication est grande vu la facilité d’appropriation des interfaces proposées par les éditeurs aujourd’hui. Bien sur, l’enjeu est d’infléchir le comportement des collaborateurs. Ce changement est d’autant plus délicat qu’il s’effectue collectivement et ne peut être imposé. Le porteur d’initiative est en charge du travail de fond, mais ces derniers doivent s’insérer dans un dispositif d’accompagnement global incluant :

– acculturation
– accompagnement des porteurs d’initiative
– pilotage
– communication

L’évolution des comportements nécessite plusieurs mois. Les métriques du Benchmark montrent que se compte en années. L’entreprise doit s’inscrire dans cette temporalité et se préparer à un marathon, pas un sprint.

Les entreprises du CAC 40 interrogées ont choisi des approches assez différentes les unes des autres. Cela reflète bien la diversité rencontrée dans les entreprises en général et s’explique par une prise de conscience progressive du rôle de l’accompagnement.

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Arnaud Rayrole est fondateur et directeur général de Lecko