Après des mois de suspense, le département de la défense américain (DOD) a choisi en octobre dernier le cloud Microsoft Azure comme partenaire exclusif du contrat Joint Enterprise Defense Infrastructure (JEDI).
Sans surprise, et à l’instar de ce qu’Oracle – prématurément évincé de la course – a déjà mis en œuvre en décembre dernier, Amazon a reconnu avoir officiellement dénoncé les conditions d’attribution de ce contrat auprès de la Cour Fédérale des Réclamations américaine dès le 8 novembre. Selon un porte-parole d’Amazon, « nous estimons essentiel pour notre pays que le gouvernement et ses dirigeants élus gèrent les achats de manière objective et d’une manière qui: est libre de toute influence politique. De nombreux aspects du processus d’évaluation de JEDI comportaient des lacunes évidentes, des erreurs et des préjugés indéniables – et il est important que ces questions soient examinées et rectifiées. »
Une réplique inévitable
Le leader du cloud public Amazon se montre-t-il mauvais perdant ? Pas vraiment. D’abord parce que les conditions d’attribution sont en effet entachées par diverses déclarations de Donal Trump dont Jeff Bezos (qui possède le Washington Post très virulent à l’encontre du président américain) est devenu un ennemi personnel, même si les responsables du contrat affirment n’avoir pas été influencés et avoir suivi selon les règles d’attribution de contrats d’état.
Ensuite parce qu’Amazon AWS en tant que leader du cloud ne pouvait se prendre un tel camouflet médiatique sans réagir.
Une question d’image
Car il s’agit bien là avant tout d’une dispute marketing. La presse a fait les gros titres sur cette attribution en mettant en avant les 10 milliards de dollars du contrat JEDI. La réalité est pourtant beaucoup moins rose.
D’abord, ce montant est une estimation sur 10 ans, soit 1 milliard par an, et non un engagement ferme. Or Amazon gagne déjà 9 milliards de dollars par trimestre avec ses activités cloud et Microsoft 11 milliards de dollars par trimestre (mais ce chiffre intègre les activités SaaS comme Office 365).
Ensuite, la durée du contrat n’est pas figée dans le marbre. En réalité, le DOD américain ne s’est engagé que pour deux ans et se réserve le droit de rediscuter les termes du contrat.
Enfin, la portée du contrat se limite aux infrastructures de base, principalement de stockage, et non aux services connexes qui doivent faire l’objet d’autres contrats qui promettent d’être eux aussi financièrement très intéressants pour les différents acteurs américains du Cloud public.
Amazon se devait cependant de contrer publiquement l’attribution de ce contrat qui ressemble un peu trop à un camouflet et nuit à son image.
L’opération est donc marketing avant tout et consiste à dire « nous avons perdu ce contrat pour des raisons politiques et non pour des raisons techniques ou commerciales » sans en avoir l’air.
Une issue incertaine
Il est pourtant loin d’être évident qu’Amazon obtienne gain de cause. En juillet dernier, un juge de la Cour Fédérale des Réclamations avait débouté Oracle qui avait contesté son éviction de l’appel d’offres. Oracle avait pointé des conflits d’intérêts parmi les membres de la commission d’attribution. Le juge a toutefois considéré que les membres incriminés (en l’occurrence un ancien employé d’AWS) n’avaient pas impacté la décision. De son côté le secrétaire américain à la Défense, Mark Esper, a rejetté vendredi toute idée de parti pris dans la décision d’attribuer à Microsoft le contrat de cloud JEDI et déclaré être « convaincu que le processus de sélection s’est déroulé librement et équitablement, sans aucune influence extérieure« .
Si la Cour Fédérale des Réclamations défend une nouvelle fois la position actuelle du DOD, l’image d’AWS n’en sortira pas grandie.