Après une bataille commerciale âpre, Microsoft remporte seul le contrat JEDI de 10 milliards de dollars sur dix ans pour migrer une partie de l’infrastructure informatique du Pentagone sur le cloud.

Voilà un contrat qui risque fort d’être largement remis en question. Le contrat avait déjà fait couler beaucoup d’encre. Microsoft vient de remporter le contrat de service cloud (informatique en nuage) baptisé JEDI (Joint Enterprise Defense Infrastructure) d’un montant de 10 milliards de dollars sur 10 ans. Plusieurs acteurs du cloud s’étaient mis sur les rangs : Amazon avec sa filiale Amazon Web Services (AWS), Microsoft, IBM, Oracle et Google pour le droit de transformer les systèmes de cloud computing de l’armée. Certains se sont retirés comme Google – a abandonné sans soumettre une offre formelle, estimant que le travail militaire en conflit avec ses principes d’entreprise, qui interdisent l’utilisation de l’intelligence artificielle pour des systèmes d’armes -, d’autres ont été écartés et il ne restait donc plus en lice que deux acteurs qui sont les deux leaders des services cloud : AWS et Microsoft. Selon le cabinet spécialisé Synergy Research, Amazon possède 33 % de ce marché et Microsoft 16 % (voir infographie ci-dessous).

Le contrat est gigantesque et doit permettre au Pentagone de moderniser des systèmes informatiques les années 1980 et 1990. Le ministère de la Défense a dépensé des milliards de dollars pour essayer de les faire communiquer et le cloud devrait permettre d’atteindre cet objectif.

Pendant longtemps, l’idée était de séparer le marché en deux lots attribués à deux fournisseurs, donc finalement cela aurait dû être AWS et Microsoft. C’est donc un peu une surprise

L’attribution est donc sujette à suspicion dans la mesure où Donald Trump a, à de très nombreuses reprises, en privé rapporté par des tiers, et en public, fait part de son hostilité à Jeff Bezos, le fondateur et CEO d’Amazon. D’abord parce qu’il est beaucoup plus riche que lui, mais surtout parce qu’il possède le Washington Post qu’il avait racheté à titre personne pour 250 millions de dollars en 2013. Une tendance assez générale dans le monde dans la mesure où la presse à de plus besoin de business angels pour fonctionner, mais une tendance qui n’est pas sans poser de gros problème.

Le problème pour Donald Trump est que, avec le New York Times, le Washington Post est un des opposants les plus durs au président. Ce dernier le qualifie même d’Amazon Washington Post. Ce qui est d’ailleurs une erreur de jugement puisque ce n’est pas Amazon qui est impliqué, mais Jeff Bezos à titre personnel. Evidemment, dans l’affaire du JEDI, Amazon et Bezos sont synonymes. On peut que penser que l’hostilité permanente dont a fait preuve Donald Trump vis-à-vis de Jeff Bezos l’ait poussé à faire écarter la firme de Seattle du contrat.

Le nouveau secrétaire à la Défense, Mark T. Esper, avait d’abord dit qu’il voulait prendre plusieurs mois pour examiner la question et, il y a quelques jours, se récuser de l’appel d’offres. Il a dit qu’il ne pouvait pas participer parce que son fils a travaillé pour IBM, l’un des concurrents pour le contrat. Est-ce là la réalité ou une manière de ne pas être lié à cette affaire qui risque d’être fortement radioactive.

 « Le processus d’acquisition a été réalisé conformément aux lois et règlements en vigueur, » le ministère de la Défense dans un communiqué vendredi. « Tous les offrants ont été traités de façon équitable et évalués en conformité avec les critères d’évaluation énoncés de la sollicitation. » Pouvait-il déclarer autre chose par exemple : le contrat à été attribué à Microsoft car Donald Trump a imposé d’écarter Jeff Bezos.

D’un autre côté, Amazon aurait tort de trop se plaindre car les recettes d’Amazon sur des contrats du gouvernement fédéral sont 200 millions $ en 2014 à 2 milliards de dollars cette année, une grande partie de la C.I.A. et d’autres agences de renseignement. Ce contrat pourrait être considéré comme une sorte de rééquilibrage. Et le Department of Defense (DoD) semble avoir les poches pleines, car il commence son communiqué d’attribution du contrat JEDI à Microsoft par le fait que sur les deux dernières années, il a signé pour 11 milliards de dollars en contrats cloud (Over the last two years the Department of Defense has awarded more than $11 billion across 10 separate cloud contracts). De son côté, Microsoft semble faire profil bas, la firme de Seattle ne s’est même pas fendue d’un communiqué de presse.

Ce contrat intervient alors qu’Amazon vient de publier ses résultats financiers pour le troisième trimestre. Le chiffre d’affaires a grimpé de 35% à 9 milliards de dollars. C’est toutefois un chiffre inférieur aux 9,1 milliards de dollars attendus par Wall Street. Comme le rappellent nos confrères de CRN, ce taux de 35% est moindre que celui du trimestre précédent (37%) et bien loin de celui enregistré un an auparavant (46%).

Cette baisse ne semble pas préoccuper outre mesure le directeur financier de l’entreprise, Daniel Olsavsky. « Il est difficile de prédire le rythme de certains cycles de ventes et les migrations d’entreprises vers le cloud », a-t-il indiqué au cours de la traditionnelle téléconférence avec les analystes. Il a ajouté que son entreprise rencontrait beaucoup de succès et annoncé le recrutement de commerciaux supplémentaires.

Quoi qu’il en soit, on peut s’attendre à une bataille juridique féroce remettant en question ce qui est sans doute l’un des plus importants contrats signés dans le domaine informatique.