Avant d’avoir raté le virage des smartphones, Intel était devenu un quasi-monopole en matière de processeurs, des PC aux serveurs en passant par le HPC, laissant quelques miettes à AMD. Aujourd’hui, ARM est-il en passe de lui disputer cette position hégémonique ?

Dans les PC, Intel est devenu depuis longtemps le leader incontesté des processeurs en s’étant associé avec Microsoft, un partenariat connu sous le label Wintel. Lenovo dévoile un PC Windows sous ARM. En septembre dernier, ARM a fait ses premiers pas sur le segment des PC. C’est à l’occasion de l’IFA 2018 à Berlin que Lenovo avait présenté son Yoga C3630 WOS, un 2 en 1 fonctionnant sous Windows 10 et équipé du processeur Snapdragon 850 de Qualcomm (Lenovo dévoile un PC Windows sous ARM).

Apple, qui fait cavalier seul depuis longtemps est, elle aussi, en passe de changer. Les Mac équipés de processeurs Apple sur base ARM sont attendus dans les deux ans à venir. Rappelons qu’Apple avait été partie prenante dans la création d’ARM. La firme à la pomme a évolué successivement des processeurs Motorola 68000, puis PowerPC d’IBM, avant d’intégrer les processeurs d’Intel.

Mais depuis plusieurs années déjà, Apple est impliqué dans le développement et l’optimisation de puces. En 2008, Apple avait acheté PA Semi, une start-up spécialisée dans l’amélioration du rapport puissance/consommation, dès 2008. Ses équipes ont planché pendant deux ans sur la conception de l’A4, avec l’aide d’Intrinsity, spécialiste de l’implémentation des architectures ARM qui a fini par intégrer Apple en 2010. Apple avait augmenté son expertise en procédant à l’acquisition de plusieurs entreprises spécialisées dans la conception des processeurs : Anobit, Passif Semiconductor, PrimeSense, LegbaCore… Apple s’éloigne progressivement d’Intel pour créer sa propre ligne de puces pour Mac afin de relancer ses produits.

Intel a déjà perdu la bataille des smartphones largement dominée par ARM. Et il se trouve qu’on trouve des processeurs dans de très nombreux équipements, informatiques bien sûr mais aussi dans bien d’autres domaines : montres, TV, box, speaker, réfrigérateurs, automobiles…

Côté serveurs, cette alliance a monté en puissance en éliminant au fur et à mesure les autres concurrents, en particulier les fabricants des processeurs Risc dont la liste est longue : Alpha de DEC, PA-RISC d’HP (aujourd’hui HPE), Mips de la firme éponyme, Sparc de Sun, et même M88000 de Motorola. Aujourd’hui, il ne reste guère que la famille Power, qui en est à la neuvième génération et est en ligne directe du PowerPC. Intel est encore ultradominant côté serveur mais cette position pourrait être battue en brèche. Parmi les concurrents, ARM figure en première ligne.

Fondée en 1990, ARM a été créée sous la forme d’une coentreprise par Acorn Computers, Apple Computer et VLSI Technology. Anciennement, « ARM » signifiait Advanced RISC Machines, et encore avant, Acorn RISC Machine. En mai 2016, ARM lance une offre d’acquisition de 350 millions de dollars sur Apical, une entreprise employant 100 personnes. En juillet 2016, ARM prend un nouveau départ en étant rachetée par SoftBank pour environ 31 milliards de dollars.

Elle est basée sur un modèle économique particulier de la microélectronique : la conception de propriétés intellectuelles (Intellectual Properties). Ainsi il n’est pas possible d’acheter un processeur ARM comme c’est le cas pour Intel. Les cœurs ARM sont intégrés au sein de systèmes sur puces (SoC) complets. Les cœurs de processeurs ARM sont très présents dans les systèmes embarqués (téléphone mobile, console portable, tablette électronique).

Aujourd’hui, ARM nourrit donc de fortes ambitions dans les serveurs et les PC. D’ailleurs, le fossé entre les architectures de serveurs des data centers et des PC est en train de s’élargir. ARM travaille donc actuellement au développement de puces qui seront adaptées pour chaque famille de systèmes.

L’efficacité énergétique et l’augmentation de la densité sont deux objectifs poursuivis par ARM comme par l’ensemble des concepteurs de microprocesseurs avec les avantages suivants :

– Durée de vie accrue de la batterie dans les appareils mobiles.
– Accélération de la vitesse d’horloge, ce qui augmente les performances.
– Des puces plus petites nécessitant moins de dissipation calorifique signifient plus d’espace pour ajouter un autre matériel, augmenter la taille de la batterie ou réduire la taille de l’appareil.
– Dans un environnement de data centers, des serveurs plus petits signifient plus de ressources par rack, moins de climatisation et une efficacité globale meilleure.

Depuis que Fairchild Semiconductor a intégré un transistor sur une plaquette de silicium, l’objectif est d’augmenter la densité des transistors afin d’augmenter la puissance et de diminuer la consommation énergétique. Fort de cette stratégie globale, ARM a donc décidé de s’attaquer au data center et donc à Intel et à son quasi-monopole. Ampere qui est un des concepteurs de processeurs ARM a publié récemment une comparaison avantageuse de son processeur eMAG avec les processeurs Intel et AMD.  Pour la petite histoire, Ampere a été créé en 2017 avec des anciens d’Intel et d’AMD.

Et le marché auquel ARM s’attaque est important. Intel réaliserait plus de 17 milliards de dollars en processeurs pour serveurs et data centers. De quoi nourrir de solides ambitions.

Répartition du chiffre d’affaires d’Intel par segment de marché