Google va enfin réduire la promotion des sites d’affichages de personnes arrêtées aux Usa par la police, les mugshots, une dérive effrayante d’internet, encore limitée à l’Amérique. (ci-dessus Al Capone)

Si jamais vous avez été pris en photo par la police aux USA après une soirée arrosée et votre permis de conduire retiré dans la foulée, votre photo d’identité figure peut-être dans l’un des nombreux mugshots, des sites qui publient les photos des différents condamnés, heureusement classés par genres. Ces photos qui menacent plus d’un million de personnes sont, aux États-Unis, considérées comme des données publiques. Ces portraits étaient jusque là seulement accessibles localement dans les bureaux et les sites de la police ou dans les locaux judiciaires. Ce qui faisait partie de la peine et du bannissement local a engendré un business lucratif, celui des sites de publications de photos de condamnés, les mugshot (photo d’identité en argot). Les sites comme Florida.Arrests.org, Bustedmugshots.com, Mugshotworld.com, Gotchamugshot.com, MugshotUSA.com et Mugme.com font frémir. Ils se présentent comme des sites quasi officiels et proposent, à ceux qui veulent être effacés de leurs fichiers de milliers de condamnés, de payer une somme forfaitaire de dossier qui va de 50 à 100 dollars et même parfois plus de 250 dollars.

Le droit à l’oubli numérique n’est pas respecté

Le problème tient aussi au fait que certains fichiers ont déjà étés dupliqués, si bien que pour disparaître totalement, les « victimes » doivent payer à chaque fois. Certains proposent une solution globale comme « Removeslander.com » ou internet reputation (http://www.internetreputation.com/mugshotsworld-com-record-removal/) qui proposent aux anciens « condamnés » de voir leurs photos disparaître de plusieurs de ces sites. Très critiqués depuis leur multiplication au début des années 2010 par des sites comme searchengineland.com et tous ceux qui suivent les nouvelles tendances du Web, ces sites de photos sont désormais dans la ligne de mire de Google qui souhaite résoudre ce grave problème.

Liberté de la presse contre liberté individuelle

Mais la législation actuelle des sites repose sur le premier amendement des Etats-Unis (1) qui pousse à une totale disponibilité et transparence des données publiques, une garantie contre la corruption. Plusieurs avocats et syndicats de journalistes se sont publiquement opposés à ce que ces informations, à leurs yeux, d’intérêt public, soient effacées. C’est, pour eux, un moyen de conserver une véritable base de données des malfrats. Le problème est que la police a aussi publié des fichiers de personnes qui avaient étés arrêtées mais sans être condamnées ensuite. Ce qui paraissait être un bon moyen pour la police de retrouver rapidement d’éventuels récidivistes est devenu un cauchemar pour ceux qui veulent échapper à ces fichiers.

Le New York time a relancé le débat ce week end (Mugged by a Mug Shot Online) en interrogeant Jason Freidenfelds, le responsable de communication de Google sur ce point, car les « victimes » sont aussi repérées et référencées par Google image. Celui-ci aurait répondu d’emblée au journaliste David Segal du New York Times : « Ce n’est pas le rôle de Google de censurer ou de juger les contenus » . « On ne peut pas de nous-même rendre inopérants des sites » ; deux jours après Google a précisé qu’il travaillait sur un algorithme pour réduire ces risques. Deux états, l’Utah et la Géorgie, ont déjà décidé d’agir en faisant fermer une liste de sites qui effectuaient cette forme de chantage passif. Ce n’est pas la première fois que des publications en ligne de photos compromettantes génèrent des procès. Des condamnations sévères, pour des fait similaires, avaient marqué l’apogée de sites érotiques spécialisés comme myexgirlfriend (myex.com) pour ses publications de photos et de vidéos amateurs effectuées par des amants déçus, cherchant à se venger de leurs ex-partenaires.

Quid de la France ?

En France, la loi sur le respect de la vie privée est à la base du code pénal dans son article 9, qui dès sa création en 1803 ne badinait pas. Le droit à l’image limite aussi les excès que l’on constate sur les sites américains, mais Internet abolit les frontières. Sans cesse amélioré et amendé depuis 1803, l’article sur la liberté individuelle a pris en compte toutes les évolutions technologiques. On se souvient par exemple que les vidéos de téléphone portable prises lors de lynchage dans les cours de récréation, connues sous le nom de « happy slappin », ont été interdites par la loi en 2007. L’article 222-33-3 du code pénal sanctionne ainsi la diffusion d’images de violence par cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende. La liberté individuelle a un prix et elle paraît mieux défendue en France qu’ailleurs.

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(1) Le texte du premier Amendement est le suivant : « Le Congrès ne fera aucune loi pour conférer un statut institutionnel à une religion, (aucune loi) qui interdise le libre exercice d’une religion, (aucune loi) qui restreigne la liberté d’expression, ni la liberté de la presse, ni le droit des citoyens de se réunir pacifiquement et d’adresser à l’État des pétitions pour obtenir réparation de torts subis (sans risque de punition ou de représailles) »