Jadis critiquée pour son approche timide de l’ingénierie de la qualité, la France se distingue aujourd’hui par une adoption généralisée des chaînes CI/CD et du DevOps. Cette montée en maturité, observée dans le rapport World Quality Report 2023-2024 de Capgemini, Sogeti et OpenText, reflète un changement significatif dans la gestion de la qualité et l’efficacité des tests dans le paysage informatique.

Chaque année, et pour la quinzième édition, Capgemini, Sogeti et OpenText publient un rapport « World Quality Report » qui fait référence dans l’ingénierie de la qualité. Au fil des récents rapports, une tendance forte se dessine : En cinq ans, les entreprises françaises ont considérablement gagné en maturité sur le sujet notamment par leur adoption certes tardive mais désormais généralisée des chaînes CI/CD, de l’automatisation des tests et de manière plus globale du DevOps.

Au point que, désormais, les rapporteurs à l’époque peu tendres avec la France, saluent désormais son approche « positive et progressiste ». Ils constatent que depuis deux ans, en France, « la conversation s’est déplacée vers l’efficacité, la valeur Business des tests et l’agilité qui peut fournir un retour rapide sur l’investissement dans la qualité ».

Et de poursuivre leur appréciation positive en expliquant que « au fil des ans, une bonne compréhension des tests et de la qualité a conduit la France à adopter une vision plus holistique de la qualité dans le paysage informatique mondial. Nous assistons à une intégration plus poussée que jamais entre l’informatique, les tests et l’entreprise. Cette intégration va continuer à s’améliorer car les DSI accordent de plus en plus d’importance à la valeur Business et à l’efficacité des tests plutôt qu’à la nature et à la manière dont les tests sont effectués. »

Une évolution des exigences

Des attentes élevées des clients, des exigences d’interopérabilité, des réglementations, des directives en évolution et des risques de cybersécurité… Tout contribue à voir les entreprises adopter une approche plus rigoureuse et agile des « tests » et de la qualité.

Parallèlement, la tendance de l’hyper-personnalisation que l’on rencontre dans presque toutes les entreprises (à commencer par l’automobile) ajoute à la complexité, car elle exige des tests plus exhaustifs encore.

D’où cette idée que les tests ne se suffisent à eux seuls et que les organisations doivent mettre en œuvre une véritable approche plus large de l’ingénierie de la qualité qui se concentre sur la valeur plus que sur le volume afin d’offrir de meilleures expériences client, une meilleure protection de la marque et au final une plus grande réussite commerciale.

Selon le rapport, 67% des organisations ont intégré l’Ingénierie de la Qualité (QE, Quality Engineering) au cœur de leurs opérations commerciales, pour garantir que les avancées technologiques respectent les normes de qualité.

L’IA envahit aussi l’ingénierie de la qualité

On le sait, l’ingénierie de la qualité et la mise en œuvre de tests continus s’appuient sur une essentielle automatisation des processus. D’ailleurs le rapport montre que 86% des organisations ont intégré leurs outils d’automatisation des tests à leurs pipelines de livraison. Mais il faut aller plus loin. « L’ingénierie de la qualité est en train de changer, et l’IA est l’un des moteurs de cette transformation. L’IA offre des possibilités infinies et ouvre la voie à des DevOps plus intelligents, notamment en matière d’assurance qualité » explique ainsi Muhi Majzoub, Chief Product Officer chez OpenText.

Et justement, le rapport 2023 montre que 77 % des entreprises l’ont bien compris et investissent pour faire de l’IA un élément essentiel de leur infrastructure d’ingénierie de la qualité. Preuve que l’usage de l’IA pour améliorer la qualité a beaucoup progressé ces dernières années. D’ailleurs 63% des organisations françaises interrogées affirment avoir déjà utilisé de l’IA pour de l’exécution de tests ou du « self-healing » (autocorrection).
Et ceci même si le sujet ne fait pas non plus l’unanimité : 31% des personnes interrogées restent sceptiques quant à l’efficacité de l’IA dans l’assurance qualité, soulignant le besoin d’une approche progressive et mesurée dans l’adoption de ces technologies. Elles s’inquiètent notamment de la sécurité, de la confidentialité et des biais de telles IA.

Bien évidemment, l’arrivée de l’IA générative a changé la donne aussi bien par son potentiel de génération de tests mais aussi par son adoption massive qui a ouvert les esprits à son potentiel. Ainsi, pour la première fois, la majorité des organisations (65 %) voient en premier l’IA comme un levier pour augmenter leur productivité. « L’IA générative, en particulier, est perçue comme un moyen d’accélérer la productivité et la vitesse de déploiement, améliorant ainsi l’expérience client grâce à des mises à jour plus fréquentes » expliquent les rapporteurs. Un changement de priorité qui relègue l’amélioration de la fiabilité des tests par l’IA (pour 33%) et la diminution des défauts grâce à l’IA (pour 22%) derrière la productivité. Et pour les rapporteurs, ce changement de priorité trahit aussi une évolution des pensées en matière de tests : les responsables afficheraient une plus grande tolérance aux défauts tant que ces derniers peuvent rapidement être corrigés en itérant rapidement.

La sobriété numérique entre dans le spectre de la qualité

Pour Muhi Majzoub, « l’impact de l’IA s’étendra au-delà des investisseurs et des clients pour apporter de profonds avantages économiques, sociaux et environnementaux »… Et, oui, environnementaux aussi.

C’est d’ailleurs l’un des grands enseignements de ce rapport. Les efforts de sobriété numérique et de Green IT intègrent désormais le champ de l’ingénierie qualité. Dit autrement, les entreprises ont pris conscience que la « qualité » devait aussi intégrer les sujets de durabilité et d’éco-responsabilité.

Ainsi, selon l’étude, 97% des organisations dans le monde (85% en France) considèrent l’Ingénierie de la Qualité (QE) comme un élément clé pour faire avancer leur agenda de « durabilité ». Et plus de la moitié (55%) des organisations reconnaissent les avantages environnementaux d’une informatique durable : réduction de la consommation d’énergie (et donc de la facture), minimisation des déchets électroniques et utilisation plus efficace des ressources…

Si la volonté est là, les moyens d’agir tardent quand même à se concrétiser : 63% des répondants reconnaissent ainsi que leur priorité pour les 12 prochains mois reste de comprendre comment contrôler et rendre compte des « mesures Green » prises dans le cadre des processus de tests d’assurance qualité.

La France doit progresser dans le SRE et le Shift-Right

Le rapport constate enfin qu’au niveau international, une grande majorité d’entreprises s’orientent désormais vers le passage à un centre d’excellence des tests (TCoE – Testing Center of Excellence) plutôt que de se contenter des traditionnelles pratiques d’assurance qualité attachées à chaque projet. Selon le rapport plus de 70 % des organisations apprécient ce modèle centralisé, qui peut conduire à des processus de test plus efficaces et efficients. Cette tendance reflèterait l’importance croissante de l’assurance qualité dans la fourniture de produits ou de services fiables et performants mais aussi une évolution vers une gestion agile de la qualité mettant l’accent sur l’amélioration continue, l’adaptabilité et la satisfaction client.

C’est d’ailleurs sur ces thématiques que la France peut encore progresser selon le rapport. Les approches « Shift-Left » (déplacement des tests au plus tôt dans le processus de développement) sont de mieux en mieux maîtrisées mais des progrès restent à faire en matière de SRE et « Shift-Right » (gestion des tests en conditions réelles, donc en production). Les rapporteurs expliquent ainsi que « alors que le pays progresse dans la maîtrise de l’approche shift-gauche, on s’attend de plus en plus à ce qu’il excelle également dans l’approche shift-droite, en adoptant les avantages potentiels offerts par l’ingénierie de la fiabilité des sites (SRE). Bien que l’approche SRE soit considérée comme un sujet très intéressant par les organisations françaises, elle n’est pas encore devenue une compétence de base ».