Face à la complexité croissante des environnements industriels, la maîtrise des flux de données devient une condition sine qua non de compétitivité. Connectivité, prédictivité et souveraineté numérique redessinent les contours d’une industrie pilotée par l’intelligence opérationnelle.

Depuis plusieurs décennies, notre société est engagée dans une transformation numérique continue. Avec la crise du Covid-19, une nouvelle transformation numérique a été entamée à marche forcée par les entreprises. Les collaborateurs et les consommateurs ont adopté massivement de nouveaux services numériques innovants qui sont devenus la nouvelle norme. L’industrie manufacturière ne fait pas exception : la digitalisation est devenue une étape obligatoire pour renforcer la compétitivité et accroître la performance industrielle. Aussi, elle intègre des technologies clés comme la maintenance prédictive (48 %), les systèmes MES (45 %), la planification intégrée (44 %) et l’IoT (42 %). La France affiche un taux d’implémentation de solutions d’IA de 7 %, dépassant la moyenne européenne (5 %), mais restant en deçà du niveau mondial (9 %). Au cœur de cette mutation, la data s’impose comme le véritable carburant de la transformation industrielle.

Développer une vision globale et centralisée de la data

Le premier objectif de la digitalisation industrielle est de proposer une représentation numérique de ce qu’il se passe dans les usines. Aujourd’hui, les nouvelles usines sont équipées de machines “digital ready”, qui collectent directement des données relatives au fonctionnement, à l’état et à la performance de l’équipement. Quant aux installations plus anciennes, elles peuvent être connectées grâce à l’IoT : capteurs intelligents, dispositifs de télémétrie et solutions cloud permettent de connecter l’existant et d’exploiter pleinement le potentiel de la donnée. Eiffage a ainsi installé une trentaine de capteurs sur chacun de ses sites de carrières et d’usines d’enrobés qui collectent à la fois des données relatives aux consommations de gaz, d’électricité ou d’eau et également des éléments exogènes comme l’humidité ou la météo. La digitalisation des sites industriels a ainsi permis de réduire de 7 % la consommation d’énergie par tonne produite grâce à l’analyse des données IoT.

L’enjeu est de rendre la data accessible à distance afin de développer une vision globale et centralisée pour prendre des décisions éclairées.

Une data au service de bénéfices tangibles

De nombreux cas d’usage sont explorés par l’industrie, à l’instar de la maintenance prédictive, du pilotage de la maîtrise énergétique, ou encore de l’identification des écarts sur la ligne de production. Selon les données du Ministère de la Transition Écologique, en 2023, l’industrie manufacturière représentait environ 19 % de la consommation finale d’énergie en France.

Les opportunités offertes par la technologie sont nombreuses : réduction des coûts, accélération des cycles de production, amélioration du niveau de qualité des produits finis, automatisation des tâches à faible valeur ajoutée, baisse de la pénibilité ou encore création de nouveaux services. Pour reprendre l’exemple précédemment évoqué, les quelques 2 millions de messages IoT délivrés par jour et sur chacun des sites d’Eiffage fournissent à l’opérateur des informations en temps réel sur la manière dont il doit gérer sa machine. In fine, cela permet de garantir le meilleur niveau de qualité possible pour les produits car ils bénéficient d’un processus industriel personnalisé et optimal.

Expérimenter pour réussir

Pour parvenir à ces résultats, il est indispensable d’expérimenter. Les entreprises prudentes peuvent commencer par des projets modestes, en privilégiant des cas d’usage simples qui permettent de générer rapidement des gains mesurables. Pour assurer leur réussite, il convient d’impliquer dès le départ les futurs utilisateurs afin de réduire les résistances au changement et de favoriser une adoption fluide des nouvelles solutions. Chez InVivo, pour faciliter l’adoption de l’intelligence artificielle au sein des malteries, il est expliqué au personnel que l’IA va leur proposer 3 scénarios, qu’ils sont libres d’accepter ou non. En cas de refus d’un scénario, ils doivent justifier leur décision. Résultat : le taux d’adoption est d’environ 85%.

La donnée représente bien plus qu’un actif, c’est un moteur de compétitivité, d’agilité et de résilience pour l’industrie du futur. Néanmoins, si la digitalisation industrielle est le moyen d’assurer à la donnée de jouer pleinement son rôle de levier économique, il est indispensable de ne pas s’arrêter à une vision purement technologique. Elle nécessite la mise en œuvre d’une stratégie d’intégration progressive et une capacité à embarquer les équipes autour de projets concrets. Un autre défi consistera à garantir la souveraineté, la qualité et l’éthique des données dans un environnement de plus en plus structuré par les plateformes technologiques. Alors que l’intelligence artificielle et l’automatisation redéfinissent les chaînes de valeur industrielles, la gouvernance de la donnée s’imposera comme un levier stratégique majeur, au croisement de l’innovation, de la souveraineté numérique et de la durabilité.
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Par Thierry Lair, Sales Manufacturing Lead chez Fujitsu France

 

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