Après la cybersécurité et le cloud computing, InformatiqueNews continue son tour d’horizon technologique et revient sur les grandes tendances qui vont marquer l’année 2020 en matière d’intelligence artificielle et d’analyse des données.

Pour Forrester, « il est temps de transformer l’artificiel en réalité ». Pour le cabinet d’analyse, 2020 sera une année où les entreprises feront moins d’expérimentations de l’IA et du Machine Learning mais davantage d’implémentations se focalisant sur la bonne stratégie, les compétences, la gouvernance des données, et les outils leur permettant d’être rapidement opérationnels.

L’IA, moteur de l’hyperautomatisation

Gartner a inventé un nouveau mot pour décrire l’une des grandes tendances technologiques de 2020 : Hyperautomatisation (hyperautomation en anglais). Pour Gartner, le machine learning va accélérer l’automatisation de bien des processus.
Une idée que l’on retrouve chez Forrester qui prédit que 25% des entreprises du classement Fortune 500 vont accélérer leur adoption de « l’IPA » sur des centaines de cas d’usages et rediriger leurs budgets IA vers cette forme d’automatisation des processus. L’IPA (Intelligent Process Automation) c’est le nouveau nom donné à un RPA (Robotic Process Automation) dopé à l’intelligence artificielle. L’automatisation par IPA va être de plus en plus employée dans tous les processus impliquant l’analyse de textes, d’emails, de messages de réseaux sociaux.

La montée de l’IA Neurosymbolique

L’année 2019 a été marquée par l’émergence de nouveaux services d’IA automatisée. De l’IA rendue plus abordable grâce à de l’IA. Google AutoML, IBM AutoAI, Tibco AutoML, Azure Automated ML (dans Azure ML Studio) ou encore AWS SageMaker AutoPilot résultent d’une même volonté de simplifier la préparation des données et le développement de modèles grâce à de l’automatisation intelligente.
L’une des tendances montantes est l’IA Neurosymbolique. En linguistique comme en mathématiques, les symboles et les relations abstraites qui les unissent ont un rôle primordial. Pour la compréhension de la pensée humaine, l’IA doit acquérir la capacité d’appréhender les symboles. L’IA neurosymbolique consiste à bâtir des réseaux de neurones capables d’encoder et interpréter les symboles. Contrairement aux modèles de réseaux de neurones habituels, les TPRs (Tensor Product Representations) ont une structure interne spéciale permettant une compréhension symbolique.
Ces nouvelles formes de réseaux de neurones, cette IA Neurosymbolique, devrait se traduire en 2020 par des progrès notables dans la compréhension des interrogations en langage naturel et dans la capacité des IA à résoudre des problèmes mathématiques.

L’IA va investir les call centers

Dans le prolongement du point précédent, l’apparition des IA Neurosymboliques est urgente. Car selon Forrester, en 2020, 4 interactions sur 5 avec des intelligences conversationnelles continueront de « contrarier Turing » et de frustrer les utilisateurs. Pour Forrester, les moteurs NLU (Natural Language Understanting) aujourd’hui attachés aux chatbots jugés les plus « intelligents » restent bien trop perfectibles. En 2020, 80% des chatbots n’embarqueront toujours aucune IA réelle.
Pourtant l’IA sera toujours un peu plus présente dans les call centers pour aider les humains à mieux interagir à travers la multiplicité des canaux. Lors de Dreamforce 2019, Salesforce a démontré comment l’intégration à Amazon Connect permet à Service Cloud de profiter d’Amazon Transcribe, Amazon Translate et Amazon Comprehend pour automatiquement transcrire les échanges téléphoniques et aider les agents à analyser les émotions et sentiments du client durant l’appel. Salesforce a aussi montré une IA qui recommande des réponses et des actions aux agents mais aussi affiche des informations contextualisées en fonction des produits ou des thèmes évoqués par le client.

Le Reinforcement Learning cherche ses usages industriels

Depuis deux ans, le « Reinforcement Learning » (RL ou apprentissage par renforcement) est une approche qui consiste à laisser une IA apprendre de ses propres erreurs : pour faire simple on définit des règles à une IA avec des bonus quand elle réussit et des malus quand elle échoue. Et on répète les phases d’apprentissage. Les débuts sont aléatoires et petit à petit, l’IA acquiert une compétence voire un sens tactique. Les techniques de Reinforcement Learning ont jusqu’ici beaucoup été expérimentées par le jeu vidéo. OpenAI a notamment développé des IA imbattables sur bien des jeux (dont ceux de la console Atari VCS) et a même développé une équipe IA redoutable sur DOTA 2 (chaque IA jouant un personnage mais les IA ont appris à jouer ensemble pour définir des stratégies gagnantes).
En 2020, le RL serait désormais suffisamment maîtrisé pour être expérimenté dans le monde industriel notamment pour l’implémenter sur des robots mais surtout pour l’implémenter sur des systèmes autonomes. Pour beaucoup d’observateurs, le RL est l’une des clés essentielles pour passer des systèmes « bêtement automatisés » à des systèmes « intelligemment autonomes ».

Vers toujours plus de biais ?

L’équité de l’IA est encore loin d’être résolue. En 2020, on devrait commencer à voir se généraliser certains frameworks développés par IBM, Microsoft, Google et d’autres centres de recherches notamment français pour donner aux réseaux de neurones et à l’IA de manière générale davantage de transparence et de traçabilité dans les raisonnements appliqués.
Pour autant, plus l’IA est appliquée à des domaines différents plus les biais (généralement liés aux données d’apprentissage) vont se multiplier. En 2019, certaines IA se sont révélées discriminantes. Avec l’usage de toujours plus de reconnaissance faciale, de personnalisation par l’IA, et de décisions assistées par des IA, Forrester s’attend à voir au moins trois gros scandales faire la une des magazines et entraîner des situations de crises pour les relations publiques des entreprises incriminées (qui feront partie du Top 100 des plus grandes entreprises mondiales).
Selon Forrester, ces scandales ne freineront en rien l’adoption de l’IA mais l’on peut espérer qu’humains et IA apprendront de leurs erreurs.

La montée d’une gouvernance des données

Le RGPD et la sécurité des données confidentielles ne sont pas les seuls moteurs à inviter les entreprises à mettre enfin en place une vraie gouvernance des données au sein des entreprises. L’IA en est un autre moteur. CDaO (Les Chief Data Officers) et les DSI vont ouvrer à la mise en œuvre d’une telle gouvernance pour que les data-scientists ne passent plus 80% de leur temps à nettoyer et préparer des données.
Par ailleurs de nouveaux outils vont apparaître. Certains embarquent de l’IA pour aider à ces phases de nettoyage et de préparation. D’autres proposent des plateformes offrant des visions bien plus unifiées de l’ensemble des données, unissant data lakes (lacs de données généralement non structurées) et data warehouses (entrepôts de données structurées). Microsoft a ainsi annoncé Azure Synapse Analytics, mais on retrouve des efforts similaires chez SAP et chez AWS (avec AQUA for Redshift et Redshift Federated Query and Paquet Export).

L’IA cherche à dévorer moins de données

C’est connu, pour qu’une IA fonctionne, autrement dit pour qu’un réseau de neurones Deep Learning fournisse des résultats pertinents, il faut l’entrainer avec des jeux de données massifs. Mais des progrès dans les méthodologies de synthèse de données et dans les réseaux GAN (Generative Adversarial Networks), les IA de demain devraient pouvoir se contenter de jeux de données réelles moins importants et compléter leur entraînement avec des données qu’elles vont elles-mêmes synthétiser.

L’IA va nous pourrir de Deepfakes…

Les progrès des IA en matière de manipulations des sons et des images ont été évidents en 2019. Des IA de Google ont généré des paysages plus vrais que nature mais totalement fictifs. L’humoriste Jordan Peele a, par des technologies IA avancées d’OpenAI, créé un faux discours de Barack Obama où on le voit dire des choses invraisemblables : Jordan Peele s’exprime en temps réel, mais les gens voyaient et entendaient sur leur téléviseur le visage et la voix de l’ancien président américain. Grâce à l’IA nos smartphones sont aujourd’hui capables de créer des clichés de nuit ou en faible lumière très impressionnants supprimant les flous de tremblements et faisant apparaître des détails même pas visibles à l’œil nu. L’éditeur Chinois Zao a lancé une app permettant de recréer des séquences cinématographiques d’un hallucinant réalisme en plaçant son propre visage en lieu et place de celui d’un acteur ou d’une actrice.
Sauf que tous ces Deepfakes vont aussi avoir des impacts très nuisibles une fois associés à la viralité des réseaux sociaux pour diffuser des fake news mais aussi pour la sécurité des entreprises. En 2019, des cybercriminels ont utilisé une IA pour imiter la voix d’un PDG et ainsi dérober 200 000€ à une entreprise.

En attendant, l’humain devra donc à la fois apprendre à faire confiance à l’IA pour l’aider dans son travail quotidien et à collaborer avec des agences artificielles, tout en se méfiant des usages que certains feront du formidable potentiel de ces technologies…
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