L’année s’achève et les analystes et éditeurs nous livrent leurs prédictions sur l’année à venir et sur les grandes tendances qui se dessinent. Comme chaque année, InformatiqueNews dédie cette semaine de transition entre deux années à ces grandes tendances. Commençons par le Cloud…

L’informatique dans le nuage, le cloud computing, aura sans aucun doute été la grande révolution informatique des entreprises de la décennie écoulée. Mais toujours en mouvement est le cloud. Nous avons regroupé ici les principales tendances et prédictions des différents analystes du marché.

L’hybride, encore et toujours plus

Depuis des années, tout le monde s’accorde pour dire que le cloud sera hybride avec des éléments maintenus dans l’enceinte de l’entreprise et d’autres déployés dans le cloud. Mais au-delà des discours, 2019 aura été une année forte en annonces pour arriver à proposer des plateformes uniformes du datacenter on-prem aux hyperscalers en passant par le edge.
D’une part, il y a les approches des spécialistes de l’infrastructure interne. En annonçant Tanzu, Project Pacific et en rachetant Pivotal, VMware est en train de totalement réinventer vSphere non seulement autour des containers mais aussi autour de ce qu’ils peuvent apporter en matière d’hybridation des infrastructures. De son côté, Nutanix concrétise sa vision hybride avec une approche de plus en plus complète qui étend l’idée même de l’hyperconvergence (pilier de son cloud privé) aux différents clouds.
D’autre part, les grands hyperscalers proposent désormais aux entreprises d’héberger chez eux leurs principaux services. C’est ce que propose Microsoft avec Azure Stack (basé sur des appliances) mais aussi Azure Arc (basé sur Kubernetes), Google avec Anthos (basé sur Kubernetes), et AWS avec Outposts (basé sur des appliances maison, managées par AWS).
Pour Gartner, l’approche prend tellement forme qu’elle invitera les entreprises à entièrement repensée leur gestion du « Disaster Recovery » (reprise d’activités après sinistres), une bonne approche hybride pouvant aller jusqu’à rendre caduque les offres actuelles de DRaaS (Disaster Recovery as a Service).
Gartner entrevoit en 2020 l’émergence d’un nouveau domaine : HDIM, Hybrid Digital Infrastructure Management. Des solutions spécialisées dans la gouvernance et la gestion des infrastructures hybrides.

Le rapatriement de certains Workloads du cloud

Les entreprises ont découvert en 2018 et 2019 que certaines promesses économiques du cloud n’étaient pas tenues et que le cloud leur coûtait parfois plus cher.
La raison en est simple : mettre dans le cloud des applications qui ne sont pas « cloud natives » n’est souvent pas rentable. Surtout lorsqu’on parle d’applications historiques dont la criticité est « moyenne » et que les entreprises ont commencé à faire évoluer (notamment en adoptant des infrastructures hyperconvergées) leur informatique interne vers plus d’agilité. La tendance cloud-hybride aidant, nombre d’entreprises envisagent de rapatrier en interne des Workloads clouds jugés trop coûteux. Probablement pour mieux les y replacer ensuite lorsqu’ils auront été modernisés dans un esprit plus cloud compatible. C’est d’ailleurs l’une des clés des approches visant à transformer les VMs en Containers telles que l’envisage VMware avec Project Pacific et telles que le pratique déjà Google avec GCP/Anthos Migrate.

L’ère de l’omni-cloud hyper-distribué

L’année 2019 a vu se concrétiser deux tendances fortes : celle du « multi-cloud » (le mot en vogue de l’année) et celle du cloud distribué.
Le « multi-cloud » résulte de l’idée que les entreprises ne confieront pas tout (ni tous leurs workloads, ni toutes leurs données) à un même hyperscaler ou cloud public. Elles les combineront pour améliorer leur résilience, optimiser leurs coûts, faire jouer la concurrence. Et les solutions pour obtenir des visions plus unifiées de cette répartition des tâches sur différents clouds se sont multipliées. Il y a même des outils, notamment chez Nutanix et chez HPE, qui permettent d’évaluer le coût d’un workload selon qu’on le place sur l’infrastructure interne (le cloud privé) ou sur le cloud public X, Y ou Z.
Le « Cloud Distribué » résulte de la multiplication des datacenters des grands opérateurs cloud. Les services sont distribués à différents emplacements mais la gouvernance reste centralisée en un seul endroit. Les approches hybrides Azure Stack/Arc, Anthos, Nutanix ou VMware contribuent à étendre son principe. Mais AWS propose une vision encore plus avancée de ce « Cloud Distribué » avec Outposts (qui consiste à placer des serveurs AWS au sein même des datacenters des entreprises, serveurs gérés par AWS) et avec ses AWS Local Zones, des mini-datacenters placés au plus proche des zones d’activité et gérés comme des extensions d’une région AWS afin de mieux servir des applications ayant besoin de latences faibles.
L’union de ces deux réalités conduit à une nouvelle perception du cloud, à la fois hybride, multiple et distribué que l’on nomme « omni-cloud ».

Le règne du Serverless et ses différents visages

G2 Research n’hésite carrément pas en titrant de façon volontairement provocante « hardware is dead ». Il est vrai qu’avec des informatiques désormais entièrement définies par logiciel, le rôle du hardware perd en visibilité si ce n’est en prévalence. Et ce n’est pas les nouvelles tendances « Serverless » qui vont améliorer les choses. Bien sûr hardware et serveurs continuent d’exister mais ils deviennent totalement transparents. Et notamment aux développeurs qui n’ont plus à se soucier d’infrastructure, de montée en charge, de plomberie, etc.
Mais G2 Research aurait aussi pu ajouter « Kubernetes est mort, longue vie à Kubernetes ». Car maintenant que l’orchestrateur de containers s’est imposé partout, y compris sur vSphere (avec le projet Pacific), le nerf de la guerre se jouera ailleurs, ou plutôt au-dessus. Les développeurs ne veulent plus se soucier des clusters Kubernetes. Ce qu’ils veulent, c’est placer leurs containers sur une « entité serverless » qui prend tout en charge pour eux : la sécurité, l’optimisation du placement, le cycle de vie, la montée en charge, etc. Les technologies à surveiller se nomment Knative, « Iron.io » ou encore Istio. C’est l’ère du « CaaS », du « Container as a Service » tel qu’il se pratique déjà sur Azure (ACS), AWS (Fargate) ou GCP (Cloud Run) mais qui se pratiquera désormais aussi sur les clouds privés qu’ils soient animés par VMware, Nutanix, Azure Stack, Amazon Outposts ou Google Anthos.
Mais le « CaaS » n’est pas le seul visage du Serverless. Le « FaaS », Function as a Service, propose une vision où les développeurs n’ont même plus la notion de containers et se contentent simplement de coder chaque fonctionnalité de leurs applications, déclenchées par toutes sortes d’événements, et de les mettre en production au fur et à mesure, l’infrastructure se chargeant de tout. Souvent présenté comme l’évolution 2.0 du PaaS (Platform as a Service), le FaaS révolutionne l’approche du développement. Ce qui freine le FaaS aujourd’hui, c’est son manque d’unification : Azure Functions (en open source), AWS Lambda, OpenWhisk (chez IBM), OpenFaaS, … Les plateformes sont nombreuses. Et elles dépendent, de par la nature événementielle d’une programmation FaaS, de gestion de briques d’événements elles aussi très diverses (chaque cloud en propose). Mais le FaaS est tellement adapté à un monde de microservices et d’IoT, qu’il finira par s’imposer. 2020 pourrait être une année charnière pour le Serverless comme 2019 l’a été pour Kubernetes.

Le SDN se concrétise enfin

Avec l’intensification du cloud computing d’un côté et l’arrivée de la 5G de l’autre, les entreprises mondiales doivent repenser leur connectivité aux services cloud d’une manière directe, sécurisée, fiable (redondante), rapide, rentable, et totalement automatisée. Ce qui est généralement beaucoup plus facile à dire qu’à faire mais qui est la promesse de ce SDN (Software Defined Network), dernière composante du SDI (Software Defined Infrastructure) qui tarde à se concrétiser. Mais cette fois, opérateur de téléphonie, opérateur de clouds, opérateur d’interconnexion, et entreprises sont dans le même navire et les services réseau vont devoir s’automatiser et s’unifier pour que les promesses de « l’omni-cloud hyper-distribué » se concrétisent.

Le cloud quantique prend forme

En 2020, les entreprises vont pouvoir se confronter à l’informatique quantique. Tout au moins celles qui disposent d’équipes prospectives travaillant sur des projets visionnaires. Car les quelques rares machines quantiques disponibles à travers le monde sont aujourd’hui accessibles aux entreprises via le cloud. Si IBM opère déjà un service cloud quantique depuis plus de 2 ans, il a été rejoint cette année par AWS, Azure et Rigetti qui proposent des offres « Quantum Computing as a Service », pour l’instant d’un accès très limité, mais qui seront ouvertes à un plus grand nombre d’entreprise en 2020.
Or l’informatique quantique nécessite des approches algorithmiques radicalement différentes et la formation de véritables spécialistes de la programmation quantique prendra du temps. Alors, autant démarrer leur formation le plus tôt possible. Et même si l’informatique quantique ne voit pas le jour de sitôt, cette approche de la programmation quantique peut être bénéfique aux développeurs d’aujourd’hui pour réinventer les algorithmes qui animent nos machines actuelles comme l’a démontré Ewin Tang dans sa thèse autour des algorithmes de recommandation.

Le Machine Learning et l’IA sont des services Cloud

Entre des volumes de données massifs, des infrastructures lourdes pour l’apprentissage que l’on doit pouvoir commissionner et décommissionner à volonté, la nature « fail fast » des expérimentations sur les données, le cloud est la destination de prédilection de tous les projets de Machine Learning et Deep Learning.
Ces derniers mois, les services de « Machine Learning as a Service » ont beaucoup gagné en souplesse et en simplicité d’utilisation avec l’apparition d’interfaces de sélection, travail, préparation sur les données très interactives. C’est particulièrement le cas chez Azure avec Azure ML Studio et chez AWS avec Amazon SageMaker Studio., IBM avec Watson ML Studio. Mais ces services cloud cherchent aussi à rendre le machine learning bien plus abordable avec des approches très automatisées « Auto ML » comme en propose GCP avec Cloud Auto ML mais aussi Azure et AWS (SageMaker).
Tous les analystes s’accordent à considérer que ces services vont réellement prendre leur envol en 2020 avec de plus en plus de PME, TPE à se rendre compte des impacts que l’IA peut avoir sur leur développement économique.

La cybersécurité, sujet à haute tension

Jusqu’ici les grands clouds publics se sont souvent contentés d’obtenir toutes les spécifications de la planète en matière de sécurité des infrastructures et de fournir des services de chiffrement en expliquant aux entreprises que la cybersécurité de leurs workloads et de leurs données était de leur ressort pas de celles des fournisseurs de cloud. Mais les temps changent. Et la demande des entreprises s’est intensifiée. Les fournisseurs de cloud ne peuvent rester passifs et doivent activement participer à la sécurisation des entreprises et des workloads qui leur sont finalement confiés.
Microsoft et Google l’on bien compris en lançant respectivement cette année Azure Sentinel et Chronicle BackStory ou en signant des partenariats avec des acteurs comme Qualys (par ailleurs aussi intégré au Security Hub d’AWS). Les portfolios de solutions et services pour une plus grande sécurité des workloads et des données confiés aux clouds ont commencé à s’étoffer en 2019 et la tendance va s’intensifier en 2020 avec notamment la volonté de pouvoir définir et déployer des politiques de sécurité communes en interne et sur tous les clouds.

Les communications unifiées passent par le cloud

Dans la droite ligne des annonces de Salesforce lors de Dreamforce 2019 et des accords de partenariat signé avec AWS, il faut s’attendre à voir les entreprises (notamment TPE et PME) se tourner enfin vers les solutions de « Communications Unifiées as a Service » (UCaaS) pour l’instant largement sous employées. Mais les entreprises ont non seulement des besoins de communications unifiées croissants, mais elles ont aussi besoin de plateformes qui offrent des API pour permettre d’intégrer SMS, réseaux sociaux, appels et visio au cœur des applications métiers (CPaaS, Communications Platform as a Service).
Pour plusieurs observateurs, 2020 devrait marquer une accélération de l’adoption des plateformes UCaaS/CPaaS par les entreprises.

Ces tendances confirment que le cloud reste un espace très mobile et très actif, où se jouent bien des défis des entreprises. Alors que certains observateurs anticipent un tassement en 2020 de la croissance des grands clouds, avec tout de même une croissance dépassant allègrement les 20%, l’impression laissée par les derniers AWS Re:Invent 2019, Microsoft Ignite 2019  et Google Next’19, c’est bien que le Cloud n’en est qu’à ses débuts et que nous n’avons fait jusqu’ici qu’effleurer la richesse et la diversité des services que les AWS, Azure, Google, Alibaba Cloud et consors nous proposeront à l’avenir…