1e théorie : les start-ups sont en train de grignoter la part des acteurs de longue date

Dans le domaine, du stockage, nous avons vu de nombreuses start-ups apparaître ces dernières années. Tout spécialiste du secteur sait que l’offre est, de loin, supérieure à la demande : le marché n’a pas besoin d’un si grand nombre d’acteurs, si bien qu’il y va y avoir des gagnants et des perdants.

Certaines start-ups semblent se livrer à la course des budgets dépensés le plus vite : beaucoup de sommes investies, face à bien peu d’opportunités concluantes.

Qui plus est, ces jeunes pousses seront souvent tentées, de se faire racheter par un éditeur de plus grande taille bien ancré sur le marché. Mais même si l’on ajoute leur chiffre d’affaires (estimé), notre équation de départ n’est pas résolue…

2e théorie : bientôt l’avènement du 100% cloud ?

Il y a quelques années, on annonçait l’effondrement total du système des groupes informatiques, poussés dehors par l’avènement du tout-puissant cloud public. Finalement, l’informatique professionnelle fonctionne différemment.

La réussite de services de cloud publics, tels que ceux proposés par Amazon et Google, entre autres, est bien évidemment incontestable, mais ces offres se sont développées parce qu’elles répondent à des besoins que les groupes informatiques traditionnels ont du mal à satisfaire.

Pour autant, la situation n’est ni blanche, ni noire. Les sommes d’argent dépensées dans les services de cloud publics ne cessent d’augmenter, et le phénomène est le même du côté des applications informatiques, des solutions SaaS et d’autres offres professionnelles. Les spécialistes de l’informatique d’entreprise savent parfaitement bien que la possession d’un actif (dont on exploite le plein potentiel) est plus avantageuse financièrement parlant que la location à la demande.

L’un dans l’autre, comment un cloud public pourrait causer un immense tort aux éditeurs de solutions informatiques pour entreprises. Rien ne l’annonce à ce jour. Ce qui n’exclut toutefois pas des évolutions futures…

3e théorie : l’informatique d’entreprise devient de plus en plus une commodité

Si proposer des logiciels comme des commodités n’est pas un concept nouveau, cette tendance gagne du terrain, venant grignoter tous les segments du marché comme si elle était animée d’un sentiment de vengeance.

Des fonctionnalités qui étaient révolutionnaires hier deviennent la norme. Et même si chacun possède ses outils préférés, à partir d’un certain niveau un serveur demeure un serveur. Dans le monde des systèmes de stockage, les fournisseurs peinent de plus en plus à clamer haut et fort leur supériorité sur le plan technique. Dans la mesure où la plupart des produits sur le marché sont bons, se différencier est une tâche ardue.

A l’évidence, le SDN (Software-Defined Networking) et le stockage sont synonymes de valeur ajoutée au-delà des équipements qui les hébergent. Pour autant, cela n’explique toujours pas tous les tenants et les aboutissants…

4e théorie : le manque d’agilité des principaux acteurs

Si vous êtes un acteur de grande envergure du monde informatique, vous avez appris à exceller dans certains domaines. Pour autant, la concurrence vous perçoit clairement comme une cible dérangeante.

La question suivante se pose : investissez-vous davantage pour protéger votre pré carré, ou pour saisir de nouvelles opportunités ? N’oubliez pas que vos efforts ne se soldent pas tous par des succès, car il s’agit d’un véritable exercice d’équilibriste. Une entreprise qui investit trop dans la protection ne sera plus perçue comme innovatrice.  Par ailleurs, une trop grande prise de risques décevra ses actionnaires, qui seront alors inquiets pour sa santé.

5e théorie : les services informatiques des entreprises sont devenus des acheteurs très avisés

Cette théorie est celle pour laquelle je penche le plus. Je suis convaincu que la récession économique qui s’est prolongée entre 2008 et 2011 a modifié structurellement la façon dont les entreprises achètent leurs solutions informatiques.

Les périodes de tests sont plus longues…. Un plus large panel de fournisseurs passe désormais sur le grill…. Chaque transaction fait l’objet d’une étude attentive justifiée… Toutes les options sont passées au crible… Les acheteurs choisissent ce dont ils ont besoin, quand ils en ont besoin et n’achètent plus de façon anticipée, qu’il s’agisse de matériel ou de logiciels. Il est désormais très courant de passer par un revendeur, voire par un autre fournisseur proposant les solutions de ce revendeur. Les entreprises suivent de très près leurs frais d’exploitation, souvent encore plus que leurs immobilisations. Et les négociations sont souvent bien plus féroces.

L’attirail bling-bling des fournisseurs (à savoir de nouvelles fonctionnalités magnifiées par du marketing enjôleur) commence à montrer ses limites auprès des consommateurs pragmatiques lorsqu’il s’agit d’achats. Un produit doit être bon, sans que la présence d’artifices soit nécessaire.

Les départements informatiques des entreprises ont gagné en discernement au fil du temps, parvenant désormais à en avoir pour leur argent à l’euro près. Les fournisseurs de solutions pour entreprises doivent donc se montrer aussi pugnaces que possible dans ce nouvel environnement, ce qui les contraint à faire des choix stratégiques difficiles.

Les perspectives

L’envergure n’est désormais plus garante du succès sur le long terme. A une certaine époque, les plus grands fournisseurs étaient chacun l’unique interlocuteur des clients, qui y trouvaient alors leur compte. Aujourd’hui, le client s’adresse au fournisseur capable de lui en donner plus pour la même somme d’argent. Ceci étant dit, les grands fournisseurs ont toujours une belle carte à jouer même si le chemin est parsemé d’embûches.

L’un des principaux postes budgétaires actuels concerne les coûts associés aux environnements complexes provenant de plusieurs fournisseurs, à déployer soi-même. D’où le succès des infrastructures convergées, et l’intérêt porté aux infrastructures hyper-convergées. Si les grands fournisseurs étaient capables de modifier leur offre pour la proposer sous la forme de tronçons fonctionnels très faciles à exploiter et à intégrer, leurs vastes catalogues se mueraient en armes redoutables sur le marché.

Une idée qui complique les investissements liés aux intégrations dans plusieurs gammes de produits, tout en sacrifiant des vaches à lait historiques au profit de produits entièrement nouveaux.

Qui a dit que faire un état des lieux du secteur informatique serait chose facile ?

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Sébastien Verger est CTO d’EMC France