Pour IBM, il est déjà l’heure de sortir des expérimentations algorithmiques et de passer à la réalisation d’applications quantiques pratiques. L’éditeur vient de publier une roadmap de ses développements, outils de « programmation » et services « clés en mains » pour les 5 prochaines années…

Il y a quelques semaines, IBM rendait public son audacieuse roadmap devant mener son département de recherche à la création de machines quantiques de plus de 1000 Qubits en 2023. Mais le quantique n’est pas qu’une histoire de recherche, de machines, de matériel. C’est d’abord la perspective d’une informatique à même de faire différemment les choses pour résoudre des problèmes insolubles (à l’échelle du temps humain) avec nos ordinateurs classiques.

IBM vient donc de publier un second échéancier, une autre roadmap parallèle à celle matérielle annoncée en 2020, qui doit mener la communauté quantique internationale à offrir aux entreprises des applications commerciales quantiques d’ici 5 ans au plus tard.

Du quantique rendu accessible par le cloud

Le défi consiste désormais à fournir aux développeurs et aux entreprises des environnements de développement, des outils, et surtout des modèles leur permettant d’exploiter le potentiel des machines quantiques à des fins « Business ».

« Personne n’utilise commercialement l’informatique quantique aujourd’hui » rappelle Bob Sutor, VP Quantum écosystème chez IBM. « Cela arrivera dans le cours de cette décennie. Mais on ne devient pas expert du développement quantique en une nuit. Les acteurs développent de nouvelles technologies et se mettent à les expérimenter pour petit à petit construire cette expertise. »

Le monde quantique ne manque pas aujourd’hui d’algorithmes, de SDK, de frameworks, autrement dit de briques fondamentales permettant d’essayer des programmes quantiques et d’analyser leurs éventuels bénéfices. Mais il faut désormais passer à l’échelle, ou plus exactement commencer à gravir l’échelle et dépasser le premier barreau.

Avec une approche « Full Stack », IBM ne se contente pas de bâtir des ordinateurs quantiques et les outils de développement qui les accompagnent. Il s’assure également d’en proposer l’accès à tous au travers d’un service cloud IBM Q Experience Cloud qui est sans aucun doute le service QaaS le plus abouti (et le plus ancien aussi) avec un accès à plus de 15 machines quantiques mises à disposition (y compris avec les comptes gratuits) et l’accès à des émulateurs quantiques 32 qubits.
Le service propose notamment un outil de développement de circuit quantique entièrement visuel (Q Experience Circuit Construct) qui repose intégralement sur du « drag and drop » et permet d’implémenter certains des algorithmes quantiques les plus célèbres et de les faire évoluer.

De nouveaux outils « pratiques » dès 2021…

Mais IBM propose également tout un kit d’outils quantiques sous le nom QisKit. Ce dernier comporte un langage machine de bas niveau (OpenQASM 3), un langage de plus haut niveau de programmation de circuits quantiques (QisKit Terra), et des bibliothèques par domaines de recherche (QisKit Aqua Application Modules).

Dans sa roadmap, IBM prévoit d’introduire un nouveau « QisKit Runtime » pour l’exécution de véritables programmes quantiques hybrides (comportant un étage quantique et un étage classique pour enchaîner les traitements quantiques et exploiter les résultats des calculs quantiques). L’un des objectifs clés de ce runtime est notamment de pouvoir exposer des « fonctions quantiques » sous forme de service cloud. Selon IBM, l’objectif visé est d’atteindre une accélération x100 dans des traitements tels que la simulation du Lithium. Cette simulation nécessite aujourd’hui plus de 3 mois de calculs intensifs (100 jours) sur des émulateurs et IBM espère descendre cette durée sous les 24H avec le QisKit Runtime et sa prochaine génération de machine quantique Eagle à base de 127 Qubits.

L’éditeur prévoit déjà une évolution pour 2012 de son runtime intégrant l’exécution de circuits dynamiques, afin d’autoriser une plus grande variété de circuits quantiques et d’étendre la complexité algorithmique possible.

Et des services accessibles à toutes les entreprises dès 2023

Dès 2023, l’éditeur espère être en mesure de proposer des « Prebuilt Quantum Runtimes », spécialement optimisés pour des domaines d’activité ciblés. L’idée est dès lors d’exposer depuis IBM Cloud des services quantiques dans les domaines des sciences de la nature, de la finance, de l’optimisation et du Machine Learning que les entreprises pourront directement exploiter dans leurs applications métiers ou intégrer à leurs Workflows (via une intégration iPaaS). Ces services quantiques ne nécessiteront pas ou peu de compétences « Quantiques » (conception de circuits quantiques, algorithmie quantique, etc.) et seront dès lors très largement accessibles aux entreprises.

Enfin, en 2025, IBM espère disposer de machines bien plus puissantes offrant jusqu’à un million de Qubits et qui pourrait dès lors s’intégrer dans des approches HPC et s’attaquer aux problèmes clés de l’humanité en matière de médecine, de climat, etc. Big Blue espère surtout atteindre un niveau de maturité permettant de concrétiser ce qu’il désigne par « frictionless quantum computing » (informatique quantique sans couture).

IBM, en revanche, n’a pas dévoilé en combien de temps ses ordinateurs quantiques répondraient à « l’ultime question sur la vie, l’univers et tout le reste » posée dans le Guide du Routard Galactique de Douglas Adams au super ordinateur Deep Thought. Rappelons que si on connaît déjà la réponse, « 42 », Deep Thought a mis, dans le roman, 7,5 millions d’années pour la calculer…