1000 Qubits… Ce chiffre rond paraît aujourd’hui un plafond bien difficile à atteindre alors que nos ordinateurs quantiques peinent à dépasser les 50 qubits. Et si certains affirment qu’il faudra au moins une décennie pour atteindre un tel palier, c’est pourtant l’objectif qu’IBM s’est fixé pour 2023 !

Bien des startups et des chercheurs européens expliquent à qui veulent bien les entendre que l’informatique quantique à portes quantiques universelles supraconductrices fonctionnant à des températures proches du zéro absolu n’ont aucun avenir et que la plupart des recherches s’en éloignent aujourd’hui.

C’est pourtant la piste depuis toujours poursuivie par IBM. Cette semaine le constructeur a fait un point sur son état de l’art en la matière. Il en a profité pour tracer une roadmap à laquelle il compte bien se tenir pour au moins les trois prochaines à venir.

Si Google dispose d’un ordinateur quantique 53 qubits (dont seuls 52 seraient réellement opérationnels), IBM jusqu’à présent ne disposait que d’une machine 27 qubits par ailleurs accessible depuis son cloud et son réseau IBM Q Network.  Rappelons également, qu’IBM et avec D-Wave l’un des rares constructeurs à commercialiser officiellement un ordinateur quantique auprès des entreprises, l’IBM Q System One de 5 qubits.

Ces ordinateurs sont équipés de processeurs quantiques qui s’appuient sur les mathématiques des particules élémentaires pour développer des capacités de calcul hors de portée des ordinateurs classiques.

Ces processeurs exécutent des circuits quantiques plutôt que des circuits logiques comme sur nos ordinateurs numériques classiques. Dans ces circuits quantiques, les données sont représentées sous forme d’états quantiques électroniques d’atomes artificiels connus sous le nom de qubits transmoniques supraconducteurs. L’un des problèmes majeurs de cette approche est que les qubits « oublient » rapidement leurs états quantiques en raison de l’interaction avec le monde extérieur et du « bruit » que ce dernier génère. « Le plus grand défi auquel notre équipe est confrontée aujourd’hui est de trouver comment contrôler de grands systèmes de qubits assez longtemps, et avec peu d’erreurs, pour exécuter les circuits quantiques complexes requis par les applications quantiques futures » explique Jay Gambetta, VP d’IBM Quantum.

IBM s’est fixé une roadmap qu’elle juge crédible traçant l’évolution de ses processeurs quantiques d’aujourd’hui à 2023 et au-delà.

Aujourd’hui, IBM fait fonctionner de manière stable deux douzaines d’ordinateurs quantiques accessibles via IBM Cloud. Ils sont basés sur le processeur quantique « Canary » à 5 qubits né en 2017 ou sur le processeur quantique Falcon à 27 qubits né en 2019. Ce dernier a permis à IBM de réaliser un circuit quantique assez long pour atteindre un volume quantique « VQ 64 ». Le Volume Quantique est un benchmark qui cherche à évaluer la puissance d’une machine quantique au-delà du simple nombre de qubits en prenant en compte l’étalonnage des portes, le temps de décohérence, la gestion du bruit, la fiabilité des résultats. Début 2020, IBM s’est fixé comme objectif de doubler le Volume Quantique de ses systèmes tous les ans.

En septembre, IBM a, en toute discrétion, introduit un nouveau processeur quantique à 65 qubits dénommé Hummingbird.

Mais le constructeur planche déjà sur un processeur 127 qubits qu’il compte introduire dès l’an prochain : « Eagle intègrera plusieurs évolutions afin de dépasser le jalon du ‘100 qubits’ :   l’utilisation d’ondes de silicium (TSV) et d’un câblage à plusieurs niveaux permettront d’aplanir efficacement une grande densité de signaux de commande tout en protégeant les qubits dans un niveau séparé afin de maintenir des temps de cohérence élevés. Le processeur utilisera un nouvel arrangement des qubits pour implémenter des codes d’erreur de type « heavy-hexagonal » que nous expérimentons depuis l’année dernière. Eagle intègrera également des capacités de calculs parallèles » explique Jay Gambetta.

Les principes définis et expérimentés avec Eagle doivent permettre à IBM de produire un premier processeur 433 qubits, Osprey, en 2022. Avec pour objectif d’atteindre 1 121 qubits avec le processeur Condor en 2023 !

La roadmap est ambitieuse et rien ne prouve qu’IBM pourra tenir un rythme d’évolution aussi rapide alors que beaucoup de recherche fondamentale reste encore en cours autour de l’informatique quantique. Elle met néanmoins à mal la théorie de certaines mauvaises langues qui veut que Google et IBM se heurtent à un mur avec leurs qubits supraconducteurs et soient en passe d’abandonner leurs approches.