Le rythme accéléré des évolutions informatiques modifie en profondeur le fonctionnement social et organisationnel des entreprises. Dans ce contexte de mutation, le nombre insuffisant de profils IT oblige les entreprises à être créatives et à revoir leur mode de recrutement pour attirer les candidats.

La sécurité informatique, secteur fort et fragile

Secteur en pleine croissance, la sécurité des systèmes d’information n’échappe pas à ce constat. La recrudescence des attaques informatiques, la mise en place des nouvelles réglementations et les vulnérabilités liées à l’évolution des techniques et des pratiques montrent un marché dynamique. Mais ce secteur en expansion risque d’être freiné par le manque de moyens humains, comme d’ailleurs tous les domaines IT. Les métiers IT sont nombreux et variés !

Les temps sont difficiles pour les responsables RH des entreprises IT qui n’arrivent pas à recruter les profils dont elles ont besoin ! Les étudiants de certaines universités ou d’écoles d’ingénieurs réputées sont parfois embauchés avant la fin de leurs études !

Le marché de l’emploi dans l’informatique est au cœur d’un paradoxe. On assiste à une pénurie de candidats alors que le chômage ne cesse d’augmenter à l’échelle nationale. Les raisons sont connues et chiffrées. Selon Pôle emploi, le secteur connaît « une augmentation considérable des effectifs qui sont passés d’environ 50.000 emplois au début des années 80 à près de 320.000 » aujourd’hui. Par ailleurs, les entreprises qui appartiennent au domaine de la sécurité numérique – comme du secteur informatique tout entier – sont soumises à la pression des innovations technologiques. Cloud computing, virtualisation, big data et objets connectés modifient profondément les méthodes de travail et les conditions de sécurité des entreprises, entraînant un besoin de nouvelles compétences. Sans ces spécialistes et ces talents du numérique, le monde agile et performant qui s’annonce devient difficile à construire.

De nouveaux canaux pour le recrutement

Le changement et l’innovation soufflent sur le recrutement. Le numérique transforme les méthodes et de nouvelles tendances s’installent. Les entreprises en quête de collaborateurs, mettent en place de nouveaux modes de recrutement. Toutes les approches utilisant Internet sont explorées et utilisées, bouleversant le fonctionnement traditionnel de l’offre et de la demande sur le marché du travail. Désormais, le cœur de métier s’exerce au travers des réseaux sociaux, des sites d’offre d’emploi, des salons virtuels de recrutement…

Si le CV et la lettre de motivation restent encore la norme en matière de recrutement, ils se modernisent au rythme des évolutions technologiques… C’est ainsi qu’est apparu le CV vidéo, dont le format a évolué en peu d’années pour devenir de plus en plus interactif et convivial, se concentrant plus sur la personne et le parcours que sur la séquence chronologique traditionnelle. De leur côté, les entreprises aussi dynamisent leurs processus de recrutement. Incontournables pendant des années, les petites annonces des journaux et des hebdomadaires reculent au profit des réseaux sociaux professionnels comme LinkedIn ou Viadeo. Leur caractère international, interactif et participatif, bouscule le mode de recrutement des entreprises et la dynamique des échanges. Rien de plus facile pour chacun d’entre nous que de créer un profil et d’animer son réseau, avec des objectifs qui peuvent changer selon l’émetteur, de la recherche d’emploi à la quête d’opportunité en passant par les simple échange entre professionnels d’un secteur ou d’un métier.

Certains employeurs utilisent les réseaux grand public comme Facebook ou Twitter pour attirer et séduire les candidats en leur montrant les attraits de leur entreprise. Dans ce nouveau rapport où les forces sont inversées, c’est au recruteur de s’adapter ! Conscient du grand nombre de propositions que reçoivent les candidats, le Responsable RH change de stratégie. Il doit faire preuve de réactivité dans le processus de recrutement. Chaque mois, plus de 200.000 tweets d’offres d’emploi sont publiés, concernant essentiellement des CDI du secteur tertiaire. Cette tendance courante dans les entreprises de l’internet, de la communication et du digital, tend à se généraliser aux autres secteurs économiques.

Des campagnes innovantes de recrutement prennent aussi la forme de serious games(1). Les recrues potentielles sont immergées dans des univers virtuels pour y accomplir des missions. Le fait de placer le candidat en situation permet de le recruter sur ses compétences techniques plutôt que sur son expérience ou sa formation. Dans le domaine du développement informatique, des initiatives comme les hackathons(2) sont le moyen de tester directement les compétences des candidats dans un contexte concret, facilitant l’évaluation des profils.

S’affranchir du CV

Délaissant les formes classiques de recrutement, les jeunes ingénieurs répondent de moins en moins aux offres publiées par les jobboards(3) et déposent peu leur CV dans les CVthèques. Courtisés par les entreprises alors qu’ils sont encore étudiants, ils affichent leurs exigences. A l’entreprise de montrer l’intérêt des projets sur lesquels ils devront s’investir, de présenter un environnement de travail attirant et des perspectives d’évolution intéressantes pour les séduire.

Le recrutement sans CV permet à l’entreprise de dépister ses futurs talents. Parce qu’elles privilégient les compétences et la motivation, ces solutions, comme celle d’Instarlink, permettent aux recruteurs de trouver rapidement les bons candidats, autrement que par les simples mots-clés des CV. Certains de ces candidats auraient probablement été écartés, leur CV n’ayant pas été retenu dans un mode de recrutement classique.

Le concept du recrutement sans CV est simple. Les réponses aux questions posées permettent une évaluation immédiate. L’adéquation entre les candidatures reçues et le poste proposé, classiquement opéré par le recruteur à partir des CV, est remplacé par un tri automatique des profils correspondant aux critères déterminés par l’entreprise via un questionnaire. La synchronisation des offres d’emploi et des candidatures s’opère en temps réel.

La démarche repose sur le pourcentage d’adéquation entre les attentes exprimées par le recruteur et l’analyse rapide des compétences et de la motivation des candidats, plaçant la personnalité du candidat et son affinité avec l’entreprise au centre du processus de recrutement. Une révolution des mentalités qui vise aussi à se garantir contre l’extrême mobilité, voire l’infidélité chronique, des spécialistes du secteur.

Concrètement l’annonce contient un lien qui renvoie à un questionnaire en ligne. Une évaluation automatique classe les candidats en fonction de leurs réponses, permettant de ne sélectionner et recevoir en entretien que ceux qui répondent au profil. Ce mode de recrutement offre une évaluation plus objective du candidat, mettant en valeur ses qualités, son savoir-faire opérationnel et sa motivation et laissant de côté ses diplômes, son type et ses années d’expérience.

Plus qu’un outil de présélection des candidatures, c’est une nouvelle source pour trouver les experts et les talents de ce marché si difficile de l’emploi. C’est aussi le moyen de rencontrer des autodidactes et des profils atypiques mais dont l’expertise et les compétences sont intéressantes.

Utilisé quotidiennement pour détecter des candidats à fort potentiel, ce type d’outil permet à un secteur hautement stratégique et porteur de croissance comme celui de la sécurité numérique, de trouver ses futurs talents.

La crise des talents IT est bien une réalité. Son impact peut cependant être atténué par des stratégies RH, innovantes et créatives. Les Responsables RH doivent certes changer leurs méthodes et choisir dans un vivier de candidats plus large que dans le passé. L’adoption de solutions modernes de recrutement comme le recrutement sans CV élargit le réservoir de talents et permet de lutter contre le formatage des profils. Pour juguler le problème du déficit des talents IT, plusieurs mesures comme rendre la filière « ingénieurs » plus attractive auprès des jeunes pourront préparer l’avenir. Une coopération plus étroite entre le monde de l’enseignement et les acteurs IT est peut-être une piste qui permettra de gagner ce pari. Mais ceci est un autre débat.

 

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  1. Un serious gameest un logiciel qui combine une intention « sérieuse » de type pédagogique, informative, communicationnelle, marketing, idéologique ou d’entraînement avec des ressorts
  2. Un hackathon est un événement où des développeurs se réunissent pour faire de la programmation informatique collaborative, sur plusieurs jours. Le terme est un mot-valise constitué de hack et marathon….
  3. Jobboard : Site permettant aux demandeurs d’emploi d’accéder à une liste d’offres et de déposer leur CV dans une base de données à destination des recruteurs. …
    (Wikipedia)

 

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Justine Garcia est Responsable des RH chez I-TRACING