Fraîchement nommé à la tête de la filiale française de Dell Technologies, Stéphane Huet a profité de la publication des résultats financiers du dernier exercice pour commenter l’activité qui, selon lui, bénéficie de « l’effet portefeuille » avec des bons résultats dans les PC qui contrecarrent les difficultés dans le data center.

Stéphane Huet semble être un adepte de la formule de Talleyrand selon laquelle « Quand je me regarde, je me désole. Quand je me compare, je me console » pour commenter les résultats du dernier exercice clos le 31 janvier 2020. Dell technologies a réalisé un chiffre d’affaires de quelques 92 milliards de dollars, en croissance de 2 %, une hausse « plus modeste que les années précédentes, mais meilleures que celle de nos concurrents ». De son côté, la filiale indépendante VMware a bien tiré son épingle du jeu avec un chiffre d’affaires de 10,9 milliards de dollars en hausse de 12 %. Et avec un peu plus de 11 % du chiffre d’affaires, la profitabilité de Dell Technologies est jugée très bonne.

Le pari risqué par Michael Dell avec le rachat de EMC en 2016 pour 67 milliards de dollars, le plus élevé dans l’informatique, semble donc en passe d’être réussi. Pari reposant sur un endettement important de l’entreprise « Nous sommes en phase, voire un peu en avance sur notre plan de remboursement, déclare Stéphane Huet. Nous avons déjà remboursé quelque 20 milliards de dollars et remboursons au rythme de 4 à 6 milliards de dollars par an ». La question posée ne serait donc pas de savoir si Dell sera capable de rembourser sa dette, mais s’il serait opportun de la réaménager. Message destiné aux entreprises pour les DSI qui peuvent donc compter sur Dell pour leurs investissements futurs. La stabilité de l’entreprise serait assurée par le fait que Michael Dell conserve 75 % du capital de l’entreprise mettant l’entreprise à l’abri des prédateurs à l’occasion de trou d’air de la bourse.

Ces résultats ont été obtenus grâce « à notre équilibre de portefeuille » insiste Stéphane Huet. La baisse d’activité de 7 % de la division Infrastructure Solutions Group largement causée par la chute dans la vente de serveurs et d’équipement réseau (- 14 %) et amorti par celles des systèmes de stockage ont été contrebalancé par le très bonne tenue des PC en hausse de 6 % à près de 47 milliards de dollars. Pourquoi ce qui semble fonctionner pour Dell Technologies n’a pas marché pour HP ?

Rappelons que Meg Whitman a fait le pari inverse de scinder l’entreprise en deux groupes. En octobre 2012, Meg Whitman annonçait un plan quinquennal de remettre le train HP sur les rails. Deux plus tard, elle changeait totalement de direction en annonçait un plan de scission de l’entreprise en deux entités : HP Inc qui regroupe les activités PC et imprimantes et HP Enterprise qui réunit tout le reste (HP : à mi-chemin vers la scission). Les objectifs annoncés sont de redonner de l’agilité et de réduire les coûts (HP : pendant la scission, les ventes continuent !). On ne peut que s’étonner de l’annonce d’une telle mesure aussi longtemps à l’avance qui n’est pas de nature à mettre l’entreprise dans la meilleure situation pour poursuivre son activité. On connait la suite : HP Inc qui fait est la cible d’un rachat par Xerox, une entreprise largement plus petite, et HPE qui n’est pas dans la meilleure forme. Depuis, Meg Whitman est parti avec un parachute doré.

Pour Stéphane Huet, la différence ne tient pas tant à des innovations technologiques qu’à des innovations business. Le passage rapide et précoce vers le paiement à l’usage, correspondant à une véritable attente des clients et apportant de « la flexibilité et de la vélocité », a joué un rôle important. Par exemple, Dell propose plusieurs versions de sa solution Unified Workspace en fonction des profils utilisateurs. Pour appuyer cette transformation du paiement à l’usage, Dell a ouvert une division Dell Financial Services qui bénéficie d’une licence de banque par exemple. Cette évolution s’est accompagnée d’une nouvelle approche commerciale : « Là où nous répondions à des spécifications techniques, nous proposons aujourd’hui des solutions d’usages ». Un discours qui n’est pas vraiment nouveau dans le secteur Tech, mais dont une réelle mise en œuvre peut faire la différence.

La seconde raison, plus dans l’ère du temps, serait lié à attention toute particulière dans la gestion des talents qui s’inscrit dans le projet des Moonshot goals qui définissent des objectifs à horizon 2030 dans quatre domaines : développement durable, diversité et inclusion, engagement sociétal et éthique et confidentialité dans la gestion des données.

Il ne faut néanmoins pas évacuer la force de frappe que pourrait procurer la force du groupe en matière de Recherche et Développement et dont bénéficient toutes les composantes de la « famille » Dell.

Récemment, Dell avait fait des annonces dans l’Edge computing et l’Internet des objets. Mais reconnaît Stéphane Huet, « la France est en retard dans ces domaines et on est encore dans des phases de pilotes et pas encore de demandes de solutions de production. La 5 G devrait ouvrir le modèle de l’Edge Computing sans doute en 2021 ». Mais l’Edge va être amené à se développer de manière très importante avec l’explosion à venir des données. Alors que 90 % des données sont encore gérés en central aujourd’hui, elles seront 75 % à être traitées à la périphérie d’ici à 3 ans. Une véritable révolution en perspective.

Pour l’heure, y a-t-il un effet coronavirus ? Sur le fonctionnement, rien de drastique pour l’instant si ce n’est comme dans de nombreuses entreprises des restrictions dans les voyages, des incertitudes sur les grandes manifestations comme Dell Technologies World qui doit se tenir début mai à Las Vegas. Concernant l’organisation de la fabrication, « nous avions déjà revu l’organisation de notre supply chain avec l’arrivée des politiques protectionnistes aux Etats-Unis. Nous sommes largement diversifiés avec une dizaine de centres de production en Chine, mais aussi en Pologne, au Mexique et dans d’autres pays ».