Et si Microsoft avait trouvé la clé de l’informatique quantique ? Après 20 ans de recherche, la firme présente Majorana 1, un processeur basé sur un état de la matière inédit. Promesses révolutionnaires, défis techniques et scepticisme scientifique : l’avenir dira si cette annonce marque un tournant ou un mirage quantique… Les paris sont ouverts…
Voilà près de 20 ans que Microsoft mise son futur quantique sur une intuition : les fermions de Majorana sont les briques les plus adéquates pour créer des qubits topologiques à même d’animer des ordinateurs quantiques fiables. Sauf que ces fermions n’avaient jusqu’ici qu’une existence théorique. Mais les chercheurs de Microsoft sont aujourd’hui persuadés de non seulement les avoir mis à jour mais surtout avoir trouvé un moyen de les contrôler pour en faire des qubits pour ordinateurs quantiques.
Après près de 20 ans de travaux acharnés, Microsoft a levé le voile cette semaine sur Majorana 1, son premier processeur quantique à qubits topologiques reposant sur les MZMs (Majorana Zero Mode).
Il est la résultante d’une expérimentation publiée cette semaine dans Nature dans laquelle les chercheurs de Microsoft affirment avoir mis au point un dispositif permettant de mesurer la parité des fermions, dispositif pouvant fonctionner comme un Qubit topologique.
Avec cette expérimentation, la firme affirme avoir débloqué et contrôlé un tout nouvel état de la matière, remettant en cause les bases mêmes de notre compréhension.
« Après une quête de près de 20 ans, nous avons créé un état de la matière entièrement nouveau, » affirme Satya Nadella. « La plupart d’entre nous avons grandi en apprenant qu’il n’existait que trois types de matière : solide, liquide et gazeux. Aujourd’hui, tout change… »
Grâce à une classe inédite de matériaux baptisés topoconducteurs, Microsoft parvient à induire un état de la matière inédit, qui promet des qubits plus rapides, plus fiables et d’une scalabilité jusqu’ici impossible à imaginer.
Un processeur pas encore opérationnel
« Nous croyons que cette percée nous permettra de créer un véritable ordinateur quantique qui change la donne, non pas dans des décennies, mais dans quelques années » précise Nadella. L’objectif est clair : concevoir un processeur capable d’intégrer jusqu’à un million de qubits sur une puce de la taille d’une paume, afin de résoudre des problèmes que les ordinateurs actuels ne sauraient aborder. « Tout projet dans le domaine quantique doit se diriger vers le million de qubits. Sans cela, il se heurtera à une impasse avant même d’atteindre une échelle où il pourrait résoudre des problèmes réellement importants », affirme Chetan Nayak, chercheur émérite chez Microsoft. « Nous avons réussi à définir ce chemin vers ce million de qubits. »
Le processeur Majorana 1 présenté par Microsoft combine 8 dispositifs comme celui de l’expérience présentée dans nature au sein d’une même puce, chacun formant un qubit topologique. La puce elle même est conçue pour accueillir à terme un million de qubits.
Microsoft doit encore construire la machine qui va autour et les mécanismes de mise en œuvre pour démontrer qu’effectivement sa découverte fonctionne réellement et peut être exploitée à grande échelle dans un ordinateur quantique.
Mais sur le principe, l’approche est intéressante et le dispositif topoconducteur imaginé par Microsoft est prometteur s’il fonctionne vraiment. « Les qubits créés avec des topoconducteurs sont plus rapides, plus fiables et plus petits. Ils mesurent 1/100ème de millimètre, ce qui signifie que nous avons désormais une voie claire vers un processeur d’un million de qubits. Imaginez une puce qui peut tenir dans la paume de votre main et qui est pourtant capable de résoudre des problèmes que même tous les ordinateurs de la Terre réunis ne pourraient pas résoudre aujourd’hui ! » s’enthousiasme Satyal Nadella dans un courrier interne à Microsoft rendu public.
Encore beaucoup de science à insuffler et de scientifiques à convaincre
Malgré l’engouement suscité par Majorana 1, il convient de noter que ce processeur demeure un prototype expérimental dont on ignore encore totalement les capacités réelles. La technologie, bien qu’intrigante, devra encore franchir de nombreux obstacles techniques avant d’atteindre une maturité opérationnelle et une utilisation commerciale à grande échelle.
Mais déjà de nombreuses voix scientifiques s’élèvent mettant en doute les expérimentations de Microsoft, rappelant qu’elles doivent être confirmées par d’autres équipes et qu’elles ne « prouvent » pas l’existence des fermions de Majorana, que les concepts topologiques ne peuvent fonctionner à l’échelle d’un ordinateur, que tout ceci n’est que du marketing à l’américaine et qu’il faudra bien plus que quelques années pour construire une machine fonctionnelle.
Nos confrères d’IT for Business se sont penchés sur les publications scientifiques de Microsoft et ont cherché à retirer la couche marketing des annonces de la firme pour démêler le vrai du faux et se faire une opinion sur l’état réel d’avancement du projet : Microsoft Majorana 1 : maquette fictive ou prototype fonctionnel ?
En attendant, comme le rappelle notre confrère Laurent Delattre, rien ne nous interdit de rêver…