Le mélange des technologies IoT et de l’IA est sans aucun doute le futur de la médecine. Preuve en est le bracelet Aktiia qui mesure en permanence la pression sanguine et transforme le quotidien de ceux qui souffrent d’hypertension…

L’hypertension est souvent présentée comme la maladie du siècle. C’est une maladie silencieuse qui affecte des millions de Français (à l’échelle mondiale un homme sur quatre en souffrirait et une femme sur cinq), nombre d’entre eux ignorant en être affectés. Et pourtant, c’est l’une des maladies les plus mortelles car elle augmente significativement le risque de crises cardiaques et d’AVC.

Le meilleur moyen de mesurer la pression artérielle demeure le bon vieux brassard tensiomètre (aussi appelé sphygmomanomètre) qui se gonfle pour mesurer la force avec laquelle le sang est poussé dans les artères. Le problème de cet appareil est qu’il ne peut pas être porté toute la journée, qu’il peut se montrer douloureux chez certaines personnes, et que son effet n’est pas totalement neutre. Aussi évite-t-on de l’utiliser plus de quelques fois par jour.
Or la pression sanguine ne cesse d’évoluer durant la journée en fonction de vos activités physiques mais aussi (et parfois surtout) en fonction de votre stress. Les médicaments permettant de contrôler l’hypertension sont assez délicats à doser car il faudrait en théorie adapter la prise aux moments de la journée où les phénomènes d’hypertension sont les plus nocifs pour la santé cardiaque.

De la nécessité d’une surveillance au long cours…

Le rêve de tout cardiologue est de pouvoir disposer d’un appareil non invasif qui puisse contrôler 24H/24 et 7J/7 la tension du malade afin de comprendre et surveiller sur le long terme l’évolution de l’hypertension et adapter les traitements au style de vie du patient. Ce rêve devient désormais une réalité grâce à l’union de l’IoT et du Machine Learning.

Prendre la tension en flux continu sans entraver la vie du patient de quelque manière que ce soit est justement l’objectif que s’est fixé Aktiia. Pour y arriver, la startup a imaginé un petit bracelet à porter au poignet droit toute la journée. Léger et élégant, il agit en silence en s’appuyant sur un processus nommé « photoplethysmographie » qui utilise un émetteur de lumière et un capteur associé pour capter le flux sanguin circulant dans les artères et obtenir une image de ces dernières.

L’idée d’utiliser des capteurs optiques au poignet pour surveiller les flux sanguins existe depuis des années. Toutes les smartwatchs et autres coachs sportifs récents disposent d’ailleurs de tels capteurs mais les mesures manquent de précision. C’est pourquoi ces dispositifs se contentent généralement d’une fonction « Stress » qui donne une vague idée de ce qu’endurent le cœur et les artères sans pour autant délivrer une information médicale exploitable.

L’IA à la rescousse

Aktiia a développé un capteur plus précis mais surtout des algorithmes à base de Machine Learning pour analyser le flux sanguin et en tirer des informations pertinentes. L’IA a été entraînée au départ avec plus d’un million de mesures de pression sanguine. Le bracelet est disponible depuis 1 an en Europe et a permis de récolter plus de 20 millions de mesures supplémentaires permettant d’affiner encore les modèles.
Cette intelligence artificielle permet ainsi d’approximer avec fiabilité la tension artérielle dans de multiples circonstances et de rendre les mesures du bracelet suffisamment précises dans de multiples positions du corps.
Ce bracelet est en effet le fruit de 17 années de recherches et de multiples essais cliniques dont les résultats ont d’ailleurs été publiés dans Nature et dans des magazines de médecine spécialisés.
L’appareil est considéré comme un dispositif médical et bénéficie d’un marquage CE Class IIa. Sa précision systolique est de 0,45 (+/- 7,75 mmHg) et sa précision diastolique de 0,38 (+/- 6,86 mmHg). On est dans les normes de la plupart des brassards électroniques de mesure de la tension.

Quel est son usage ?

Reste que le bracelet Aktiia n’a pas pour vocation de remplacer une prise de tension réelle et un examen par un cardiologue ou un médecin. Même si à l’usage, la prise de tension se révèle assez proche de la réalité (si le calibrage a bien été réalisé, cf plus loin), ce n’est pas la vocation première de ce bracelet !
« Aktiia est approuvé pour faciliter la surveillance continue des patients adultes à domicile. Il n’est pas destiné à être un outil de diagnostic et ne recueille pas les mêmes données qu’un moniteur ambulatoire de tension artérielle » précise d’ailleurs la notice.
Aktiia est vraiment un outil du quotidien qui permet une surveillance au long cours et toute la journée (y compris la nuit ou pendant une activité sportive) de l’évolution de la tension. Sa pertinence ne réside pas tant dans l’exactitude des valeurs affichées à un instant « t » que dans l’observation jour après jour, semaine après semaine, mois après mois du comportement cardiaque. Les informations récoltées dans la durée sont précieuses pour votre cardiologue car elles peuvent lui permettre d’ajuster au mieux les traitements contre l’hypertension.
Autrement dit, l’objectif n’est pas que l’utilisateur soit rivé en permanence sur les mesures. Inutile d’ajouter de l’angoisse au stress. Le bracelet doit être vu comme un compagnon pour lutter contre cette maladie qu’est l’hypertension. Outre cette notion de suivi sur la durée, Aktiia permet à chacun de mieux comprendre et visualiser l’impact des changements de mode de vie (exercice physique régulier, régime alimentaire et même pourquoi pas effets du Yoga et de la méditation) sur sa pression artérielle. C’est donc aussi un outil pédagogique pour l’utilisateur.

Que trouve-t-on dans la boîte ?

Pour l’instant, Aktiia est principalement en vente sur le site du fabricant. L’entreprise a choisi une vente directe aux consommateurs. Un choix qui n’est peut-être pas le plus pertinent mais le plus rapide. D’une manière générale, il nous semble plus avisé d’associer l’acquisition de ce bracelet à un suivi par un médecin ou un cardiologue. D’ailleurs, Aktiia vient de se lancer sur le marché américain et y privilégie là-bas des partenariats avec les centres de cardiologie.

Une fois commandée, la boîte comporte le bracelet Aktiia, un socle de charge en USB et un brassard Bluetooth de prise de tension assez traditionnel si ce n’est qu’il ne comporte aucun afficheur.

Tout cet ensemble s’initialise, s’utilise et se contrôle depuis une application à installer sur son smartphone.

Une mise en route délicate

Une fois tous les éléments déballés et chargés, l’utilisateur va être confronté à ce qui est la phase la plus délicate et la plus astreignante : le calibrage du bracelet.

Sur le papier, l’opération n’est pas très compliquée : on met le bracelet à son poignet droit, le brassard électronique au bras gauche, puis on lance l’application, on appaire en Bluetooth le bracelet et le brassard au smartphone, et l’application fait tout le reste en gonflant deux fois de suite le brassard et en corrélant données du brassard et données du bracelet.
Le problème, c’est qu’en pratique l’opération est tout sauf une partie de plaisir. D’abord, l’appairage des deux appareils Bluetooth est parfois récalcitrant. Ensuite, le brassard gonfle plutôt fort, ce qui peut se révéler douloureux si on l’a trop serré au départ. Mais surtout, la calibration échoue trois fois sur quatre. Comme l’opération ne peut être immédiatement répétée pour des raisons de santé, il faut parfois la refaire trois fois dans la journée avant de la réussir.

Le problème, c’est que cette manipulation de calibrage doit être reproduite au moins une fois par mois. Et à chaque fois, c’est la même épreuve. Avec le temps, on apprend à optimiser les chances de succès en faisant l’opération à un moment où l’on est bien détendu et bien au chaud.

Néanmoins, on ne peut s’empêcher de penser qu’il aurait probablement été plus simple et plus précis de passer par le cardiologue, le médecin de famille voire un pharmacien pour réaliser un calibrage optimal plutôt que par cette opération totalement automatique qui a certes l’avantage de se faire en totale autonomie mais se révèle souvent pénible. Mais un tel scénario n’est pas pris en charge par la solution.

Vivre au quotidien avec Aktiia

Une fois le calibrage réussi, le brassard peut être rangé au placard (il ne sert qu’une fois par mois) et l’on commence à vivre au quotidien avec le bracelet en l’oubliant. D’autant que celui-ci affiche une autonomie raisonnable. Il faut en gros le recharger une fois par semaine même si officiellement l’autonomie est de 9 jours.

Comme il est fin et léger, et qu’il ne doit pas être trop serré au poignet, on oublie vite sa présence. Il est toutefois essentiel de se souvenir que le bracelet n’est pas du tout étanche ! Il faut donc systématiquement l’enlever avant de se doucher ou de plonger dans la piscine.

L’application affiche l’évolution de votre tension sur la journée, la semaine ou le mois. Elle permet ainsi de vérifier l’impact sur votre tension de vos éventuelles prises de médicaments ou l’impact de votre régime nouvellement lancé. Elle permet aussi de mesurer l’impact du stress en affichant votre tension moyenne durant les jours travaillés et votre tension durant le week-end.

On regrettera cependant que ce petit bracelet n’aille pas au-delà des informations de tension artérielle. On aurait typiquement apprécié qu’il affiche également les variations du rythme cardiaque, la température du corps, la quantité d’oxygène dans le sang et autres mesures susceptibles d’intéresser un cardiologue ou reflétant le fonctionnement général du système cardiaque. L’application indique quand même la fréquence cardiaque moyenne au repos. Mais il n’y a pas de mesure instantanée.

Un suivi pour les cardiologues

Pour autant, le principal intérêt d’Aktiia, et l’objectif ouvertement poursuivi par le fabricant, est de produire des données sur lesquels votre cardiologue ou médecin pourra fonder ses décisions médicales.

Ainsi, l’application produit un rapport que l’on peut envoyer par email ou imprimer à destination d’un professionnel de santé et qui présente un résumé de tout ce que le capteur a glané.
Il est d’ailleurs intéressant de noter que ce rapport est au final bien plus complet et instructif que le tableau de bord affiché au quotidien par l’application.
Pour l’instant, les experts de santé doivent cependant se contenter de ce rapport. Ils n’ont pas d’accès aux données brutes. Mais peut-être qu’Aktiia leur proposera un tel service à terme.

Au final, le bracelet Aktiia inaugure une nouvelle génération d’IoT Wearables (d’objets connectés que l’on porte sur soi) destinée à la fois aux patients et aux praticiens. C’est une approche originale. Et c’est aussi ce qui démarque le plus ce bracelet alors que Apple, Samsung ou encore Fitbit essayent de leur côté d’ajouter une vraie prise de tension à leurs montres connectées. Jusqu’ici leurs résultats sont loin d’avoir la pertinence de ceux d’Aktiia.

Les Plus

Le design léger et fin
Des mesures plutôt précises
L’approche médicale
La simplicité de l’application
Les rapports pour le cardiologue
L’autonomie

Les Moins

Le bracelet n’est pas étanche
La phase de calibrage est pénible
Se limite à la mesure de la tension