IBM a placé Watson au cœur de la 2e édition de BusinessConnect qui réunissait 1200 clients et partenaires et met beaucoup d’espoir sur ce système cognitif. Les réalisations sont à venir.
S’inspirant d’une présentation de Ginni Rometty lors d’une conférence aux analystes début 2014 (IBM réaffirme ses ambitions avec Watson), Nicolas Sekkaki a repris lors de la conférence BusinessConnect le thème de la 3e vague de l’informatique, celle du cognitif, qui fait suite à celles de la tabulatrice et de la programmation. Watson, qui a battu les champions du jeu Jeopardy en 2011 étant le principal vecteur de cette révolution.
Pour Jérôme Pesenti, VP Watson Group, Watson a radicalement changé l’approche de l’Intelligence artificielle dont les espoirs ont été quelque peu déçus à la fin des années 80. La démarche est radicalement nouvelle et est entièrement basée sur les statistiques (Les machines veulent apprendre à voir !). Face à une question, le système balaie des volumes considérables de documents, émet des hypothèses qu’il pondère du plus probable au moins probable. Le cherche d’IBM raconte comment les systèmes de traduction automatique ont fait de gros progrès. Les linguistes qui essayaient de faire comprendre une sorte de grammaire universelle aux ordinateurs ont été remplacés au fur et à mesure par des ingénieurs qui se sont appuyés sur des millions de corpus de traduction pour faire émerger le meilleur résultat. Et cette méthode que l’on pourrait qualifier de force brute est désormais possible et efficace dans la mesure où nous disposons d’ordinateurs très puissants. Les méthodes de reconnaissance vocale sont arrivés à un taux d’erreur de 8 % proche de celui des humains (5/6%). La même méthode appliquée aux images a fait tomber le taux d’erreur à 6 %. Aujourd’hui, les ordinateurs reconnaissent les captchas mieux que les humains.
IBM place donc de grands espoirs dans cette technologie mais a « adopté une démarche de type startup » plaçant la R&D en charge de Watson. Début 2014, IBM a créé une business unit spécialement dédié à Watson sous la direction de Mike Rhodin, Senior Vice President, qui regroupera à terme 2000 personnes et bénéficiera d’un financement d’un milliard de dollars. La stratégie étant de ratisser le plus large possible en ouvrant au maximum le système. Les services Watson sont évidemment disponibles via le cloud. Watson n’est pas un produit fini, c’est une sorte de boite à outils avec laquelle il faut déterminer ce qu’on peut faire, le niveau de retour sur investissement et essayer de déterminer des use cases. De telle sorte que les business models autour des services Watson ne sont pas encore arrêtés, voire même définis. Tout reste à inventer.
Pour ce qui est de Watson en France les moyens sont encore assez modestes : une dizaine de personnes, commerciaux, consultants qui peut s’appuyer sur les ressources de la division newyorkaise. Nicolas Sekkaki affiche des contrats notamment dans le secteur bancaire qui se chiffrent en M€, voire dizaines de M€ avec des cas d’usages de plusieurs types : centre d’appels, conseils aux clients, réglementaire. A l’idée qu’IBM est un peu limité par sa dimension B2B qui limite la promotion de ces technologies avec le grand public comme peuvent le faire des Google, Apple ou Microsoft, le patron d’IBM France rétorque qu’IBM se situe dans une stratégie de B2B2C et est de toutes façons au cœur de la vie quotidienne des Français. « 80 % des transactions critiques se font sur des systèmes IBM ».
A l’occasion de la conférence BusinessConnect, IBM a présenté des références clients ou des initiatives significatives. Au rang des premières, on peut citer Boursorama, l’Ecole Supérieure de Commerce EM Lyon ou la startup FindBrok.me. Filiale de la Société Générale, Boursorama compte 700 000 clients et compte atteindre 1,5 million en 2020. Exclusivement en ligne, Boursorama a hébergé toute son informatique sur le cloud SoftLayer d’IBM et entend développer la qualité de la relation client grâce à des interactions plus riches et plus pertinentes grâce à Watson. Le système d’IBM pourra aussi aider dans des applications comme la détection de la fraude.
Bernard Belletande, le Directeur général de n’a pas peur des mots et indique qu’il a une ambition : « survivre ». « Le monde de l’éducation n’avait pas vraiment changé depuis qu’il existe, le numérique est la première grande révolution qui va tout changé », considère-t-il. L’EM Lyon s’est appuyée sur IBM pour mettre en place ce qu’elle appelle un campus numérique. Il ne s’agit pas seulement de transposer l’existant dans le numérique mais d’en tirer toute la valeur. Un exemple simple permet de l’illustrer. Un étudiant qui lit un document pourra savoir qui lit le même document et entrer ainsi en contact avec lui. « Watson va nous permettre de changer la chaîne de valeur de l’éducation.
Guillaume Rovère vient de lancer Findbrok.me, un réseau social destiné aux professions réglementées ((Assurance, Finance, Immobilier, Droit, Comptabilité) dont une des caractéristiques est de s’appuyer sur des volumes de textes considérables. « Watson permettra de donner la bonne information au moment et de formuler des recommandations, explique Guillaume Rovère, car notre objectif n’est pas de remplacer les professionnels mais bien de les assister ».
Enfin, Martin Hirsch, directeur général de l’APHP était venu non pas pour témoigner de l’utilisation du système Watson mais de ce qu’il serait possible de faire. Car si les références dans le domaine de la médecine sont déjà très nombreuses aux Etats-Unis, elles n’existent pas en France. « L’APHP a raté plusieurs coches, indiquait Martin Hirsch, il ne faut surtout pas rater celui du cognitif et avec plus de 7 millions de malades/an, – une situation qui a peu d’égal dans le monde – le capital en données est supérieur à l’immobilier ». Watson pourrait évidemment être utilisé dans ce but même si pour l’instant aucune information n’a été donnée sur ce point.
Parmi les initiatives originales, on peut citer celle de Meaghan Kappel, étudiante à HEC et gagnante du concours de développement Watson avec une app sur mobile destinée à l’exploration des maladies mentales et de la détection. Ou encore celle d’IBM qui a noué un partenariat avec le magazine américain Bon Appetit pour développer une base de données culinaire. Watson a ingurgité les 10 000 recettes et est ainsi capable de les restituer à la demande selon différents critères et paramètres.