L’essor de l’IA entraîne une hausse préoccupante des émissions de CO2 dans les datacenters et l’augmentation de l’empreinte énergétique du numérique des entreprises. Pour concilier innovation et durabilité, l’optimisation énergétique des modèles IA et une gestion intelligente des ressources renouvelables sont essentielles.
Alors que l’intelligence artificielle (IA) se diffuse, les entreprises doivent faire face à l’augmentation des émissions des datacenters. À titre d’exemple, les émissions de CO2 de Google ont augmenté de 48 % en cinq ans en raison de la croissance rapide de l’intelligence artificielle (IA). En effet, l’entraînement d’un seul modèle d’IA consommerait autant d’électricité que 100 foyers américains en un an tandis que les solutions d’IA génératives nécessitent 33 fois plus d’énergie qu’un logiciel spécifiquement dédié à une tâche. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit ainsi que les datacenters compteront pour 6 % de l’empreinte carbone mondiale d’ici à 2030.
Cette situation entrave les progrès réalisés par les géants de la technologie dans le cadre de leurs engagements climatiques. Plusieurs d’entre-elles continuent de promettre la neutralité carbone à l’horizon 2030, mais leurs récents investissements dans des infrastructures dédiées à l’IA ont engendré une augmentation importante de leurs émissions. Pour répondre à ces défis, certaines ont fait le choix de conclure des accords de compensation par le biais du crédit carbone. Mais bien que ce dispositif leur permette d’atteindre leurs objectifs, il s’agit d’une stratégie à moyen et à court terme, alors même que le secteur s’efforce de trouver des solutions permanentes pour réduire la dépendance de l’IA à l’égard des combustibles fossiles.
L’IA comme un vecteur pour réduire l’empreinte carbone ?
Les experts du développement durable estiment que les entreprises doivent équilibrer les avantages de l’IA avec son impact sur l’environnement. Et si certains craignent qu’elle ait un impact négatif, la majorité pense que les avantages de cette technologie l’emporteront sur les risques qu’elle présente pour lutter contre la crise climatique.
L’IA commence déjà à remodeler les programmes de développement durable, notamment pour optimiser le fonctionnement des éoliennes, des panneaux solaires, des véhicules électriques ou des batteries. Mais en plus de contribuer à réduire les émissions de carbone elle pourrait permettre de gagner en efficacité sur le plan énergétique. En optimisant l’utilisation de l’IA et en minimisant les processus inutiles, il est possible de réduire la consommation globale.
Il existe en effet des situations où les modèles d’IA utilisés sont surdimensionnés par rapport à la tâche à accomplir, et sont par conséquent très énergivores. En adoptant des modèles d’IA plus efficaces, il est possible de réduire considérablement la consommation d’énergie.
En n’utilisant l’IA générative qu’en cas d’absolue nécessité et en optimisant les processus, il est possible de parvenir à un fonctionnement plus efficace sans pour autant réduire complètement l’utilisation de l’IA.
Face à ce constat, Hugging Face et Nvidia (en partenariat avec Mistral AI et OpenAI) ont chacun lancé des petits modèles de langage (SLMs) pour démocratiser l’accès au traitement avancé du langage naturel. Cette transition pourrait avoir des impacts environnementaux significatifs. Avec la généralisation de l’IA, les économies d’énergie issues de modèles plus efficaces pourraient être considérables, contribuant ainsi à une innovation écologique plutôt qu’à l’aggravation du changement climatique.
Le potentiel de l’IA pour améliorer les datacenters
Indépendamment des préoccupations environnementales, l’investissement dans l’IA est en plein essor et pourrait atteindre les 200 milliards de dollars en 2025.
De manière générale, les gestionnaires de datacenters cherchent à maintenir un niveau constant de consommation d’énergie afin de maitriser les coûts tout en garantissant des performances fiables. Mais ils restent tributaires des réseaux électriques qui les alimentent et dont la source peut être fluctuante.
L’IA est un moyen de relever ces défis en optimisant l’utilisation de l’énergie. Par exemple, elle pourrait prévoir la disponibilité des énergies solaires et en utilisant les données météorologiques et l’analyse prédictive. Ainsi, les datacenters pourraient déplacer les charges de travail selon les pics de production d’énergie renouvelable et réduire ainsi leur dépendance à l’égard des combustibles fossiles. L’IA peut également améliorer l’efficacité en surveillant les données en temps réel afin d’ajuster les tensions d’alimentation et réduire ainsi la consommation d’énergie sans affecter les performances.
La combinaison de l’IA avec la production d’énergies vertes devrait révolutionner le fonctionnement des datacenters en leur permettant d’étendre leurs capacités tout en réduisant leur empreinte carbone. Les entreprises pourront ainsi maintenir leurs objectifs de développement durable.
L’avenir de l’IA défini par la réglementation
L’IA reste une technologie jeune pour laquelle il n’existe qu’un cadre légal très succin voire flou. Pourtant, le secteur a besoin d’une législation qui permette aux entreprises d’innover tout en maintenant un équilibre. Autrement dit, il est possible de réaliser de nouveaux progrès sans toutefois qu’ils ne se fassent au détriment d’autres considérations essentielles.
Pour relever ces défis, l’OCDE a défini un certain nombre de principes afin d’orienter sur la mise en œuvre d’une IA centrée sur l’humain et qui soit digne de confiance. Toutefois, des cadres nationaux, régionaux et internationaux mieux définis sont nécessaires en matière de consommation d’énergie, en particulier compte tenu du rôle du secteur de l’énergie dans l’économie mondiale et de son importance pour les objectifs climatiques.
L’AI Act, entré en application cette année, vise à améliorer les conditions d’un développement éthique et durable de l’IA en Europe. Toutefois, il ne prévoit pas d’obligations pour les entreprises de réduire leurs émissions et leur consommation d’énergie liées à l’IA. S’il est louable que les réglementations actuelles traitent de la sécurité et de l’éthique dans le domaine de l’IA, il est désormais nécessaire d’étendre ces législations pour répondre aux préoccupations environnementales.
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Par Maxime Vermeir, Senior Director of AI Strategy chez ABBYY