Les principaux syndicats professionnels du secteur numérique en France, en Allemagne et au Royaume-Uni ont défini ensemble les huit principes qui doivent guider la construction du marché unique du numérique. Ensemble, ils invitent les acteurs politiques à les prendre en compte pour définir une législation et des politiques qui seront au cœur du projet de Marché Unique du Numérique Européen. techUK, BITKOM et Syntec Numérique estiment que les principes suivants devraient étayer le développement du Marché Unique du Numérique :

  1. S’ouvrir au changement
  2. S’ouvrir à l’international
  3. Rendre l’innovation facile pour les entreprises
  4. Rendre le monde plus simple et non compliqué
  5. Laisser place à l’innovation pour surmonter les obstacles
  6. Utiliser les bons outils pour la tâche à accomplir
  7. Se méfier des conséquences imprévues
  8. Evoluer à bon rythme

 

  1. S’ouvrir au changement

La révolution numérique a déjà plusieurs décennies derrière elle, l’Europe et ses citoyens ont toutes les raisons de s’en réjouir. Elle fournit jour après jour de plus grandes opportunités aux individus et aux entreprises, leur permettant de prendre leur avenir en main. L’impact au niveau social et économique a été extrêmement positif pour l’Europe. De nombreuses évolutions sont encore à venir et nous devons prendre en main notre futur, en allant de l’avant plutôt qu’à rebours. Nous ne pouvons en effet pas inverser le processus d’innovation et nous ne pouvons pas réussir en essayant de freiner nos concurrents. Pour y parvenir, le Marché Unique du Numérique doit s’ouvrir au changement et essayer de le façonner, plutôt que de lui résister ou de le ralentir.

  1. S’ouvrir à l’international

L’économie numérique se joue à l’échelle mondiale, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Elle est toujours plus connectée et offre des possibilités inestimables aux petites et moyennes entreprises (PME) innovantes européennes de s’internationaliser rapidement. Beaucoup de start-ups du numérique aujourd’hui estiment qu’il est essentiel de « s’internationaliser dès le premier jour » et d’être concurrentielles n’importe où dans le monde.

L’Europe et ses Etats Membres doivent faire l’éloge des valeurs d’ouverture, de libre expression, de respect de la vie privée et de la démocratie dans la révolution internationale du numérique. La fragmentation géographique de l’Internet doit être évitée en faveur d’une approche plus globale, afin de permettre à nos entreprises de prospérer.

  1. Faciliter l’innovation pour les entreprises

L’innovation est le moteur du numérique. Les technologies, les outils et les services du numérique créent tous les jours de nouveaux produits. Le Marché Unique du Numérique doit faciliter, et non rendre difficile, la possibilité pour les entreprises européennes de commercialiser rapidement leurs idées innovantes sur le marché de l’UE tout en limitant les incertitudes juridiques et obstacles règlementaires. Les entreprises en ligne devraient pouvoir s’enregistrer une seule fois dans le but d’opérer partout dans l’UE. Le principe du pays d’origine devrait être renforcé afin de minimiser les incertitudes pour les entreprises et les coûts de mise en conformité. Les nouvelles entreprises aux idées, produits et services « de rupture » doivent pouvoir entrer sur les marchés développés plutôt que de se voir opposer des barrières par des lois ou des règlementations inadéquates.

  1. Rendre le monde plus simple et non plus compliqué

A l’évidence, l’économie du numérique a besoin de normes. Elles doivent être comprises, mises en application et respectées, surtout si elles visent à protéger et favoriser le consommateur. Elles doivent être faciles d’application et porteuses de sens. A chaque fois qu’une personne ferme un bandeau de « Cookies » sur un site, la question se pose de savoir si certaines normes permettent aux individus de gérer avec confiance leur environnement numérique. . Les droits des consommateurs pour l’achat de biens et de services transfrontaliers doivent être clairs, simples et applicables.

  1. Donner place à l’innovation pour surmonter les obstacles

La rapidité à laquelle le numérique se développe et l’innovation perpétuelle rendent temporaires les obstacles qui, à première vue, semblent permanents. La technologie surpasse avec efficacité des situations d’apparence monopolistiques sur le court terme. Entre-temps, l’adoption prématurée de règlementations peut avoir pour conséquence de graver dans le marbre des obstacles à l’origine transitoires, les rendant ainsi permanents et imperméables au changement. Cela ne signifie pas que les obstacles permanents n’existent pas, toutefois, les procédés pour identifier les problèmes en matière de concurrence doivent rester rigoureux. Lorsqu’il existe des obstacles économiques permanents, ceux-ci doivent être parés par des règlementations fondées sur la concurrence, réexaminées régulièrement en tenant compte de l’évolution de la technologie et du marché.

  1. Utiliser les bons outils pour la tâche à accomplir

Les décideurs européens doivent faire preuve de prudence quand ils choisissent les instruments politiques pour aborder les questions-clefs. Dans certains cas, il est possible de répondre rapidement et efficacement à des préoccupations spécifiques via l’autorégulation par l’industrie ou l’action collective. Cela s’est par exemple avéré efficace au Royaume-Uni dans le domaine de la protection des mineurs sur Internet. Un autre exemple venu du Royaume-Uni est le Code de pratique pour l’Internet libre (Open Internet Code of Practice) dont la création a été facilitée par le Broadband Stakeholder Group et qui engage les fournisseurs de services Internet à fournir des produits dont l’accès est libre. Tous les fournisseurs d’accès à Internet et opérateurs de télécommunications mobiles en sont signataires. Il est en vigueur depuis 2012 et est devenu un élément clef de la politique du Gouvernement britannique en faveur de la neutralité de l’Internet. Dans d’autres cas, la législation peut être l’option politique la plus appropriée. Les décideurs politiques doivent choisir les bons dispositifs règlementaires. Les questions de concurrence doivent être abordées par le droit de la concurrence et autres instruments politiques, tels que le droit d’auteur ou droit sur la protection des données, mais ne devraient pas être utilisés à mauvais escient, ce qui peut entrainer des conséquences imprévues et inattendues. Là où une législation doit être créée ou mise à jour, le processus doit être centré sur des exigences fondamentales afin de permettre une prise de décision et une adoption de loi rapide.

  1. Se garder des conséquences imprévues

Dans le contexte du développement de propositions législatives pour un Marché Unique du Numérique, il est important de se rappeler qu’il existe de nombreuses législations européennes et nationales qui ne sont pas parvenues à atteindre leurs objectifs ou qui n’ont pas eu les effets escomptés. Par exemple, les récentes législations européennes et nationales sur l’utilisation des cookies, les règles de TVA, et droits d’auteurs secondaires ont tous eu des conséquences imprévues. Elles ne sont pas parvenues à encourager l’innovation ou produire des bénéfices effectifs pour les consommateurs ou les entreprises.

– la législation sur l’utilisation des Cookies a provoqué une certaine confusion chez les entreprises lors de sa mise en application tandis que son bénéfice réel pour les consommateurs n’a pas été établi.

– la législation sur la TVA a eu pour effet d’accroître les coûts et incertitudes pour les petites entreprises essayant d’effectuer des transactions dans le marché unique européen ;

– la législation des Etats membres concernant les droits d’auteur voisins a eu des conséquences inattendues et indésirables : frein aux incitations pour les petits fournisseurs de contenu à innover et développer de nouveaux modèles commerciaux dits de rupture, réduction de leur visibilité sur Internet avec pour conséquence une perte de revenus, davantage de fragmentation du Marché Unique étant donné que les réglementations diffèrent entre les Etats membres.

  1. Evoluer à bon rythme

La révolution numérique évolue à un rythme bien plus soutenu que celui de la prise de décision au niveau européen. La réponse politique européenne a besoin d’être plus souple et plus rapide. L’édification du Marché Unique du Numérique est plus encline à être réalisée à travers une succession d’étapes au sujet desquelles un accord peut être trouvé rapidement, plutôt que par une série de grands sauts qui nécessitent de nombreuses années de négociations complexes et qui souvent aboutissent à des résultats considérablement éloignés du but escompté.