La France ne se laissera pas distancer dans l’informatique quantique. Elle en a les moyens et peut s’en donner l’ambition. C’est en substance ce qu’affirme le rapport de mission dirigée par Paula Forteza qui a été remis au gouvernement cette semaine.

En mars 2019, le Premier Ministre Édouard Philippe confiait à Paula Forteza (députée LREM), Jean-Paul Herteman (ancien PDG de Safran) et Iordanis Kerendis (Directeur de recherche au CNRS), une mission parlementaire pour définir le potentiel et les ambitions de la France en matière d’informatique quantique. Jeudi 9 janvier 2020, la mission a remis au gouvernement le fruit de ses réflexions, un rapport de 68 pages intitulé « Quantique : le virage technologique que la France ne ratera pas ».

« Aujourd’hui, grâce à de nouvelles découvertes en physique fondamentale, nous sommes à nouveau face à l’émergence imminente de nouvelles innovations de rupture, basées, cette fois-ci, sur l’informatique quantique » rappellent en introduction les rapporteurs. « Grâce à une stratégie nationale ambitieuse, les technologies quantiques sont appelées à faire de notre pays un acteur incontournable dans la scène internationale. »

L’informatique porte le potentiel de grandes révolutions humaines. « L’heure est venue de reconnaître le potentiel que recèle ce champ d’étude et d’investir dans ce qui constitue l’une des voies les plus prometteuses de découvertes scientifiques, de progrès technologiques et de bienfaits économiques et sociétaux » écrit Iordanis Kerenidis. « Les technologies quantiques apportent des avantages remarquables dans les simulations chimiques et physiques, avec des applications potentielles dans l’agriculture, la découverte de nouveaux médicaments et la conception de batteries. Les algorithmes quantiques permettent des accélérations considérables les domaines de la finance, de l’énergie, de l’automobile et des sciences environnementales. »

Les ambitions sont clairement affichées. Reste à les mettre en musique. Le rapport émet 37 propositions pratiques, à la fois d’ordre stratégique, organisationnel et scientifique, ainsi que plusieurs recommandations. Reste aux administrations et au gouvernement à définir les roadmaps et débloquer des budgets de centaines millions d’euros.
Pour Jean-Paul Herteman, « Sur le plan de l’organisation et des méthodes, nous recommandons de regrouper les acteurs scientifiques et technologiques en « campus » et de mettre en place un pilotage de la politique de recherche scientifique, technologique et industrielle… Il faudra, également, veiller à mettre en place des formations anticipant les besoins clefs… L’ambition est de construire une industrie inclusive maitrisant la totalité de la chaîne de valeur, allant du matériau de base jusqu’aux logiciels optimisés pour les secteurs applicatifs, en passant par la réalisation des puces quantiques, l’intégration des calculateurs et leurs algorithmes spécifiques, sans oublier les technologies habilitantes (cryogénie, lasers etc.) qui font la vraie force d’un tissu industriel. Cela nécessite évidemment un financement public non négligeable mais incontournable ».

La mission ne cache pas qu’il y a urgence. IBM, Google, Intel, Microsoft, AWS, Honeywell et des startups anglo-saxonnes comme Rigetti ou IonQ ont pris de l’avance. Les USA, le Royaume-Uni, le Canada et la Chine ont démarré des initiatives quantiques bien avant nous avec des missions gouvernementales remontant à 2015, voire plus tôt encore.

Mais la France a aussi des atouts avec ses centres de recherche de Saclay, de Palaiseau et de Grenoble dont les compétences en matière de recherches quantiques fondamentales et d’informatique sont internationalement saluées. Elles disposent également de grandes entreprises technologiques comme Athos, Thales ou Orange très actives dans le domaine des technologies quantiques. Enfin, la France peut aussi s’appuyer sur ses filières de formation et sur écosystème de startups innovantes investies dans les technologies et les usages du quantique (il y en aurait déjà plus de 130) à l’instar des jeunes pousses Pasqal, CryptoNext, PrevisionIO, Quandela, Uquans.

Nos confrères d’IT for Business ont épluché le rapport de la mission parlementaire et reviennent en détail sur les propositions les plus intéressantes, sur les défis qui nous attendent et sur les atouts de la France. Selon eux, même si un tel rapport aurait dû être commandé et formulé au moins deux ans plus tôt, il n’est pas forcément trop tard : « En matière d’informatique quantique, aucune vérité n’a encore été inscrite dans le marbre. La recherche est galopante et sans certitude scientifique et technique toutes les cartes peuvent encore être redistribuées ».

En attendant, nous vous invitons à lire le rapport très instructif et plutôt accessible de la mission dirigée Paula Forteza pour vous forger votre propre idée : « Quantique : le virage technologique que la France ne ratera pas ».