Dans le conflit qui oppose Google et Oracle depuis 10 ans autour de l’utilisation des API Java dans Android, le géant du Web a reçu le soutien de Microsoft et d’IBM avant que la Cour Suprême ne statue définitivement sur l’affaire. Et IBM invite la cour à se reporter à l’une de ses décisions datant de 1878 pour donner raison à Google !

Oracle et Google sont en guerre depuis 2010. Selon Oracle, l’implémentation Java d’Android enfreint ses brevets et copyrights. Google ferait une utilisation abusive des APIs Java sans payer. Comme le raconte longuement The Register, l’affaire – qui a connu une assez invraisemblable série de rebondissements – sera enfin jugée par la Cour Suprême américaine en mars et sa décision pourrait avoir des conséquences importantes dans le développement des logiciels (alors que notre monde repose désormais sur des plateformes et des microservices qui interopèrent par le biais d’API) mais aussi des effets de bord dans l’univers de la création artistique.

En 2012, un premier jugement avait conclu que les API Java d’Oracle ne pouvaient pas être « copyrightées ». En 2014, un second jugement américain contredisait le premier affirmant que les API pouvaient être copyrightées alors que dans le même temps en Europe, dans une autre affaire, la cour de justice européenne rejetait l’idée de copyrights sur les API en raison de leur rôle essentiel à l’interopérabilité des systèmes et des logiciels. Mais le jugement ne considérait pas Google coupable d’usage abusif. En 2016, un autre jugement confirmait l’usage loyal des API Java par Google. En 2018, Oracle obtenait en appel que le jugement de 2016 soit retourné à son avantage : oui Google utiliserait bien abusivement les API Java. Le géant du Web obtient en 2019, au grand dam d’Oracle qui tenait absolument à éviter ça, que la Cour Suprême américaine accepte de considérer l’affaire et notamment qu’elle prenne position sur le fait que les API peuvent ou non être copyrightées.

Dans sa quête, Google a obtenu le soutien de nombreux universitaires, d’organisations, mais aussi de Microsoft et d’IBM. La société dirigée par Satya Nadella estime que le jugement de 2018 va à l’encontre de ce que l’industrie pratique et de l’article de loi sur le « fair use of a copyrighted work ». Elle affirme que Google fait un usage loyal des API Java et que considérer l’inverse aurait des impacts dramatiques sur l’innovation et sur toute l’industrie informatique. Pour Microsoft, l’innovation repose sur du développement coopératif, sur l’interopérabilité, sur la réutilisation de code logiciel au travers d’API. Et la notion de « Fair Use » doit être souple et respectée.

IBM se montre beaucoup moins technique et beaucoup plus pragmatique dans son support. Big Blue considère tout simplement que les API ne peuvent être copyrightées. Et ses avocats s’appuient pour cela sur une décision de la Cour Suprême qui fait jurisprudence et qui date de 1878 : l’affaire « Perris versus Hexamer » ! William Perris estimait à l’époque que Ernest Hexamer avait enfreint ses copyrights : Hexamer avait repris pour ses propres cartes, les légendes, symboles et couleurs des cartes de William Perris. A l’époque, la cour suprême avait considéré que les deux cartes n’étaient pas identiques et que l’utilisation commune des symboles et des couleurs ne constituaient pas une enfreinte aux copyrights.

Pour IBM, une classe de fonctions définies est l’équivalent moderne et informatique des légendes de symboles, et les API sont similaires aux symboles qui permettent la compréhension et l’utilisation de la carte par tous. Dès lors, pour IBM, la décision est triviale : les APIs ne peuvent être copyrightées et Oracle doit être débouté. Cela semble d’une logique implacable. Mais une décision en faveur de Google alignerait également les américains sur les européens ce qui dans l’Amérique de Donald Trump n’est jamais partie gagnée…