Les quatre premières personnes à recevoir un cœur artificiel, mêlant informatique et électromécanique dans une première mondiale, seront opérées dans les jours qui viennent dans trois hôpitaux français.

Cette révolution technique où l’informatique embarquée n’a pas le premier rôle méritait un éclairage particulier, car c’est peut être la première révolution informatique qui profite réellement à l’homme. Les hôpitaux Laennec de Saint-Herblain (44), Pompidou à Paris et Marie Lannelongue  du Plessis-Robinson (92) devraient annoncer fin Octobre, au plus tôt, les résultats de leurs études sur leurs premières interventions. Les quatre personnes qui depuis des semaines attendaient le cœur artificiel de la société française Carmat ne sont que les premiers d’une longue file d’attente de plusieurs milliers de patients impatients de trouver une solution de survie.

Des milliers de malades cardiaques meurent en effet chaque année faute d’avoir pu obtenir un greffon. Le cœur artificiel est donc vu comme une rare lueur d’espoir, une chance incontournable suivie avec attention par les malades et leurs familles. L’autorisation donnée le 24 septembre dernier par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour procéder à sa première étude clinique de faisabilité clinique, comme son nom l’indique, permet l’implantation de ces quatre cœurs. Mais elle ne donnera pas le feu vert à une vague immédiate de transplants. Mais si tout fonctionne bien, le feu vert général pourrait avoir lieu à la fin 2014.

Si en France, la législation est très stricte et les prises de décisions longues, du fait de leurs implications juridiques, le reste du monde est souvent plus ouvert et moins ligoté par les lois. Quatre établissements avaient déjà donné leur accord en mai dernier : Le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Saint-Pierre à Bruxelles, le Silesian Center for Heart Diseases de Zabrze, en Pologne, le University Medical Centre  de Ljubljana en Slovénie et enfin le Prince Sultan Cardiac Center de Riyad, en Arabie Saoudite .

Selon les protocoles prévus, les services de chirurgie cardiaque des ces 4 hôpitaux ont du déjà tester le coeur artificiel de Carmat sur des malades consentants, parfaitement conscients des risques élevés de ces expériences inédites. Mais le secret médical n’a pas été levé sur les résultats. Les premiers utilisateurs des cœurs artificiels sont il encore vivants ? Le secret sera peut être levé entre spécialistes lors du 27ème congrès annuel de l’Association Européenne de Chirurgie Cardio-Thoracique (EACTS – European Association for Cardio-Thoracic Surgery) qui se tient en ce moment à Vienne, en Autriche.

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Le chirurgien Alain Carpentier, qui vient d’avoir 80 ans (photo ci-dessus)  mondialement connu pour avoir inventé les valves cardiaques Carpentier-Edwards, a créé la société Carmat avec l’aide d’EADS et le financement de Truffle capital. Cotée en bourse, c’est l’une des valeurs les plus en vue de la bourse française (Alternext), 20 millions de personnes étant dans le monde occidental concernées par des transplants cardiaques. Sur le principe des pacemaker, le système est composé d’une partie implantable, le cœur artificiel et d’un système  dit « Hôpital » permettant le paramétrage complet de la prothèse et le suivi du patient. Un système dit « patient » facilitera le retour à domicile, installé sur un chariot, il permet de recharger les batteries  et  de collecter les informations sur l’activité des différents composants.

Une liberté surveillée

Seule la consommation électrique ne permet pas de dépasser les 6 heures de rayon d’action. Mais une simple prise allume cigare permettra de prolonger l’indépendance  du patient. Une pile à combustible de petit format,  à l’étude, devrait encore réduire les contraintes et les volumes. Il reste que le câble nécessaire à la recharge dit « câble percutané » reste une source d’infection possible. Un modèle de connecteur « étanche »  d’un aspect comparable à ceux des téléphones portables est en cours d’essai. La consommation électrique actuelle du cœur artificiel nécessite le port d’une sorte de poche en forme de banane autour de la taille (image) ce qui reste un handicap. La micro-électronique utilisée ne peut faire encore l’impasse sur des éléments de micro-pompes très gourmandes en énergie.

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Le cœur Carmat est le résultat de plus de 20 ans de recherche dans les différentes technologies auxquelles il fait appel. Une collection impressionnante de brevets a été déposée. Cette  mini pompe ultra puissante dispose de son propre liquide pour effectuer un cycle de pompage et un autre de poussée selon le principe des oreillettes et des ventricules, les artères et le veines se raccordant au dixième de millimètre sur les différentes prises. La pompe de départ a été au fur et à mesure réduite en volume pour suivre les différentes contraintes.

Grâce à des capteurs de pression membranaires, les pulsations du cœur artificiel s’adaptent aux situations telles que le stress, le repos, l’effort. Le reste du corps ne serait pas trop perturbé par cette pompe électronique. Si la première transplantation cardiaque réalisée en Décembre 1967 par le professeur Barnard, très prolixe, avait marqué les esprits, 46 ans après, c’est plutôt des photos d’équipes de chirurgiens cardiaques, les opérations étant extrêmement longues, qui devraient apparaître à la Une des journaux dans les mois qui viennent.

Le professeur Carpentier, très modeste, n’hésite pas à rappeler sans cesse qu’il s’agit aussi de travail d’équipes de médecins, de physiciens, mécaniciens, informaticiens, plasticiens, électriciens et chimistes qui ont du collaborer pendant des années pour aboutir à un chef d’œuvre de précision. Cette machine ne manquera pas de ranimer les échanges conflictuels sur la légitimité des micros mécanismes dans le corps humain. Pour réduire la consommation électrique du cœur artificiel et d’autres appareils de régulations dans  les prochaines années, il faudra surement utiliser des nanotechnologies encore critiquées pour des raisons d’éthique.  Oser breveter « l’humain » déplait à certains mais pour l’instant, on ne peut que se réjouir des perspectives offertes par ces découvertes et l’espoir qu’il soulève chez les personnes qui se croyaient déjà condamnées.

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