La pénurie de composants électroniques est un frein à l’innovation, à l’essor économique et à la nécessaire numérisation des entreprises. Mais l’Europe et Intel ont chacun leurs plans pour remédier à la situation.

La pénurie de composants se poursuit, ralentissant les chaînes de fabrication de véhicules, impactant le marché des ordinateurs et des consoles, affectant tout l’univers de la Tech en général. Et aucune amélioration notable n’est attendue d’ici 2023.

L’Europe affiche ses ambitions

Pour tenter de remédier durablement à ce phénomène mais également pour réduire la trop grande dépendance de l’Europe vis-à-vis des fabricants de puces asiatiques, l’Europe lance un ambitieux plan doté de 43 milliards d’euros. Dénommé « European Chips Act », ce plan comporte tout un ensemble de mesures destinées à renforcer la compétitivité et la résilience de l’Europe en matière de fabrication et d’approvisionnement de composants électroniques afin de soutenir sa transition numérique et écologique.

La présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen, explique ainsi que « l’European Chips Act va changer la donne pour la compétitivité du marché européen. À court terme, elle augmentera notre capacité de résistance aux crises futures, en nous permettant d’anticiper et d’éviter les perturbations de la chaîne d’approvisionnement. Et à moyen terme, elle contribuera à faire de l’Europe un leader industriel dans cette branche stratégique ».

À l’heure où les applications de la 5G, de l’IA et de l’automatisation nécessitent toujours plus d’électronique embarquée, mais aussi alors que les tensions géopolitiques s’intensifient, l’Europe se révèle bien trop dépendante de pays tiers : sa part globale sur le marché mondial des semi-conducteurs s’élève à peine à 10%. Plus inquiétant encore, cette part ne cesse de diminuer depuis 30 ans. En 1990, l’Europe produisait 44% des puces dans le monde !

L’Europe se doit de réagir d’autant que les USA et la Chine accélèrent fortement leurs investissements. La proposition de législation américaine en matière de semi-conducteurs prévoit un engagement budgétaire de 52 milliards de dollars pour la fabrication et la recherche-développement jusqu’en 2026. La Chine de son côté redouble d’efforts pour combler son retard technologique en matière d’usines de gravage de CPU, devrait investir 150 milliards de dollars en dix ans conformément à plusieurs plans et initiatives telles que « Made in China 2025 ».

Le plan « European Chips Act » prévoit des investissements de plus de 43 milliards de dollars d’ici 2030. Ils comprennent notamment les 11 milliards de dollars prévus dans le cadre de l’initiative « semi-conducteurs pour l’Europe » destinée à améliorer les capacités de recherche, de conception et de fabrication d’ici à 2030. Ils s’ajoutent aux 30 milliards les programmes et actions existants en matière de R&I dans les semi-conducteurs tels qu’Horizon Europe et le programme pour une Europe numérique. L’essentiel de ces investissements provient directement des pays membres et de leurs plans de soutien à l’innovation numérique. Autrement dit, l’Europe additionne les initiatives de ses membres plus qu’elle ne met directement la main au portefeuille.

« Avec l’European Chips Act, nous mettons en place les investissements et la stratégie. Mais la clé de notre succès réside dans les innovateurs européens, nos chercheurs de classe mondiale, dans les personnes qui ont fait prospérer notre continent au fil des décennies » ajoute Ursula von der Leyen.

De son côté Intel veut aider les jeunes pousses qui rêvent de processeurs…

Les innovateurs sont justement la nouvelle cible du fonds lancé par Intel pour soutenir l’innovation dans la fabrication des processeurs. Le fondeur américain lance un nouveau fonds doté de 1 milliard de dollars pour aider les jeunes pousses à créer des technologies disruptives dans le domaine des architectures de processeurs, des techniques de gravage et de packaging des puces, la conception de produits modulaires, mais aussi la conception de processeurs ou machines exploitant plusieurs architectures de jeu d’instructions (x86, ARM, Risc-V).

Les approches modulaires notamment simplifiées par les technologies de packaging 3D des puces semblent être l’un des domaines qui focalisent le plus l’intérêt d’Intel. « Les approches de conception modulaire permettent de différencier les produits et d’accélérer la mise sur le marché. Intel Foundry Services est bien positionné pour mener cette inflexion majeure de l’industrie. Grâce à notre nouveau fonds d’investissement et à notre plateforme ouverte de chiplets, nous pouvons contribuer à stimuler l’écosystème pour développer des technologies disruptives sur l’ensemble du spectre des architectures de puces » explique ainsi Pat Gelsinger, CEO d’Intel.

Autre intérêt notable, l’architecture open source RISC-V même si elle concurrence potentiellement x86. Il est vrai que sa filiale « Intel Foundry Services » (qui regroupe les usines de fabrication de processeurs) est désormais ouverte aux sociétés tierces qui recherchent un partenaire de fabrication y compris dans le domaine ARM et RISC-V. Dans le cadre de ce nouveau fonds d’innovation, Intel prévoit des investissements et des offres qui renforceront l’écosystème et contribueront à l’adoption du RISC-V. Le fonds veut aider les entreprises RISC-V à innover plus rapidement par le biais de l’IFS en collaborant à la co-optimisation technologique, en donnant la priorité aux ‘waffer shuttles’, en soutenant les conceptions des clients, en construisant des cartes de développement et une infrastructure logicielle, etc. Intel explique que sa division IFS prévoit d’offrir une gamme de cœurs RISC-V aux performances optimisées pour différents segments de marché. En s’associant à des fournisseurs comme SiFive, Ventana, Andes Technology ou Esperanto Technologies, Intel veut garantir que l’architecture RISC-V fonctionnera de façon optimale sur le silicium IFS.

Pour terminer, rappelons qu’en juillet dernier, Pat Gelsinger a annoncé sa volonté de construire au moins deux nouvelles usines de semiconducteurs en Europe, un projet estimé à 20 milliards de dollars. Par ailleurs, le principal concurrent d’IFS, TSMC, prévoit lui aussi l’ouverture d’une usine en Europe (en Allemagne).