Alors que l’opérateur américain Verizon rachète pour $130mds les 45% que détenait l’Anglais Vodafone, Microsoft acquiert l’activité de téléphonie mobile de Nokia
Les deux points communs de ces deux transactions sont d’abord qu’elles interviennent sur les deux rives de l’Atlantique et ensuite qu’elles concernent le secteur de la téléphonie mobile qui arrive clairement à maturité. Concernant le rachat des 45 % que détenait l’opérateur Vodafone dans le capital de Verizon Communications, il s’agit plutôt d’une opération à caractère financier de retour sur investissement. Verizon débourse 130 millions de dollars qui le seront à 58,9 milliards sous forme de trésorerie et 60,2 milliards en actions Verizon et complétés de 11 milliards de transactions diverses. De son côté, Vodafone a indiqué qu’il redistribuera 84 milliards à ses actionnaires.
Il s’agit de la troisième opération la plus importante de l’histoire, la première ayant été réalisée déjà par Vodafone qui rachetait Mannesmann en 1999 pour $203mds et la seconde par TimeWarner qui procédait en 2000 à l’acquisition d’AOL pour la « modique somme » de $181mds. Ces deux transactions sont intervenues pendant les années folles qui ont précédé l’explosion de la bulle Internet. A cette période, les investisseurs avaient perdu un peu la raison et cédé aux mirages de la pseudo innovation liée aux possibilités de l’Internet. Vodafone est coutumier du fait de ce type de transactions, il avait essayé en vain d’acheter l’activité de téléphonie mobile à AT&T finalement tombée dans l’escarcelle de SBC Communications. Jusqu’en 2011, Vodafone possédait 44 % de SFR revendu en totalité à Vivendi.
L’objectif poursuivi par les deux opérateurs est assez claire. Pour Verizon, il s’agit d’être en meilleure position pour investir sur un marché américain couvert par peu d’acteurs et qui devient très concurrentiel. Pour Vodafone, l’opération lui permet de verser des primes aux actionnaires mais aussi de dégager des moyens financiers pour améliorer les réseaux de téléphonie mobile et de l’Internet à court terme. Le marché européen des télécoms reste très fragmenté avec de très nombreux opérateurs qui ont désormais pris du retard par rapport aux opérateurs américains. Suite à cette vente, Vodafone indique qu’il investira 6 milliards de livres sur les trois ans à venir, en particulier la couverture de 90 % des 5 principaux marchés européens en 4 G à horizon 2017.
Nokia coquille vide ?
Côté Microsoft-Nokia, c’est l’association de deux acteurs qui n’ont pas réussi à s’imposer sur les secteurs des smartphones et de l’Internet mobile. Le premier essaye sans succès depuis plus de 10 ans à transposer sa réussite sur le poste de travail et ce malgré des moyens considérables mis en œuvre. Alors qu’il était le leader incontesté de la téléphonie pré smartphone avec, au plus fort une part de marché de 40 %, Nokia n’a pas réussi à maintenir cette position dans le monde de la « téléphonie intelligente » laissant le champ libre à Apple, Samsung et quelques autres. Sachant que l’activité de fabrication de Nokia est largement, voire entièrement sous-traitée à des constructeurs asiatiques. Ce type de revers n’est pas inhabituel lorsque la technologie passe d’une génération à une autre. L’informatique fourmille d’exemples. Le passage des mainframes aux mini-ordinateurs avait porté un coup, fatal pour certains, aux fournisseurs d’un groupe appelé Bunch (Burroughs, Univac, NCR, Contral Data, Honeywell). De même, l’arrivée de la micro-informatique avait fait apparaître une nouvelle génération de fournisseurs dont peu existent encore.
Microsoft débourse 5,44 milliards d’euro pour racheter toute l’activité Devices & Services, l’ensemble des brevets détenus par Nokia et l’utilisation services de cartographie. C’est la plus grosse acquisition réalisée par Microsoft après celle de Skype en 2011 pour 8,5 milliards de dollars. De son côté, Nokia a finalisé en août dernier le rachat des 50 % des parts qu’il détenait dans Nokia Siemens Network, une entité spécialisée dans les réseaux hauts débits.
Ce rachat s’inscrit évidemment dans la lignée du partenariat existant depuis 2011 et qui s’est renforcée avec l’introduction des smartphones Lumia motorisés avec le système d’exploitation Windows Phone de Microsoft. L’opération inclut le passage de 32 000 salariés de Nokia sous bannière Microsoft dont Stephen Elop, un ancien de Microsoft recruté par Nokia en 2011. C’est donc un retour à la case départ pour ce Canadien qui était déjà parmi les favoris pour la succession de Steve Balmer et que renforce ce statut de futur CEO de Microsoft. Ce sera sans doute la dernière opération majeure réalisée par Steve Balmer – après la réorganisation de juillet dernier – dont les répercussions sur les activités de Microsoft seront stratégiques, en positif ou en négatif.