Même si la France accuse un certain retard, le cloud constitue une opportunité pour l’économie française de rattraper son retard en matière de services numériques.
La transition numérique va-t-elle poser autant de problèmes que la transition énergétique ? Y aura-t-il des « portiques d’écotaxes » à faire tomber ? On pourrait le penser en écoutant Véronique Charlot-Durand, DSI du groupe GDF-Suez lors des Rencontres de la Compétitivité Numérique 2013 qui se sont tenues aujourd’hui à Bercy.
Il y a d’abord le problème de l’existant – l’informatique legacy et les systèmes traditionnels. « Nous n’avons pas encore digéré la mise en œuvre de SI à base d’ERP lourds et coûteux édictée par la réglementation européenne qui imposait la séparation des activités de production et de distribution – qui n’a rien apporté aux clients – qu’il nous faut penser au cloud. Les nouveaux entrants ont évidemment un avantage considérable puisqu’ils peuvent passer directement au cloud. Si cette transition remet en cause le SI existant des entreprises, il rebat aussi les cartes du côté de l’offre. Les grands éditeurs de logiciels ont tendance à faire monter le prix des licences tant qu’ils ont une certaine maîtrise du marché, s’insurge Véronique Charlot-Durand. Ils font cracher la bête jusqu’au bout. Par exemple, pour prolonger l’existant, certains éditeurs ont ressorti la notion d’usage indirect enfouie dans les clauses contractuelles pour tirer quelques sources de revenus supplémentaires. Et les grands intégrateurs participent un peu à ce mouvement. »
Le cloud : l’électricité plus les services
« Maintenant que la dynamique du cloud est bien installé, il n’y a plus de temps à perdre », prévient Fleur Pellerin, ministre délégué aux PME, à l’innovation et au numérique, même si elle fait perdre une demi-heure à l’ensemble des participants. Face aux grandes ambitions, la France a de nombreux atouts que l’ensemble des intervenants s’est attaché à rappeler à l’envi : l’innovation avec une recherche de qualité, un écosystème dynamique de startups, une formation de qualité (sur ce point, seules les grandes écoles font l’objet d’un satisfecit) et une infrastructure réseau de qualité. A cela, il faut ajouter le nucléaire qui fait que nous avons l’électricité la meilleure marché d’Europe, complète Francis Weill de la Fédération Française des Télécoms. A horizon 3/5 ans, près de 50 % du coût des data centers sera lié à l’électricité.
« Après avoir raté le coche du matériel informatique, il y a 40 ans, celui du logiciel, il y a 20 ans, on doit réussir celui de la donnée », exhorte Guy Mamou-Mani, président du Syntec Numérique. Et dans l’économie numérique, il est possible de créer rapidement un leader mondial. « Pour l’heure, le marché des infrastructures est ultra dominé par de grands acteurs, principalement américains », rappelle Banjamin Alleau, Vice President, and Business & Technology Innovations de Capgemini.
Les DSI face au cloud
Dans cette révolution du cloud, où se situent les directions générales et les DSI ? Les premières sont un peu tiraillées entre coûts et sécurité alors que les secondes, il s’agit d’une révolution culturelle forte qui les poussera à jouer un rôle d’intégrateur / broker de services tout en continuant à gérer les SI existants. Le cloud apporte aussi des changements importants des fournisseurs en les mettant en contact avec les startups, ce à quoi elles ne sont pas vraiment habituées. « Et parfois, les freins pour aller le cloud s’abritent sous des démarches un peu obscurs, résume Véronique Durant-Charlot. Dans le cadre d’un projet de messagerie dans le cloud, nos équipes informatiques ont tout fait pour que le prix final de l’offre SaaS soit le même que celui d’une solution traditionnelle ».
Les métiers poussent – c’est le phénomène du Shadow IT -, les DSI freinent ? Cette vision est caricaturale et ne correspond pas à la réalité pour Georges Epinette. « Non les DSI ne sont pas contre le cloud, Ils souhaitent y aller de manière structurée et raisonnée, considère le VP du Cigref et DOSI du groupement des Mousquetaires. Bien sûr, nous avons fait le choix de ne retenir le SaaS pour des applications critiques comme la gestion de la trésorerie ou la logistique ».
Mais malgré nos atouts, l’ensemble des intervenants s’accorde sur l’idée que la France est sans doute un périmètre trop étroit pour jouer dans le cloud. « Les acteurs français n’ont pas la taille critique, considère Cécile Dubarry, chef du service TIC à la DGCIS. L’interopérabilité et les SLA sont deux notions fondamentales pour faire émerger des champions européens ». « Mais il faut aboutir à une harmonisation des SLA au niveau européen, ajoute Francis Weill intervenant au titre de Colt Technology ». Et une étude réalisée en interne sur une douzaine de pays européens montrent qu’il y a sur ce point encore du chemin à parcourir.