L’agilité est un vrai défi. Alors que les entreprises s’attaquent à la transformation digitale, nous avons cessé de défendre les anciennes méthodes de travail. Nous veillons plutôt à ce qu’un changement approprié soit mis en oeuvre. Nous réorganisons les ressources humaines, les processus et les technologies de façon à permettre ce changement et obtenir des résultats tangibles. L’agilité organisationnelle est une question actuelle qui fait désormais partie de l’ADN de l’entreprise.
Les services informatiques sont habitués à penser à l’agilité en termes d’équipe de développement. Mais cela signifie beaucoup plus que cela aujourd’hui. Les DSI – Directeurs des Systèmes d’Information – doivent mettre sur pied et présenter une organisation IT agile, ce qui nécessite de repenser très sérieusement à la manière dont travaille l’entreprise. Autrement dit, nous devons aller vers un nouveau modèle opérationnel pour les services informatiques.
Cette perspective peut paraître, à tort, quelque peu effrayante. Pour aller au-delà du simple discours sur l’agilité des services informatiques, et commencer à mettre en oeuvre une action effective, les DSI doivent amener leurs équipes à opérer des changements fondamentaux : (1) automatiser tout ce qui est possible de l’être, afin de pouvoir se concentrer uniquement sur les questions importantes ; (2) apprendre à parler le langage du « business » et s’intéresser aux résultats ; (3) mettre l’accent sur l’importance et non sur l’urgence.
Automatisez tout ce qui est routinier
Les services informatiques continuent de tomber dans les mêmes pièges. 70 à 80 % de leurs dépenses sont consacrés à la maintenance et à l’entretien des systèmes anciens – autrement dit, assurer les tâches courantes de fonctionnement – et seulement 20 % sont consacrés à l’innovation, synonyme de développement et de croissance. [1]
La plupart des entreprises ont opéré sous la pression budgétaire, plus dans certains secteurs que d’autres. Fonctionner avec la moitié des effectifs, parfois moins, semble être courant, et il ne faut pas s’attendre à ce que cela change vraiment. Chacun, au sein des entreprises, doit faire plus avec toujours moins de moyens. Il n’en reste pas moins vrai que l’entreprise a besoin des services informatiques pour soutenir de nouvelles initiatives et assurer sa croissance. C’est là où le bât blesse : avec des ressources humaines et un temps limités, nous ne sommes pas en mesure de faire face, trop occupés que nous sommes à traiter le quotidien.
Il est grand temps de changer le ratio 80/20 qui est le nôtre jusqu’ici. Tant que cela ne sera pas devenu réalité, les services informatiques seront juste considérés comme un centre de couts parmi d’autres. Les DSI doivent amener les équipes informatiques à éliminer les processus manuels et répétitifs. Tous les aspects mineurs et routiniers, grands consommateurs de ressources pourtant précieuses, doivent être automatisés
afin de laisser le champ libre, à toutes les équipes, pour prendre en charge les tâches qui requièrent de la créativité et de l’imagination, et faire ainsi progresser l’entreprise.
Quand une entreprise se lance dans l’automatisation des processus informatiques, elle commence généralement avec les tâches les plus simples, comme la réinitialisation des mots de passe et l’accueil de nouveaux collaborateurs. Cela paraît pertinent. En moyenne, 25 % des appels parvenant aux « help desks » sont liés à l’utilisation des mots de passe. [2] Réinitialiser les mots de passe oubliés des employés est une question simple à résoudre pour les assistants en ligne, mais qui prend du temps. Raison pour laquelle il faut l’automatiser.
Automatiser les tâches simples permet des améliorations incrémentielles mais, pour avoir un impact maximal, mieux vaut s’attaquer d’abord à quelques-unes des questions les plus épineuses. Automatiser des activités manuelles complexes, qui comportent plusieurs étapes et impliquent de nombreux collaborateurs, permet d’obtenir plus rapidement l’agilité recherchée. Les tâches routinières, le diagnostic, le suivi de performance et la résolution des incidents sont quelques-uns des domaines mûrs pour l’automatisation. De plus en plus, les machines savent détecter un incident ou un dysfonctionnement. L’automatisation devrait donc commencer par la création de ces tâches (d’abord les incidents). Pourquoi l’infrastructure et les machines de l’utilisateur final ne pourraient-elles pas créer un incident, plutôt que l’être humain ? Pour aller un peu plus loin, pourquoi une machine intelligente ne pourrait-elle résoudre cet incident, lorsque celui-ci est acté ? Tout cela, sans intervention humaine.
Le temps que nous récupérons en automatisant tous les éléments qui permettent aux systèmes de fonctionner, est synonyme pour les services informatiques d’une plus grande liberté et d’une agilité accrue pour offrir la valeur dont l’entreprise a besoin.
Parler le langage des chefs d’entreprise
La plupart des organisations informatiques s’efforcent de parler le véritable langage des chefs d’entreprise. Si le service informatique est amené à discuter d’un projet avec le directeur des ventes, et que la question posée soit : « Qu’attendez-vous de nous ? », le service informatique se comporte alors en preneur d’ordres. Il faut parler le même langage que les intéressés, dans le cadre de leurs perspectives.
Un service informatique agile a besoin de collaborateurs dont la moitié du cerveau est dédiée à l’informatique proprement dite, et l’autre moitié aux ventes, au marketing, à la finance, ou à tout autre aspect commercial, afin de définir précisément les objectifs recherchés. Ils doivent comprendre pourquoi le changement s’avère nécessaire, et pas seulement comment y parvenir. Ce type de compétence est ce qui sépare les services informatiques les plus performants de ceux qui le sont moins !
Cela peut signifier qu’il faudra embaucher de nouvelles équipes. Les leaders doivent modifier leur démarche intellectuelle et apprendre à communiquer dans un langage approprié.
Rappelons tout d’abord que nombre de services informatiques ont créé une « culture du refus » qui amène les utilisateurs des secteurs commerciaux à les contourner. Les équipes informatiques ne sauraient être considérées comme des gens qui disent presque systématiquement « non » à toute demande, surtout à l’ère de la transformation digitale.
Il n’est pas suffisant de fournir un projet IT conforme au calendrier et au budget initialement définis. Encore faut-il qu’il offre les avantages commerciaux escomptés. Le service informatique doit communiquer rapidement cet aspect des choses, et souvent aux responsables commerciaux. Nous ne pouvons nous contenter de signaler que, par exemple, trois ou quatre projets sont devenus opérationnels ce mois-ci. Ce type d’information risque fort d’être considéré comme secondaire : « Intéressant, mais pas certain d’être vraiment concerné… ». Le langage adopté doit démontrer que chaque euro versé au département informatique produit un résultat business tangible – croissance plus rapide du chiffre d’affaires, croissance de la marge bénéficiaire ou augmentation de productivité, par exemple. Quel que soit l’objectif, l’informatique doit parler en termes de résultats.
Pour aider le service informatique à utiliser le même vocabulaire, l’un de mes confrères DSI a commencé à demander à tous les membres de l’équipe informatique de prendre connaissance des résultats trimestriels, en même temps que les analystes financiers. Ce qui les a aidés à comprendre les objectifs stratégiques de l’entreprise, et à pouvoir poser des questions pertinentes. Il n’a pas fallu longtemps à ce service pour trouver le moyen de fournir des résultats qui n’étaient pas seulement alignés sur les priorités business, mais offraient des résultats tangibles.
Mettre l’accent sur l’importance
Libérer du temps pour les services informatiques, c’est leur permettre d’être créatifs, innovants et imaginatifs. Dès lors, ils ne seront pas en manque de bonnes idées. Les DSI savent que l’agilité ne peut être systématiquement au rendez-vous, quel que soit le sujet abordé.
Ce qui est vraiment important se traduira par des résultats business tangibles. Et ce qui ne l’est pas ne fera pas perdre un temps précieux, en tuant l’agilité au passage. Il est vital pour les services informatiques de prendre conscience de cette différence. Les équipes informatiques étant familiarisées avec le langage business, et posant désormais les bonnes questions, les aspects importants pour l’entreprise seront alors plus aisément identifiables.
Nous devons faire la différence entre ce qui est important et ce qui n’est qu’urgent. Avec l’urgence, il s’agit d’éteindre un incendie, de régler les questions que les équipes informatiques affrontent en premier parce qu’elles sont plus simples que celles figurant sur la liste des projets importants. Mais les demandes urgentes qui ne devraient théoriquement prendre que quelques minutes finissent par consommer une heure entière. Et en fin de journée, nous en sommes à nous demander comment nous avons passé notre temps.
Les tâches importantes font progresser l’activité et l’entreprise vers les résultats escomptés. L’une des manières les plus simples pour opérer le distinguo entre l’urgent et l’important consiste à demander : « Quelle valeur cette tâche va-t-telle donner à notre activité ? » et « Cela va-t-il faire une différence dans la semaine, le mois ou l’année qui viennent ? Et dans cinq ans ? »
Nous avons tous eu à traiter des demandes apparemment « importantes » du genre : « Pouvez-vous ajouter un champ supplémentaire sur cette page d’accueil ? » Bien sûr que nous pouvons. Mais est-ce vraiment important ? Devons-nous vraiment affecter du personnel informatique pour répondre à ce type de demande ? La réponse est non parce que, un an plus tard, cela n’aura fait aucune différence véritable.
Quels sont les freins à l’agilité ?
En notre qualité de DSI, nous sommes focalisés sur les résultats et les stratégies qui conduisent à la croissance, à l’efficacité et à la productivité. Nous voyons la valeur consistant à migrer 6 000 applications vers le cloud dans les trois prochaines années. Ce type de projet peut s’avérer très stressant pour les personnels informatiques. Mais il produira des résultats business tangibles. Pourtant, nombreuses sont les équipes à discerner une menace dans ce type de projet. Que feront-elles ensuite ? Auront-elles encore une place dans l’entreprise quand toutes ces applications auront été transférées dans le cloud ?
C’est la raison pour laquelle de nombreux changements importants dépérissent rapidement au niveau de l’encadrement intermédiaire. Un autre de mes confrères DSI, qui travaille pour une société figurant dans le classement Fortune 500, s’est heurté à ce type de problème. Son projet de migration dans le cloud a périclité – les bonnes raisons expliquant pourquoi ce projet n’avançait pas se succédant les unes aux autres. Il s’avère que l’échelle de rémunération des cadres moyens était déterminée par le nombre de collaborateurs devant rapporter à ces cadres, et ces derniers estimaient que la migration vers le cloud aurait certes un effet positif sur les marges de l’entreprise, mais qu’elle aurait dans le même temps un effet personnel néfaste sur leur feuille de paie.
En apportant l’agilité requise aux services informatiques, et en mettant l’accent sur les résultats business, nous ne pouvons ignorer les structures internes vieillottes – jusqu’aux grilles de rémunération – qu’il convient aussi de faire évoluer.
Et la crainte joue ici un rôle important, constituant un frein à l’établissement d’un service informatique agile. Les DSI doivent être patients, former leurs équipes et dépasser la peur. Il faut garder à l’esprit que ce n’est pas uniquement la crainte ou la non-pertinence qui fait avorter l’agilité recherchée. Avoir le temps d’innover et de prendre des risques, dans la perspective de meilleurs résultats business, semble parfait sur le papier, mais que se passe-t-il lorsqu’une idée ne fonctionne pas ? Les personnels informatiques doivent être conscients que l’échec est dans l’ordre des choses, et que les erreurs ne constituent pas un crime capital. Il incombe aux DSI de fournir un filet de sécurité à leurs équipes.
Parvenir à cette agilité n’est pas simple. Ce sera parfois inconfortable, mais cela en vaut la peine. L’agilité que nous introduisons aujourd’hui au sein de nos organisations permettra d’éviter que les services informatiques ne deviennent demain que de simples preneurs d’ordres.
[1] IDC, http://www.lenovo.com/images/products/server/pdfs/whitepapers/IDC%20Whitepaper%20246755.pdf
[2] Forrester, http://www.secureidnews.com/news-item/passwords-the-bane-of-enterprise-security/
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Matthieu de Montvallon est responsable avant-vente de ServiceNow France