Licenciements massifs, recentrage technologique et suppression de la bureaucratie : Intel opère un électrochoc interne pour relancer l’innovation et restaurer sa compétitivité. Et le groupe a besoin de cette refonte musclée à en juger par des résultats Q1 2025 toujours aussi décevants…

Sous la houlette de Lip-Bu Tan depuis cinq semaines, Intel engage un virage brutal. Le nouveau CEO a d’emblée prévenu : « Nous retournons aux fondamentaux en écoutant nos clients et en éliminant la bureaucratie ». Cette promesse se double d’une feuille de route claire : redonner aux ingénieurs le pouvoir de décision et alléger la hiérarchie pour accélérer l’exécution. Tout en se séparant des activités qui ne sont pas au cœur de la philosophie Intel et en supprimant à nouveau des milliers d’emplois.

Et Intel semble avoir besoin d’un tel électrochoc si l’on en croit les résultats de son premier trimestre 2025.

Un premier trimestre contrasté

Pour Q1-2025, le chiffre d’affaires trimestriel stagne à 12,7 milliards de dollars, mais la rentabilité se détériore encore : la marge brute GAAP recule de 4,1 points pour s’établir à 36,9 %, tandis que la perte nette atteint 821 millions de dollars (-0,19 $ par action) s’aggravant de 115% par rapport à Q1-2024.

Le découpage par activités illustre le repositionnement en cours :

* La division Client Computing Group baisse de 8 % (7,6 Md $), reflétant un marché PC toujours hésitant malgré la mort attendue de Windows 10 et la nouvelle ère des Copilot+ PC.

* La division « Data center et IA » progressent de 8 % (4,1 Md $), porté par le lancement des Xeon 6.

* L’activité usines Intel Foundry, regroupant les usines de fabrication de processeurs d’Intel pour ses propres besoins et ceux de tiers, gagne 7 % (4,7 Md $) malgré des investissements toujours aussi lourds en vue de la modernisation des infrastructures pour la génération de gravure en « 18A ».

Intel continue de freiner ses dépenses : R&D et frais généraux chutent de 19 % à 4,8 Md $ en normes GAAP. Le groupe vise désormais des OPEX non-GAAP ramenées à 17 Md $ en 2025 et 16 Md $ en 2026, tout en abaissant son objectif de dépenses d’investissements brutes à 18 Md $ cette année (contre 20 Md $ précédemment).

L’heure n’est pas au Copilot+ PC

Ce qui surprend le plus dans les résultats semestriels, ce sont les ventes décevantes de la dernière génération de processeurs « Core Ultra », celle justement destinée à animer les « Copilot+ PC » par lesquels ne jurent plus que Microsoft.

Les puces « AI PC » Meteor Lake et Lunar Lake peinent à convaincre, tandis que les processeurs Raptor Lake – moins récents et moins coûteux – s’arrachent. La vice-présidente Michelle Johnston Holthaus résume la situation : « Nous constatons une demande bien plus forte pour nos produits N-1 et N-2 ; nos clients cherchent avant tout des prix système que le marché juge acceptables. » Traduction concrète : les OEM privilégient des puces vendues à moindre coût, alors que les modèles dotés de NPU embarqués imposent un surcoût difficile à défendre dans un contexte de tensions macro-économiques et de hausses tarifaires anticipées aux États-Unis.

Intel a même reconnu lors de la présentation de ses résultats du premier trimestre que cette ruée vers les références de génération « Intel Core i11 ou i12 » saturait désormais sa capacité de gravure « Intel 7 », réservée aux anciennes gammes. Résultat : un goulot d’étranglement industriel persistant sur « un nœud » (une finesse de gravure) que la firme pensait rapidement abandonner !

La lettre qui prépare le terrain social

Comme nous l’évoquions la semaine dernière, le groupe a parallèlement confirmé des licenciements massifs. Au lendemain des résultats, Lip-Bu Tan a en effet adressé aux salariés une missive sans ambages. Constatant « des équipes avec parfois huit niveaux hiérarchiques de profondeur », il fixe deux priorités : simplifier l’organisation et relancer l’innovation.
Le dirigeant estime que l’obsession récente pour la taille des équipes a dévoyé la culture de performance : « Les meilleurs leaders accomplissent le plus avec le moins de personnes », affirme-t-il, annonçant des coupes dès le deuxième trimestre.

Aucun chiffre officiel n’est avancé, mais Bloomberg évoquait la semaine dernière jusqu’à 20 % des effectifs (soit 20.000 postes environ), un scénario jugé « inexact » par la direction financière, sans calmer l’inquiétude interne.

Les réductions s’accompagneront d’un retour plus strict sur site : quatre jours par semaine à compter du 1ᵉʳ septembre, avec l’objectif de recréer des « hubs de collaboration ». Tan promet cependant de préserver les compétences clés indispensables aux roadmaps technologiques, dont le nœud 18A censé entrer en production au second semestre 2025 pour la gamme Panther Lake.

Ces annonces dessinent un Intel toujours en transition avec des grands axes prioritaires :

* La priorité à l’IA et au data center avec des Xeon 6 qui affichent un gain de x1,9 sur MLPerf versus la génération précédente, gage d’efficacité pour les charges de travail critiques.

* La poursuite du modèle IDM 2.0 et d’une activité fonderie qui pourrait devenir un fournisseur stratégique, mais dont la profitabilité reste à démontrer.

* Un plan de réduction de coûts massifs susceptible de perturber certains programmes, mais destiné à restaurer l’exécution et à sécuriser la feuille de route technologique.

Lip-Bu Tan parie sur un choc culturel pour redresser le champion historique des semi-conducteurs. Les prochains trimestres diront si cette cure de rigueur et la refonte organisationnelle suffiront à regagner la confiance des clients et à soutenir la montée en puissance des nouvelles offres orientées cloud, edge et IA.

 

À lire également :

Des licenciements massifs attendus chez Intel

Intel cède 51% de sa filiale Altera pour 4,46 milliards de dollars

Intel s’est trouvé un nouveau CEO

Microsoft décline ses « Surface Copilot+ PC » en Intel pour les entreprises

Résultats Q4-2024 : Intel & AMD sur des trajectoires divergentes