Lip-Bu Tan avait quitté le Board d’Intel l’an dernier pour divergence de vision stratégique. Il est finalement rappelé pour devenir le nouveau CEO d’Intel. Avec deux grandes questions : peut-il donner un nouveau souffle d’innovations au créateur de l’architecture x86 et éviter la faillite d’Intel Foundry ?

C’est officiel, Intel a nommé mercredi Lip-Bu Tan au poste de PDG, un choix qui a immédiatement été salué par les investisseurs, faisant bondir l’action de 12% dans les échanges après-bourse. Cette nomination, qui prendra effet le 18 mars, survient trois mois après l’éviction de Pat Gelsinger, dont le plan de redressement coûteux et ambitieux peinait à portée ses fruits.

Un vétéran de l’industrie aux commandes

Âgé de 65 ans, Lip-Bu Tan est un vétéran de l’univers des microprocesseurs et des semi-conducteurs. Né en Malaisie et élevé à Singapour, il a dirigé Cadence Design Systems de 2009 à 2021, transformant l’entreprise de logiciels de conception de puces en un acteur majeur du secteur. Avant cela, il s’était fait connaître comme pionnier du capital-risque asiatique en fondant Walden International en 1987.

« Une des choses que vous apprendrez à mon sujet est que je ne suis jamais découragé par les défis » affime Lip-Bu Tan dans une lettre aux employés d’Intel . « Tout au long de ma carrière, ils m’ont motivé à résoudre des problèmes difficiles. Alors que je me prépare à prendre mes fonctions, je crois que nous avons une opportunité véritablement unique de transformer notre entreprise à l’un des moments les plus décisifs de son histoire. »

Surtout, Tan connaît bien Intel pour en avoir été membre du Board durant de nombreuses années. Il avait quitté le comité d’administration l’été dernier en raison de désaccords sur la stratégie de redressement. Selon des sources anonymes, il était frustré par l’effectif pléthorique de l’entreprise, son approche de la fabrication sous contrat et sa culture bureaucratique et réfractaire au risque.

« Intel est une entreprise que j’admire depuis longtemps, » explique le nouvel élu dans sa lettre. « Ensemble, nous travaillerons dur pour restaurer la position d’Intel en tant que leader international, redorer le blason d’Intel Foundy et émerveiller nos clients comme jamais auparavant. »

Des défis considérables à surmonter

Le nouveau PDG hérite d’une situation difficile. Il est le 5ème CEO de la firme américaine en 7 ans ! C’est dire si le poste est périlleux. Intel traverse la période la plus sombre de son histoire, avec une baisse de revenus de 20% à 63 milliards de dollars, une perte nette de 664 millions de dollars pour le dernier trimestre et surtout une action qui a dégringolé de 60% en 2024 au point de voir Intel sortir du Dow Jones et être remplacée par NVidia !

Tan va devoir relancer l’innovation alors que l’architecture x86 est désormais très fortement concurrencée aussi bien dans l’univers des HPC, des serveurs IA que des PC !

Il va surtout devoir faire des choix forts autour de la division fonderie du groupe qui en plombe les résultats depuis plusieurs années (la division avait enregistré 7 milliards de dollars de pertes en 2023) et dont l’avenir est particulièrement flou face à la toute-puissance de TSMC mais aussi de Samsung.

Selon Reuters, TSMC, le leader mondial de la fabrication de puces, aurait cette semaine approché des concepteurs comme Nvidia, AMD et Broadcom concernant la formation d’une coentreprise (Joint Venture) pour récupérer et exploiter les usines d’Intel Foundry Services.

Ces discussions auraient été encouragées par l’administration Trump, qui a demandé à TSMC d’aider à redresser le fabricant de puces américain en difficulté. Le président américain pousse pour davantage de fabrication nationale, tout en menaçant de supprimer les 52,7 milliards de dollars de subventions prévues par une loi bipartisane de 2022 pour l’industrie des semi-conducteurs et sur lesquels Intel misait pour se refaire une santé.

Pour autant, les marchés ont plutôt accueilli favorablement la nomination de Tan, y voyant une mesure stabilisatrice pour Intel. Et l’action est repartie à la hausse. Pour Frank D. Yeary, président du conseil d’administration d’Intel, « Lip Bu Tan est un leader exceptionnel dont l’expertise dans l’industrie technologique, les relations profondes dans les écosystèmes de produits et de fonderie, et les antécédents prouvés de création de valeur pour les actionnaires sont exactement ce dont Intel a besoin. »

Même si le nouveau CEO va pouvoir s’appuyer sur l’élan de reconquête technologique engagée par son prédécesseur, cette arrivée risque de se transformer en douloureux électro-choc pour les employés d’Intel. Car Lip-Bu Tan ne va pas avoir de temps devant lui et va devoir agir vite et fort pour insuffler une dynamique nouvelle alors que la concurrence galope surfant sur les transformations engagées par l’IA dans l’univers des data-centers, des PC et des    systèmes embarqués.

 

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