IBM présente un nouveau modèle de programmation pour des puces conçues selon une architecture s’inspirant de celle du cerveau : fonctions, faible consommation d’énergie, volume compact.
Certes l’informatique a complètement changé depuis 40 ans et les équipements à notre disposition sont bien différents de ceux dont on pouvait bénéficier dans les années 80. Il suffit de comparer le fonctionnement d’un IBM PC du début des années 80 et d’une tablette connectée à Internet. Et pourtant, les ordinateurs d’aujourd’hui ne sont rien de plus que de grandes machines à traiter des nombres et à manipuler des données, s’étonne IBM dans la présentation de son nouveau projet baptisé SyNAPSE (Systems of Neuromorphic Adaptive Plastic Scalable Electronics). Ils s’inspirent tous de l’architecture présentée par John Von Neumann qui impose une séparation entre la mémoire et l’unité de traitement et fonctionne par des séries de simples boucles « Si X alors Y ». Avec l’arrivée de ce que l’on le big data, des données dans des quantités que l’on ne pouvait même pas imaginer il y a seulement quelques années, cette approche est totalement inadaptée.
La réponse à cette question proposée par IBM a débouché sur la conception de nouvelles puces et d’un nouveau modèle de programmation qui se rapprochent du fonctionnement du cerveau humain. Une quête qui ne date pas d’aujourd’hui mais qui semble avoir fait un pas important. En août 2011, dans le cadre du projet SyNAPSE, IBM présentait une nouvelle architecture basés sur un réseau de « puces organisées comme un réseau de synapses » plaçant les unités de mémoire, de traitement et de communication en étroite proximité. Ces puces sont intégrés dans des ensembles réutilisable et recomposable baptisés « corelets » ayant chacun une fonction particulière dans la création des ces nouvelles applications. Par exemple, un corelet peut intégrer tous les éléments pour être capable de détecter et d’interpréter un son. Le programmeur peut utiliser ce corelet en association avec d’autres qui sont capables de détecter et d’identifier les couleurs pour construire une nouvelle application plus complexe.
Cette technologie devrait permettre de créer une nouvelle génération de réseaux de capteurs intelligents qui imitent les capacités de perception, d’action et d’apprentissage du cerveau. Mais elle ne serait inutile sans être accompagné d’un nouveau modèle de programmation adapté à une nouvelle catégorie d’architectures cognitives distribuées, hautement interconnectées, asynchrones, parallèles et à grande échelle. Les chercheurs d’IBM ont développé des avancées qui s’appliquent à toutes les étapes du cycle de programmation, du design, au développement, à la suppression des bugs et au déploiement.
L’objectif à long terme d’IBM est de construire un système de puces, comprenant 10 milliards de neurones et 100 millions de millions de synapses, qui consommerait à peine un kilowatt et occuperait un volume de moins de 2 litres.
Les systèmes construits à partir de ces puces pourront rassembler des données symboliques, c’est-à-dire du texte fixe ou des informations digitales, mais également des données sous-symboliques, c’est-à-dire sensorielles et dont la valeur change continuellement.
L’œil humain, par exemple, est capable de traiter plus d’un téraoctet de données par jour. En imitant le cortex visuel avec une paire de lunettes légères, de faible puissance, capables, grâce à des capteurs vidéos et auditifs intégrés, de collecter et d’analyser des flux de données visuelles, il sera possible d’aider des personnes malvoyantes. Les capteurs rassembleront et interpréteront de grands volumes de données afin de signaler combien d’individus se trouvent devant l’utilisateur, la distance avant un virage, le nombre de véhicules présents à une intersection ou la longueur d’un passage piéton. Comme un chien-guide, les données sous symboliques récoltées et analysées par les lunettes pourront par exemple indiquer via des écouteurs audio le chemin le plus prudent pour traverser une pièce ou un autre environnement.
Ces futures puces neurosynatiques seront complémentaires des systèmes cognitifs tels que Watson dans une organisation de type cerveau gauche et cerveau droit. Watson, reproduisant les fonctions du premier en s’intéressant au langage et à la pensée analytique, et les nouvelles puces se concentrant sur les questions de reconnaissance de formes, de schémas, de lois, de modèles… A terme, les chercheurs d’IBM espèrent regrouper les deux fonctions pour créer un nouveau système d’intelligence holistique.
Ce programme de recherche initié par la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) a bénéficié d’un financement de 53 M$ et associe IBM, l’université Cornell et iniLabs Ltd. Le titre d’un article sur le projet SyNAPSE publié dans l’U.S. Naval Institute News « Opinion : Thinking Weapons Are Closer that We Think » laisse envisager les applications militaires possibles de ce programme de recherche.