Les entreprises françaises sont trop orientées vers les technologies et pêchent au niveau de la connaissance des besoins des clients, de la mise en place de processus et de culture de l’innovation.La culture de l’innovation dans les entreprises en France se caractérise par un modèle d’innovation dominant dite Technology Driver [1]. Dans ce modèle, les entreprises se caractérisent par une volonté de pousser leurs technologies sur les marchés, cependant aussi avec le risque inhérent d’un manque d’adéquation entre leurs choix technologiques et les besoins du marché. Il apparait donc nécessaire de contrebalancer ceci avec le développement d’une innovation beaucoup plus orientée vers les besoins clients Need Seekers. C’est toujours une des faiblesses du modèle français rappelle le rapport « L’innovation dans les entreprises en France » que vient de Publier le cabinet Booz & Company [2] et qui donne un éclairage complémentaire et hexagonal du Global Innovation 1000.

« L’innovation est donc bien sortie du petit cercle des experts : elle est devenue un vrai sujet politique ! déclarait Fleur Pellerin, Ministre en charge des PME, de l’innovation et de l’économie numérique au rendez-vous des écosystèmes de l’innovation. L’innovation est un « mot-valise », qui est mis à toutes les sauces, qui est souvent instrumentalisé, en particulier quand il s’agit d’obtenir des crédits publics, a mis en garde la Ministre rappelant qu’il faut sortir de la confusion permanente entre l’innovation et la R&D ».

Certes, mais l’innovation s’appuie sur le terreau de la R&D. Sur ce point, la France se situe dans une médiocre moyenne : En 6e position des 10 plus grandes économies de l’OCDE avec 2,2% du PIB et à la 8e place en nombre de chercheurs (3800 pour 1 million d’habitants).

Aujourd’hui, 45 entreprises figurent dans le classement Innovation 1000 en intensité de R&D avec une présence faible dans les domaines informatique, Internet et réseaux. A noter la présence d’Ubisoft et de Gameloft qui rappelle la forte présence dans le domaine du jeu numérique.

L’Etat en France a une part relativement plus importante que dans d’autres pays dans l’exécution de la R&D, avec une forte concentration sur l’amont de la chaîne de l’innovation. Au global, le développement expérimental – en vue de lancer de nouveaux produits, d’installer de nouveaux processus ou d’améliorer les produits existants [3] – reçoit une plus faible proportion des investissements de R&D en France [4]. Là encore, cette constatation n’est pas nouvelle mais elle perdure. Le rapport note la faible traduction de note R&D au niveau du PIB et ponctue que « l’enjeu pour la France réside dans une meilleure conversion du capital intellectuel et de l’investissement R&D dans des produits qui génèrent de la croissance ».

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Mais plus n’est pas toujours synonyme de mieux. « Il n’y a aucun lien visible entre les niveaux de dépenses R&D et la plupart des indicateurs de performance de l’entreprise, poursuit le rapport. C’est donc la qualité des processus d’innovation des organisations et la façon dont les projets sont menés qui comptent pour mieux valoriser la dépense R&D ».

Penser que l’innovation relève de la génération spontanée relève d’une erreur relativement partagée. Pour se développer, elle nécessite une culture adaptée au sein même des entreprises et un accompagnement et une gestion rigoureuse qui manque en général. De ce point de vue, le rapport mentionne les faiblesses suivantes :

– Manque de veille de marché (ou de veille permanente de marché) ;
– Manque de suivi des initiatives et des projets ;
– Business plans peu rigoureux ;
– Priorisation arbitraire des projets (où l’intuitu personae prime parfois sur la rigueur) ;
– Prises de décision / responsabilités opaques ;
– Fonctionnements par réseau en interne.

A l’inverse, il propose quelques  éléments qui seraient de nature à favoriser l’innovation dans les entreprises, à savoir :

– Implication forte de l’équipe de direction afin de pousser l’innovation dans toutes les composantes de l’organisation ;
– Valorisation des initiatives à succès ;
– Mise en place d’objectifs d’innovation quantifiés ;
– Mise en place d’une cellule dédiée à la promotion de l’innovation ;
– Formations d’une partie des collaborateurs à l’innovation (ex : gestion du portefeuille de projets d’innovation, gestion de la propriété intellectuelle, ateliers de créativité, création de business plan, et marketing de projets en interne, etc…).

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[1] “The Customer Connection: The Global Innovation 1000”, Barry Jaruzelski, Kevin Dehoff, Booz & Company, 2007

[2] Méthodologie
Booz & Company Paris, en collaboration avec l’ENPC MBA Paris, a complété l’Étude Global Innovation 1000, par une étude spécifique sur l’innovation en France. Cette étude sur les entreprises françaises (par le lieu de leur siège social) est basée sur une série de 16 entretiens avec des responsables de l’innovation auprès de grandes entreprises françaises et au sein des pouvoirs publics, complétée par une enquête en ligne mondiale réalisée chaque année, qui ont permis de recueillir la vision de ces intervenants sur « l’innovation à la française ».

[3] Selon la conception désormais admise, l’innovation est portée par une entreprise, elle se traduit par un nouveau produit ou un service qui satisfait un besoin et trouve un marché : ce n’est pas la production de connaissances ou de technologies.

[4] Recherche fondamentale: Travaux entrepris soit par pur intérêt scientifique, soit pour apporter une contribution théorique à la résolution de problèmes techniques
Recherche appliquée: Vise à discerner les applications possibles des résultats d’une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles pour atteindre un objectif déterminé choisi à l’avance
Développement expérimental: Est effectué – au moyen de prototypes ou d’installations pilotes – en vue de lancer de nouveaux produits, d’établir de nouveaux procédés ou d’améliorer substantiellement ceux qui existent déjà