Le nouveau rapport « Suites collaboratives : valeur d’usage et alternatives » du Cigref rappelle qu’il existe des alternatives aux solutions SaaS américaines que sont Office 365 et Google Workspace (ex-G-Suite). Elles reposent sur des approches modulaires.

Le Cigref, depuis très longtemps déjà, s’élève très régulièrement contre les pratiques des grands éditeurs américains, se montre plus que frileux face aux approches SaaS (Software as a Service) considérées comme une forme de piège (tout du moins dans sa pratique par les GAFAM), et prône des approches européennes souveraines basées sur l’open source.

Son nouveau rapport sur les suites collaboratives et leur valeur d’usage remet une nouvelle fois ces thèmes au cœur du débat. Les grands messages du Cigref y sont répétés comme une litanie et le rapport est en quelque sorte sans surprise (ce n’est d’ailleurs pas son objectif). Sa lecture est néanmoins fortement conseillée, car le travail du Cigref reste ici objectif, ancré dans les réalités du moment (qui, avec la pandémie, ont profondément transformé l’impact du collaboratif) et riche de nombreux témoignages.

On en retiendra notamment une grille assez pratique de ce que l’on entend aujourd’hui par « suite collaborative » et des fonctionnalités que le terme recouvre. Les suites comme Office 365 et Google Workspace tendent à cocher toutes les cases. Mais pour le Cigref, toutes les entreprises n’ont pas nécessairement besoin de cocher toutes les cases. La valeur de chacune de ces fonctionnalités dépend de l’entreprise, de son profil et de sa culture.


Si les solutions open source tendent à ne couvrir que certaines des fonctionnalités exposées ci-dessus, elles peuvent couvrir l’intégralité du périmètre d’usages de certaines entreprises ou peuvent être combinées intelligemment pour couvrir les différents besoins.

Fidèle à sa logique, le Cigref rebondit sur ces aspects pour enfoncer un clou sur lequel il a souvent déjà joué du marteau ces dernières années : « Presque trois quarts des entreprises participant au groupe de travail estiment que le taux d’usage des fonctionnalités offertes par leurs suites collaboratives ne dépasse pas 50% ». Ce qui forcément impacte la valeur d’usage.
L’argument peut sembler très pertinent mais n’en demeure pas moins contestable. D’abord parce que la question n’est pas très scientifique et s’appuie sur le ressenti des personnes interrogées. Ensuite parce que chaque utilisateur exploite des fonctionnalités différentes en fonction de son métier (au sein même de l’entreprise), de ses projets du moment, de son rôle dans les équipes. Et que ces besoins ne cessent d’évoluer dans le temps et en fonction des contextes.

Le rapport redevient heureusement plus instructif et utile lorsqu’il aborde le fond du débat (et sa raison d’être) : une troisième voie est-elle possible ?

Selon les rapporteurs, « pour aller vers des alternatives, il faut regarder l’état du marché en termes de maturité. O365, et Google Workspace sont les seuls acteurs qui couvrent l’ensemble des briques d’une suite collaborative. Au-delà, Microsoft est le seul à travailler à des infrastructures adaptées aux entreprises, ce qui n’est pas aussi prégnant chez Google ou n’importe quel autre acteur du marché. Cependant, malgré le fait que la couverture fonctionnelle est largement suffisante chez les deux acteurs, les organisations s’orientent de plus en plus vers des surcouches ou des applications parallèles alternatives, même si elles sont moins matures et qu’elles nécessitent des développements. »

Par ailleurs, si le Cigref présente les témoignages (très instructifs pour les DSI) de plusieurs organisations qui se sont lancées sur des projets collaboratifs open source, il reconnaît aussi que pour la plupart des entreprises, le déploiement massif de suites collaboratives open source n’est pas envisageable. « Une approche modulaire semble plus réaliste et pertinente. En effet, même si le cœur principal de l’environnement de travail est sous Office 365, certains retours d’expérience témoignent d’une stratégie d’approche modulaire entre O365 et l’open source. En recherchant dans des niches spécifiques des solutions open source pertinentes et adaptées aux besoins, ces entreprises parviennent ainsi à s’affranchir, pour certains domaines spécifiques et parfois sensibles, de la dépendance vis-à-vis des grands fournisseurs ».

La plateformisation des solutions collaboratives (chez Microsoft et Google mais aussi partout dans l’univers open source) facilite bien évidemment ces approches modulaires. Même s’il est tout à fait possible de concevoir sa stratégie collaborative intégralement en open source (et le Cigref liste les avantages et risques d’une telle approche), dans les faits de plus en plus d’entreprises jouent la carte de personnaliser et compléter Office 365 avec des solutions open-source pour soit répondre à des besoins très précis, soit petit à petit se libérer de l’emprise technologique de Microsoft.

En ce sens, le rapport publie un tableau u paysage des solutions collaboratives alternatives (mais pas nécessairement open source) en fonction de leurs composants. Avec cette idée que les entreprises ont tout à gagner à jouer sur la plateformisation et l’assemblage de composant les plus adaptés à leurs besoins ou leurs domaines d’activité. Seul regret, ce tableau est bien loin d’être exhaustif et il y manque des acteurs majeurs comme eXo Platform, LumApps, Twake, Dropbox, Box, Pydio, etc.

Et de conclure « les suites collaboratives sont une voie privilégiée pour développer des approches modulaires entre des composants open source et les offres packagées des grands éditeurs. Ce rapport montre de nombreux avantages à franchir le pas vers l’open source, à moderniser l’IT et à diversifier ses approches. Les bénéfices s’expriment tant en termes d’attraction des talents, de développement des compétences internes que de culture d’entreprise. ». Et l’on ne peut qu’être d’accord.


Source : Suites collaboratives : Valeur d’usage et alternatives