Internet associé à l’intelligence artificielle et la robotisation sont autant de technologies qui viennent bouleverser notre relation au handicap et constituent de formidables opportunités pour créer une société plus inclusive et donc plus juste mais aussi plus riche des différences de chacun.

Il n’y a pas que les entreprises qui connaissent une profonde et nécessaire transformation numérique. L’état et ses services également. Et cette transformation numérique ne doit laisser personne au bord du chemin. Elle doit embarquer toute la société française.

« Le numérique ne sera vraiment responsable et éthique qu’à la condition que nos sociétés se donnent pour objectif de mettre ces innovations technologiques au service de tous », rappelle Salwa Toko présidente du Conseil national du numérique dans son introduction.

L’accessibilité numérique concerne aujourd’hui dans le monde plus de 600 millions de personnes de tous âges, en situation de handicap.
En Europe ce sont près de 100 millions de personnes, dont 9,6 millions en France !
En outre, 14 millions de personnes sont éloignées du numérique parmi la population française, soit 28 %.
Et 15 % de la population française rencontre des difficultés avec les nouvelles technologies.

Le nouveau rapport remis cette semaine au gouvernement traite de l’accessibilité numérique dans trois secteurs clés, particulièrement concernés par la transformation numérique : l’accès à la citoyenneté, à la culture et au savoir. Et sur ces trois points clés, il formule quelques recommandations.

L’accessibilité à la citoyenneté numérique

Dans le domaine de l’accès à la citoyenneté, les rapporteurs constatent que malheureusement « l’accessibilité numérique demeure l’exception et non la norme ». Dès lors – dans le contexte de totale dématérialisation de l’administration aujourd’hui recherché – les conséquences sont considérables pour l’accès aux droits des personnes en situation de handicap.
Pour améliorer cette situation, le Conseil national du numérique propose trois axes de recommandations :
Rationaliser le pilotage de l’accessibilité numérique des services publics par la création d’une Délégation Ministérielle de l’Accessibilité Numérique (DMAN) qui assurera le suivi et la mise en oeuvre des obligations d’accessibilité, à travers un pouvoir de sanction sur autosaisine ou sur plaintes d’usagers ;
Responsabiliser les acteurs de l’administration, par exemple par la désignation d’un délégué à l’accessibilité numérique ;
Renforcer les droits des usagers vis-à-vis de l’administration, par la mise en place d’une plateforme en ligne de signalement auprès de la Délégation ministérielle de l’accessibilité numérique (DMAN), qui sera chargée du traitement et de la centralisation des plaintes.

L’accessibilité à la culture numérique

Pour le Conseil, la transformation numérique du secteur culturel n’a clairement pas suffisamment pris en compte les exigences d’accessibilité. Pour remédier à la situation, il propose trois axes d’action :
Améliorer le pilotage de l’accessibilité numérique des contenus audiovisuels en confiant à l’ARCOM le soin de réguler l’accessibilité des sites des services de télévision et médias audiovisuels et non pas seulement des contenus audiovisuels, voire les opérateurs de communications électroniques qui fournissent les infrastructures et réseaux ;
Responsabiliser les acteurs de la chaîne de valeur des contenus audiovisuels à travers une harmonisation du régime d’accessibilité avec les acteurs publics, et incluant les plateformes de partage de vidéo sous certaines conditions ;
Encourager l’interopérabilité des contenus audiovisuels accessibles.

L’accessibilité au savoir numérique

S’agissant de l’accès aux savoirs, le Conseil constate d’évidents problèmes d’inaccessibilité concernent à la fois les ressources pédagogiques numériques et les plateformes qui permettent d’y accéder. Le Conseil national du numérique propose de :
Améliorer la production de ressources pédagogiques numériques accessibles et adaptées en créant une agence de l’accessibilité et de l’adaptation du livre numérique, afin de piloter la production de livres numériques accessibles et adaptés ;
Améliorer l’accessibilité des plateformes pédagogiques (qui la plupart du temps ne prennent jamais en compte le handicap) : mettre en oeuvre l’obligation d’accessibilité des environnements numériques de travail ;
Développer les compétences d’adaptation et de mise en accessibilité des ressources pédagogiques numériques dans l’Éducation nationale et l’Enseignement supérieur.

Agir, former et sensibiliser

« Pour les personnes en situation de handicap, le numérique est une formidable opportunité d’accès aux services publics, aux savoirs, et à la culture. Toutefois, cette opportunité restera vaine tant que nous ne ferons pas un effort collectif pour rendre le numérique accessible » rappelle Salwa Toko.

Le Conseil formule d’ailleurs d’autres recommandations plus générales et transversales. Pour lui, il est ainsi urgent de sensibiliser les professionnels du numérique à la réglementation en matière d’accessibilité numérique. Le Conseil propose la création d’un MOOC de sensibilisation à la réglementation en matière d’accessibilité numérique (un peu comme la CNIL en propose sur le RGPD et l’ANSSI sur la cybersécurité). Le Conseil suggère également d’intégrer l’accessibilité numérique dans la formation initiale et continue des professionnels du numérique notamment en inscrivant la compétence accessibilité numérique dans les référentiels de formation qui « fixent les compétences à acquérir pour qu’un organisme puisse délivrer un diplôme  d’État ». Enfin, il souhaite une restructuration de la filière des métiers de l’accessibilité numérique.  Ainsi, il veut inscrire l’accessibilité numérique au Répertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP).

Le Conseil national du numérique souligne que l’accessibilité peut à la fois booster l’économie numérique française et européenne de façon durable (à travers la création d’emplois liés à l’accessibilité numérique, mais également la recherche et le financement de projets) et contribuer à véhiculer la culture d’un numérique responsable dans la société.

Pour lui, il est aujourd’hui fondamental d’encourager le développement de startups centrées sur l’accessibilité numérique et de financer des projets d’accessibilité numérique fondés sur l’intelligence artificielle. Car l’IA est une formidable révolution pour masquer les différences et faciliter l’inclusivité.

Comme le rappelle Cédric O, secrétaire d’État chargé du numérique, « le numérique doit être une chance pour tous en offrant notamment de nouvelles opportunités aux personnes en situation de handicap. Par l’innovation, notamment en matière d’intelligence artificielle, par le soutien à nos start-up, nous avons la possibilité d’œuvrer pour permettre à nos concitoyens d’avoir accès à tous les services. »

Et le rapport du Conseil National du Numérique donne des pistes claires qu’il faudrait désormais suivre sans tarder…