Bouleversements dans les classements GREEN500 et TOP500 ! La course à a puissance s’accompagne également désormais d’une course à l’économie énergétique. Il faut être puissant et vert. Le japon prend la tête des deux classements mais avec des machines bien différentes.

La publication, la semaine dernière, du nouveau classement TOP500.org, des 500 supercalculateurs les plus puissants de la planète Terre a déjà fait couler beaucoup d’encre. D’abord, parce que l’ordinateur le plus puissant au monde n’est plus américain mais Japonais. Ensuite, parce qu’il est animé non pas par des architectures Power ou x86 comme cela a souvent été le cas ces dernières années, mais par une architecture qui a fait ses lettres de noblesse sur les smartphones : ARM. Un monstre de puissance qui n’offre pourtant pas le meilleur rapport performance/consommation énergétique. Mais le nouveau monstre japonais soulève une autre question : le japon est-il le premier pays à être entré dans l’ère de l’exascale ?

Le Top 5 du TOP500

Le Fugaku explose les records

Le nouveau supercalculateur du Riken Center for Computational Science, situé à Kobe au Japon, prend la tête du nouveau classement TOP500. Il surpasse largement le Summit d’IBM qui trônait en tête du classement depuis plus d’un an avec des performances multipliées par 2,8. Affichant une puissance pratique de 415,5 pétaflops, le Fugaku est animé par 158 976 processeurs Fujitsu A64FX (dont 152 064 dédiés au calcul), des processeurs à architecture 64 bits ARMv8-2 disposant de 48 cœurs (plus 4 nœuds dédiés aux activités de l’OS) cadencés à 2 GHZ (avec un boost à 2,2 GHz). Gravé en 7nm, ce processeur marque l’abandon du SPARC64 par Fujitsu. Pour rappel, l’architecture ARMv8-2 a été la première à incorporer des instructions SVE (Scalable Vector Extension).

Le processeur A64FX de Fujitsu

L’architecture de la machine est assez originale : chaque nœud contient 1 processeur et 1 nœud sur 16 est un nœud « Compute & Storage I/O Node » et dispose d’un SSD de 1,6 To. Les autres nœuds ne réalisent que du calcul (Compute Node). Les nœuds sont interconnectés au travers de la technologie TofuD « 6D mesh/torus » de Fujitsu offrant 2 voies de 28 Gbps. Mais le plus intéressant est le design ultra dense de chaque rack. Pour atteindre 1 pétaflops sur l’ancien supercalculateur K Computer de Fujitsu, il fallait utiliser 80 Racks pour un total de 8 160 nœuds (pour un encombrement de 128 m2). Sur le Fugaku, le pétaflops est atteint avec un seul rack de 384 nœuds (donc sur un encombrement de 1,1 m2).

Chaque lame (blade) contient 2 nœuds de calcul. Les lames sont assemblées en BoB (Bunch of Blades) contenant 8 lames (donc 16 nœuds). Les BoB sont regroupés en tiroirs (Shelf) de 3 BoBs. Un rack peut accueillir au final 8 tiroirs donc 384 nœuds. Le Fugaku se compose de plus de 410 racks.

Le stockage est géré par Fujitsu FEFS, un système de fichier distribué, pour une capacité globale de 150 Po. L’ensemble de la machine est animé Red Hat Enterprise Linux avec support de l’API de calcul parallèle OpenMP. Elle se programme en Fortran 2008/2018 (compilateur Fujitsu), en C++ et en Java mais également en Python par le truchement des bibliothèques scientifiques NumPy et SciPy (adaptées par Fujitsu pour le Fugaku)

Zoom sur quelques racks parmi les 410 du Fugaku

Alors Exaflops ou pas ?

Selon TOP500.org, le Fugaku offre une puissance nominale (Rmax) de 415 530 TeraFlops (soit 415 PetaFlops) et une puissance « Rpeak » de 513 PetaFlops. Mais cette puissance est calculée avec une précision de 64 bits en virgule flottante. Or, la machine peut réaliser des calculs en virgule flottante en 32 bits et 16 bits avec une moindre précision. Ce qui permet aux rapporteurs du TOP500 de signaler dans leur introduction que « la performance maximale du Fugaku dépasse les 1 000 pétaflops (soit 1 exaflops) » faisant ainsi officiellement entrer l’informatique dans l’ère de l’exascale !

Le Fugaku du RIKEN Center construit par Fujitsu

À la course à la puissance, le Japon est donc en quelque sorte la première puissance à disposer d’un ordinateur exaflopique même si on peut considérer que le premier ordinateur exaflopique (pas selon les critères de précision TOP500 mais selon la définition « ordinateur capable de réaliser plus d’un milliard de milliards d’opérations en virgule flottante par seconde ») était en réalité international puisque la machine distribuée ‘Folding@Home’ a dépassé l’exaflops théorique en avril dernier, en pleine pandémie.

Les premiers ordinateurs à afficher un « Rmax » de 1 exaflops (selon les barèmes du Top500, donc avec une précision de 64 bits en virgule flottante) devraient être américains avec la mise en œuvre du Aurora du Laboratoire National d’Argone (à Chicago) en 2021 et du Frontier de l’ Oak Ridge National Laboratory (actuel propriétaire du Summit). À moins que les Chinois ne créent la surprise en mettant en route d’ici là le nouveau monstre du National University of Defense Technology sur le campus de Changsha ou le Sunway Taihu-Light du National Research Center of Parallel Computer Engineering and Technology de Wuxi, tous deux actuellement en construction.

Le Japon aussi à l’honneur du Green500

L’organisme du TOP500 ne se contente pas de regarder la seule puissance brute des supercalculateurs. Il s’intéresse également à leur consommation énergétique et publie un classement des supercalculateurs les plus efficients en termes énergétiques. Un nouveau record vient ainsi d’être établi par deux ordinateurs qui ont franchi pour la première fois les 20 Gigaflops par Watt !

Le premier est là aussi japonais ! Il s’agit du très modeste MN-3 construit par Preferred Networks. Ce supercalculateur avec ses 1 621 TFlop/s ne figure cependant qu’à la 393 ème place du classement TOP500. Mais il est plus efficient au monde avec ses 21,1 GFlops par Watt. Et surprise, cet ordinateur n’est nullement animé par des processeurs ARM mais par des processeurs Intel Xeon 8260M.

En revanche l’efficience du nouveau supercalculateur américain Selene (de NVidia) est autrement plus spectaculaire. Le monstre est en effet classé 7ème du TOP 500 avec 27 580 TFlop/s ! Pour une performance de 20,5 GFlops par Watt. Il est animé par des processeurs AMD EPYC 7742 secondés de GPU NVIDIA A100.

Le TOP 5 du Green500, le classement des supercalculateurs selon leur efficience énergétique

Quant au Fugaku, il s’affiche en 9ème position du Green 500 avec ses 14,6 GFlops/watts juste derrière le Summit (8ème avec 15,5 GFlops/watts).


Source : Top500.org