Anticipée depuis plusieurs années, l’adoption par Apple de ses processeurs ARM sur ses Mac est logique. Cela un camouflet pour Intel qui n’a pas su se montrer compétitif mais aussi pour Microsoft dont le « Windows 10 on ARM » souffre de nombreux défauts qu’Apple semble avoir su éviter.

Vous le savez sans doute, les iPhones et iPads sont depuis toujours animés par des processeurs « Apple Silicon » basés sur l’architecture ARM que la marque à la pomme a personnalisés et n’a cessé de faire évoluer au fil des années (la dernière itération en date étant le « A12z Bionic »). À force de voir Apple vanter les performances de ses processeurs « maison » et les comparer aux Intel Core i5, tout le monde se doutait bien qu’un jour ou l’autre la marque finirait par être tentée de les adopter sur ses Mac.

Changer d’architecture de processeurs n’est pas une mince affaire : il faut réécrire le système d’exploitation, les logiciels existants deviennent incompatibles, il faut réécrire les pilotes de périphériques, et l’expérience utilisateur doit souvent être recalibrée pour tenir compte des faiblesses et des qualités de la nouvelle architecture.

L’heure de la révolution a sonné

Preuve en est Microsoft et sa tentative d’imposer Windows sur les processeurs ARM avec ses « Always On PC » et son « Windows 10 on ARM ». La Surface Pro X en est l’illustration, l’expérience utilisateur est décevante parce que le passage sur ARM a des conséquences très perturbantes pour les utilisateurs qui ne sont pas des Geeks. En effet, les logiciels Windows x86 bénéficient d’une émulation qui leur permet de tourner sur ces appareils ARM mais les performances sont vraiment décevantes et cette émulation est limitée aux seuls logiciels 32 bits et non aux versions 64 bits désormais plus répandues. Seuls les logiciels vraiment recompilés pour ARM offrent des performances satisfaisantes, mais les développeurs sont peu enclins à cet effort, le marché étant trop restreint. Enfin, tous les utilisateurs qui adoptent une Surface Pro X sont confrontés à des problèmes d’incompatibilités avec leurs anciennes imprimantes ou scanner par exemple, les pilotes écrits en ARM étant peu nombreux et les pilotes Intel étant incompatibles. Enfin, les jeux sont quasi inutilisables sur Surface Pro X, s’ils n’ont pas été compilés en ARM. Le bénéfice « autonomie » des processeurs ARM ne justifie donc pas que les utilisateurs soient confrontés à tant de limitations techniques.

Changer d’architecture de processeurs revient à mener une véritable révolution. Mais Apple a déjà connu une telle révolution. Souvenez-vous, en 2005, Steve Jobs annonçait que les Mac allaient abandonner l’architecture PowerPC pour basculer dans l’univers Intel. Quinze ans plus tard, il est temps pour Apple de réinventer à nouveau le Mac et macOS !

Apple sort le grand jeu

Maîtriser ainsi tout de A à Z, du processeur au design des machines en passant par le système d’exploitation, permet à Apple de s’affranchir totalement des rythmes d’évolution d’Intel et AMD aussi bien côté CPU que GPU. C’est un atout certain. Cela permet aussi à la marque d’intégrer au cœur de ses propres processeurs toutes les technologies dont elle pourrait avoir besoin afin de fluidifier la transition du monde Intel au monde ARM.

Pour permettre une transition sans accrocs aux utilisateurs macOS, Apple a annoncé toute une stratégie apparemment murie de longue date. Là où Microsoft a passé plusieurs années à tâtonner et prendre les utilisateurs Windows, 10 ont ARM pour des bêta-testeurs, Apple arrive avec une vision complète et aboutie. La transition prendra deux ans mais la première machine Mac « ARM » – ou plutôt « Apple Silicon » – arrivera dès cette année. Dès la semaine prochaine, les développeurs pourront acquérir un « kit de transition » comprenant un mac mini à base de processeur « A12z » et une préversion de macOS version ARM. Apple a également annoncé Rosetta 2 (un émulateur Intel sur ARM) et un ensemble de nouveaux frameworks.

Trois nouveautés attirent particulièrement l’attention :

Les logiciels Intel pourront s’installer sur les appareils ARM grâce à une transformation automatique des binaires réalisée à leur installation pour un impact minimal sur les performances. Rosetta 2 assure le fonctionnement de l’installateur version Intel et la conversion des binaires.

macOS sera capable de directement exécuter apps et jeux des iPhones et des iPads, amplifiant soudainement le nombre de jeux disponibles sur les ordinateurs Apple.

Le support de la virtualisation avec la possibilité d’exécuter les distributions ARM de Linux.

Exit donc bootcamp et le support de Windows sur les prochains Mac!

Nouveau processeur, nouvel OS

L’arrivée des processeurs « Apple Silicon » au cœur des Mac s’accompagne évidemment d’une nouvelle version de macOS dénommée « Big Sur » et qui présente un nouveau look (en partie inspiré du Fluent Design de Microsoft), un nouveau Dock et un nouveau centre de notifications, un centre de contrôle (un nouvel outil pour accéder plus rapidement à tous les paramètres du système), et des améliorations ergonomiques importantes notamment sur Messages et sur Safari. Évidemment la refonte du système n’est pas qu’ergonomique. Elle est surtout sur les couches basses du système. Un saut important qui se traduit par un saut de numérotation majeur : macOS passe en version 11.0, une première depuis 15 ans (où macOS a décliné les versions 10.xx).

De façon très étonnante, Apple n’est pas vraiment entré dans les avantages que ce passage sur ses propres processeurs allait procurer aux utilisateurs si ce n’est le support des apps et jeux iPad. Silence radio notamment sur les gains en matière d’autonomie et sur les impacts de performance sur les applications professionnelles 3D. Il faudra attendre pour ça l’annonce de la première machine. Mais c’est bien là le cœur du sujet. La transition ARM ne se justifie vraiment que si les gains pour les utilisateurs sont évidents. Ce que Microsoft n’a pas sû faire avec Surface Pro X et son Windows 10 on ARM.

Reste que cette annonce est évidemment une très mauvaise nouvelle pour Intel qui perd là un de ses gros clients. Et ce n’est pas vraiment le lancement récent du Lakefield qui fera regretter à Apple sa décision. C’est aussi une mauvaise nouvelle pour AMD qui fournissait les GPU même si la marque à la pomme conservera peut-être des GPU externes pour certaines de ses machines haut de gamme. Et c’est une leçon pour Microsoft qui va devoir trouver les moyens d’affranchir rapidement (d’ici fin 2021) « Windows on ARM » de ses limitations actuelles pour ne pas paraître totalement ridicule et techniquement dépassé.