Les compteurs communicants Linky : tirer pour les consommateurs tous les bénéfices d’un investissement coûteux

Une modernisation utile des compteurs électriques

Le dispositif de comptage de l’électricité pour les particuliers et les professionnels alimentés en basse tension n’est plus adapté. Il nécessite en effet une « relève à pied » et ne permet pas de compter la consommation sur un nombre suffisant de plages horaires, ce qui limite les offres commerciales des fournisseurs et ainsi la concurrence.

Les pouvoirs publics ont donc pris la décision en 2014, après une expérimentation avec près de 300 000 consommateurs, de remplacer d’ici 2024 les 39 millions de compteurs électriques par de nouveaux compteurs. Ces compteurs, capables d’émettre et de recevoir des informations, peuvent être relevés à distance et permettent un comptage de la consommation sur un nombre important de plages horaires distinctes.

Enedis (ex-ERDF, filiale à 100 % d’EDF) a la charge d’installer, pour sa zone de desserte qui couvre 95 % des consommateurs, les compteurs appelés « Linky ».

Les communications se font entre les compteurs et les concentrateurs par le réseau électrique (technologie des courants porteurs en ligne) et entre les concentrateurs et le système d’information central par les réseaux de téléphonie mobile.

Un dispositif coûteux pour le consommateur mais avantageux pour Enedis

Ce nouveau dispositif représente, au total pour Enedis et les autres distributeurs, un investissement de près de 5,7 Md€ courants, soit environ 130 € par compteur installé. Il est, in fine, payé par le consommateur puisque tout investissement en matière de réseau de distribution et de transport est pris en compte dans le calcul de la redevance d’acheminement comprise dans le montant de la facture d’électricité du consommateur.

Mais s’il respecte ses objectifs de délais et de performance, Enedis bénéficiera en plus de la prise en charge de l’investissement d’un bonus annuel de 2 % environ de la valeur des actifs. Par ailleurs, la facturation aux consommateurs du surcoût résultant de l’investissement Linky sera différée, en attendant que les économies rendues possibles par le nouveau système bénéficient à l’ensemble des acteurs. Ce préfinancement par Enedis du système jusqu’en 2021 lui est aussi très favorable car, ayant emprunté à un faible taux, il bénéficiera, au titre de l’avance qu’il a effectuée, d’une marge de l’ordre de 500 M€.

Mettre le consommateur au centre du dispositif

Le déploiement du nouveau système fait l’objet de diverses oppositions avançant des risques sanitaires, en raison de l’émission d’ondes électromagnétiques, et des risques relatifs à la protection de la vie privée, du fait de la centralisation des données individuelles détaillées de consommation. Pourtant, les organismes compétents, la CNIL et l’Anses, assurent que ces risques sont maîtrisés. La communication sur ces deux sujets a donc probablement été insuffisante.

La vocation de ce dispositif est de profiter à l’ensemble des acteurs que sont principalement Enedis, les fournisseurs et les consommateurs. Si pour les premiers, les avantages sont immédiats en matière d’administration à distance, il n’en est pas de même pour les consommateurs.

En effet, les bénéfices que les consommateurs pourront tirer du nouveau dispositif seront notamment la conséquence de la meilleure maîtrise de leur demande d’énergie. Celle-ci est rendue possible par une connaissance plus détaillée de leur consommation électrique. Mais cette connaissance nécessite soit des équipements supplémentaires pour afficher la consommation sur un écran plus accessible que le compteur électrique (afficheur déporté), soit la généralisation d’applications internet. La diffusion de ces moyens est cependant très insuffisante, notamment parce que les afficheurs déportés ne sont installés systématiquement que pour un nombre réduit d’usagers (les consommateurs précaires).

Il convient donc de développer les actions de maîtrise de la demande d’énergie, et notamment de la demande de pointe, et de permettre le développement de la concurrence entre fournisseurs d’électricité pour que les usagers tirent tous les bénéfices des compteurs communicants


Recommandations

La Cour formule les recommandations et orientations suivantes :

(CRE) : faire évoluer le dispositif de différé tarifaire pour en réduire le coût pour le consommateur ;

(CRE) : faire évoluer la régulation incitative pour réduire la rémunération maximale dont pourrait bénéficier Enedis ;

(État) : mettre en place un véritable pilotage du programme portant sur toutes ses composantes, et notamment la maîtrise de la demande d’énergie ;

(Enedis) : définir un plan d’actions pour valoriser toutes les potentialités du programme Linky.