La gestion des amendes de circulation : une dématérialisation achevée, des insuffisances à surmonter

Dans un contexte de résultats décevants depuis 2014 en termes de réduction du nombre de personnes tuées sur les routes, les plans gouvernementaux ont prévu, en 2015, un renforcement des dispositifs de verbalisation des infractions notamment par radar. La gestion des amendes participe ainsi à la politique de sécurité routière, au côté de mesures de prévention ou d’information. Son analyse par la Cour en 20101 soulignait les insuffisances d’une gestion complexe, parfois opaque, dont le contrôle était approximatif. En 2014, la Cour relevait les progrès apportés par la dématérialisation malgré une coordination insuffisante des actions.

Depuis, la dématérialisation de la verbalisation a été achevée. Elle s’est traduite par une croissance soutenue des messages d’infraction et du produit des amendes, qui ne représente cependant que 54 % des dépenses de sécurité routière. Mais les conséquences de cette évolution n’ont pas été suffisamment anticipées et le taux de paiement des amendes reste insuffisant. Une dématérialisation de la verbalisation au service d’une forte augmentation de l’activité

La politique de dématérialisation et de développement des radars a été soutenue par un pilotage affirmé du dispositif de gestion des amendes de circulation et de stationnement, assuré par la délégation à la sécurité routière, dont les missions et la responsabilité interministérielles ont été précisées Elle développe son action avec le concours de l’agence nationale de traiteent automatisé des infractions (ANTAI), créée en 2011.

L’objectif de dématérialisation de la verbalisation a été atteint :

  • la disparition de la verbalisation par carnet à souches est, sauf exception, achevée dans la police comme dans la gendarmerie nationale. Dans les polices municipales, engagées plus tardivement dans la réforme, 80 % des procès-verbaux sont dématérialisés et le déploiement des équipements électroniques est effectif dans la quasi-totalité des villes de plus de 50 000 habitants ;
  • le déploiement des radars (de 4097 en 2013 à 4 700 programmés pour 2018) se déroule selon le calendrier prévu, et leur disponibilité a été fiabilisée avec un taux constant de 92 % depuis 2013.

Une politique active de l’ANTAI a permis de développer des relations avec 10 pays européens, afin de permettre l’identification des conducteurs de voitures immatriculées dans ces pays et l’émission des contraventions en cas d’infraction par ces véhicules. Ce contexte explique la forte augmentation de la verbalisation, de plus de 10 % en quatre ans, et 40 % pour la seule verbalisation par radar, avec près de 50 millions d’avis émis en 2016.

Une politique active auprès des usagers, un rôle des officiers du ministère public à homogénéiser

Afin de favoriser l’acceptabilité de cette politique par les usagers, des actions d’information ont été déployées sur le site internet de l’ANTAI (accès à son dossier personnalisé notamment) et une plate-forme d’accueil des appels des contrevenants a été ouverte. Elle reçoit chaque année plus d’1 million d’appels et contribue vraisemblablement à la faible augmentation des contestations sur la période. Enfin, grâce à la disparition du carnet à souches, les contestations non réglementaires, c’est-à-dire en dehors de l’intervention des officiers du ministère public, ont quasiment disparu. Cependant, malgré le constat de l’hétérogénéité de leurs pratiques, décrit dans une étude de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) en 2013, aucune action n’a été engagée pour harmoniser l’action des officiers du ministère public.

Des conséquences de la verbalisation de masse insuffisamment anticipées

L’augmentation sans précédent de la verbalisation par radar, accélérée entre 2015 et 2016 (+ 25 %) a créé un goulot d’étranglement au niveau des officiers de police judiciaire, chargés de la transformation, après vérification, des constats d’infraction en avis de contravention. La dégradation du délai de traitement des clichés d’infraction et du taux de leur transformation en avis de contravention en 2016 (bien que partiellement endiguée en 2017) traduit une anticipation insuffisante des conséquences du choix de la verbalisation de masse sur l’ensemble de la chaîne de traitement. L’insuffisance de réponse apportée aux défauts du système d’immatriculation des véhicules, soulignés depuis plusieurs années, est un autre exemple de la focalisation des actions de la délégation à la sécurité routière sur l’étape de verbalisation.

Une approche plus globale de la gestion des amendes est désormais nécessaire. Si des gains de productivité semblent attestés sur certaines étapes du processus, l’absence d’évaluation de l’ensemble de la gestion ne permet pas d’apporter une appréciation pourtant indispensable pour dégager les priorités pour l’avenir.

Un taux de paiement décevant

Le taux de paiement global des amendes reste insuffisant. Proche de 81 % en 2010, il a diminué pour s’établir en 2016 à 75,3 %. Le déploiement des moyens de paiement dématérialisés (+ 60 % en quatre ans), qui sont désormais majoritaires5 n’apporte pas d’amélioration. S’il participe à une politique de simplification des services publics auprès des usagers, il est cependant sans impact auprès des usagers récalcitrants. En conséquence, l’attention doit être portée sur le taux de paiement au stade du recouvrement forcé des amendes majorées, qui reste inférieur à 30 %. Ce résultat insatisfaisant s’explique pour partie par le caractère obsolète du logiciel de recouvrement forcé, qui présente de multiples faiblesses, connues depuis longtemps, mais dont le remplacement, prévu pour 2013, a été trop souvent reporté.

 


Recommandations

1. (État) : mener des études d’impact sur les mesures décidées en matière de développement des radars afin d’anticiper leurs conséquences sur la chaîne de traitement des infractions routières ;

2. (État) : homogénéiser les réponses apportées aux contestations des conducteurs par les officiers du ministère public ;

3. (État) : renforcer le pilotage du projet Rocade, en définir le périmètre, les ressources et les étapes dès 2017 ;

4. (État) : fiabiliser le système d’immatriculation des véhicules (SIV) (recommandation renouvelée) ;

5. (État) : s’agissant du changement d’adresse des titulaires de carte grise, lancer une campagne d’information du public rappelant les obligations déclaratives et les sanctions en cas de non-respect de celles-ci (recommandation renouvelée).