Pour poursuivre sa quête vers l’AGI et relever les défis actuels de rentabilité et d’écoresponsabilité de l’IA, OpenAI boucle une levée de fonds record de 6,6 milliards de dollars accompagnée d’une ligne de crédit de 4 milliards supplémentaires.
Cette fois, c’est officiel. On savait Sam Altman très occupé ces dernières semaines à boucler un nouveau tour de table colossal. Il faut dire qu’il y avait urgence. Malgré l’investissement massif de 10 milliards de dollars de Microsoft annoncé l’an dernier, la startup pionnière de l’IA générative et génitrice de ChatGPT (dont l’audience dépasse désormais les 250 millions d’utilisateurs par semaine) fait face à des dépenses délirantes pour entraîner ses modèles frontières et satisfaire ses ambitions d’intelligence artificielle générale (AGI).
Et même si en l’espace de deux ans ses innovations lui permettent d’atteindre un chiffre d’affaires estimé fin 2024 à 3,7 milliards de dollars, la jeune pousse doit parallèlement affronter des dépenses opérationnelles hors normes qui lui feront au final perdre entre 4 et 5 milliards de dollars à la fin de l’année.
Sam Altman doit trouver un équilibre entre innovation, rentabilité et durabilité pour maintenir l’avance technologique d’OpenAI face à une concurrence croissante comme celle d’Anthropic (qui a accueilli cette année plusieurs têtes démissionnaires d’OpenAI), de Google DeepMind et de Microsoft AI. Pour cela, l’entreprise doit diversifier ses revenus vers des solutions sectorielles pour répondre aux attentes industrielles mais elle doit aussi maintenir son avance sur la concurrence tout en inventant des IA qui ne sont pas que plus puissantes et capables mais surtout plus éthiques et plus économes en ressources et en énergie.
Dit autrement, la jeune pousse doit non seulement affronter ses pertes financières gigantesques mais également continuer d’investir massivement en R&D et en transformation de ses innovations en produits commerciaux.
Une levée record
« Nous avons levé 6,6 milliards d’euros de nouveaux fonds, portant notre valorisation à 157 milliards d’euros, afin d’accélérer les progrès vers notre mission » explique Sam Altman dans un communiqué de presse. Il ajoute « ce financement nous permettra de renforcer notre leadership dans la recherche en IA de pointe, d’augmenter notre capacité de calcul et de poursuivre le développement d’outils aidant les gens à résoudre des problèmes complexes ».
La startup rappelle au passage que « notre objectif est de rendre l’intelligence avancée largement accessible. Nous sommes reconnaissants envers nos investisseurs pour leur confiance et nous nous réjouissons de collaborer avec nos partenaires, les développeurs et la communauté au sens large pour façonner un écosystème et un avenir basés sur l’IA, bénéfiques pour tous. En collaborant avec des partenaires clés, y compris les gouvernements américains et alliés, nous pourrons libérer tout le potentiel de cette technologie ».
Elle n’évoque en revanche à aucun moment son changement de statut en cours. Poussée par ses nouveaux partenaires financiers, OpenAI envisage de basculer d’une structure essentiellement à but non lucratif (qui imposait une sévère limite aux gains que pouvaient tirer les investisseurs de leur investissement) vers un modèle à but lucratif. Un changement délicat, compliqué à réaliser, car plein d’obstacles juridiques, qui semble avoir aussi encouragé depuis quelques mois le départ de bien des « têtes pensantes » d’OpenAI.
OpenAI cible ses vrais concurrents
Cette levée de fonds a été menée par Thrive Capital et Tiger Global en partenariat avec Microsoft, NVidia, Softbank, Khosla Ventures, Fidelity Management & Research Co. On notera que Microsoft, qui a déjà injecté 13 milliards dans la startup ne contribue cette fois qu’à hauteur de 750 millions de dollars. Par ailleurs, Apple ne fait finalement pas partie de ce tour de table. Et la raison est probablement dans l’intention de la marque à la pomme de ne pas mettre toutes ses billes dans le même sac.
Or, en montant ce nouveau tour de table, OpenAI a réussi à imposer à ses partenaires financiers qu’ils n’investissent pas parallèlement sur ce que Sam Altman considère comme ses principaux concurrents. Cette liste « interdite » comprend notamment le rival Anthropic, la startup xAI d’Elon Musk, la startup SSI de l’ancien co-fondateur d’OpenAI Ilya Sutskever, Perplexity et Glean.
D’ailleurs, l’un de ses premiers soutiens financiers, Sequoia Capital, ne participe pas à ce nouveau tour de table alors que le fonds a récemment annoncé investir dans SSI (Safe Surperintelligence).
Un gros prêt bancaire
Et ce n’est pas tout ! Afin de ne pas griller cette levée de fonds dans ses dettes, OpenAI annonce avoir signé un accord avec 9 banques pour une imposante ligne de crédit de 4 milliards de dollars supplémentaires !
« En plus d’avoir obtenu 6,6 milliards d’euros de nouveaux fonds auprès d’investisseurs de premier plan, nous avons mis en place une nouvelle facilité de crédit de 4 milliards d’euros avec JPMorgan Chase, Citi, Goldman Sachs, Morgan Stanley, Santander, Wells Fargo, SMBC, UBS et HSBC. Il s’agit d’une ligne de crédit renouvelable non utilisée à la clôture » explique Sam Altman. « Cela signifie que nous avons désormais accès à plus de 10 milliards d’euros de liquidités, ce qui nous donne la flexibilité d’investir dans de nouvelles initiatives et d’opérer avec une agilité totale pendant notre croissance. »
Au final, OpenAI termine l’année avec encore plus d’interrogations qu’elle n’avait terminé l’année 2023 avec sa fameuse crise interne. La startup pourra-t-elle maintenir sa suprématie alors que nombre de ces ingénieurs clés de ses débuts ont quitté le navire ces dernières semaines ? La startup pourra-t-elle survivre à son changement d’identité en entreprise lucrative ? La startup pourra-t-elle continuer de faire progresser l’IA en réduisant ses dépenses et en intégrant les défis écologiques ? 2025 s’annonce pour elle aussi intense que ces deux dernières années.