Début 2014, l’Arcep qui va récupérer son pouvoir de sanction dès le début 2014 va sans doute avoir beaucoup de travail sur le marché de la 4G qui vient d’être bousculé par Free mobile.

Après qu’Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, a déclaré « qu’il est possible que dans cette guerre des prix il y ait un mort », sa collègue, Fleur Pellerin, ministre de l’économie numérique, a indiqué dans une interview au journal Le Parisien qu’il était nécessaire de « remettre de l’ordre dans ce secteur » et qu’il faut rendre à l’Autorité de régulation des télécoms (Arcep), le pouvoir de sanction qui lui avait été enlevé en juillet  suite à une décision du Conseil Constitutionnel. « Nous allons corriger cette situation début 2014 par voie d’ordonnance », a précisé la ministre et « rendre son bâton au gendarme des télécoms ».

Si le marché de la fibre optique ne semble pas vraiment décoller trois ans après son lancement, celui de la 4G explose. Olivier Roussat, Pdg de Bouygues Telecom, précisait à la matinale de France Inter que son entreprise atteindrait le million d’abonné avant la fin de l’année sur 11 millions de clients, cela, seulement trois mois après le lancement. Le client type se recrute plutôt chez les jeunes pour consommer principalement de la vidéo (YouTube vient largement en tête) et de la TV connectée, qui devient alors fluide.

Mais alors que tout s’annonçait pour le mieux, Xavier Niel, fidèle à son habitude, est venu « gâcher la fête »en cassant les prix et en offrant de la 4G au prix de la 3G. Cette offensive a surpris la concurrence puisqu’il avait déclaré 15 jours plus tôt que la 4G ne servait à rien. Evidemment, brouiller les pistes est une des armes utilisée régulièrement par le patron de Free qui ne déteste pas jouer le rôle du vilain petit canard du secteur. « Nous sommes inquiets de tout forme de dérive du low cost et de guerre des prix qui se fait au détriment des producteurs » poursuivait Arnaud Montebourg. « Il va falloir trouver 30 milliards d’euros pour le déploiement de la fibre ».


Arnaud Montebourg : « Nous sommes inquiets de… par rtl-fr

Le patron de Bouygues Telecom rappelle la nature extrêmement capitalistique de son activité : « Nous avons investi 1,5 milliard d’euros en 2 ans sur la 4G et bon an mal an, nous dépensons en moyenne 800 M€ ». En dépit de l’offensive de Free, Olivier Roussat a affirmé que les tarifs 4G n’avaient pas été modifiés. Une manière évidemment détournée de présenter les choses puisque c’est sa filiale lowcost B&YOU qui a pris soin de répondre à cette attaque avec des tarifs adaptés.

Le marché des télécoms mobiles est intéressant sur le plan technologique avec des avancées spectaculaires mais aussi économique pour observer se développer les stratégies des différents acteurs. « Contrairement à ce que l’on pourrait penser au  prime abord, ce marché n’est pas soumis aux seules lois de la concurrence, il est extrêmement régulé, rappelait Elie Cohen, directeur de recherche au  CNRS à la même Matinale de France Inter. Free est une pure création de cette régulation, c’est bien l’Etat qui a ouvert le marché en cédant une 4e licence d’exploitation ».

Les activités de réseau  sont par nature monopolistique et c’est dans ce cadre que s’est développé France Télécom jusqu’à la fin des années 80. Et ce n’est pas l’Europe qui nous a imposé le changement même si elle a fait ensuite de la concurrence son alpha et son omega, c’est Paul Quiles, alors ministre des télécoms qui est allé plaider la cause de l’ouverture des marchés à Bruxelles. On est ensuite passé dans une autre logique ce qui n’a pas été sans causer des difficultés à l’opérateur historique, tiraillé entre la concurrence d’une côté et les obligations d’emplois de l’autre. « Résultat, la valeur boursière d’Orange ne pèse que 10 milliards d’euros alors celle de Free est comprise entre 6 et 7milliards d’euros », rappelle Elie Cohen.

Le résultat de cette stratégie de l’Europe tout entière axé sur la concurrence montre ses limites. Alors que le Vieux Continent était leader de la téléphonie mobile, elle accuse aujourd’hui un retard patent face aux Etats-Unis ou à certaines pays d’Asie comme la Corée.

Certes l’arrivée de Free a véritablement imposé la concurrence. Et les trois opérateurs seraient assez mal placés de se plaindre ? Avant l’arrivée de Free, ils ont plutôt joué le jeu du cartel que celui de la concurrence ?  Ce qui leur a valu une amende de plus de 500 M€ en 2009 pour entente illégale.

A l’inverse, Xavier Niel se drape de toutes les vertus en expliquant que les opérateurs avaient une stratégie tout entière tournée vers la satisfaction des actionnaires. « Mais le patron de Free a fait des profits obscènes sur la téléphonie Internet et a multiplié sa fortune par 5 », souligne Elie Cohen.

Alors, y aura-t-il des morts à cause de la 4G ? Sur ce point, il ne faut pas confondre le réseau avec le service. Il est  probable qu’il n’y ait pas la place pour 4 opérateurs possédant leur réseau en propre. D’ailleurs, c’est grâce à l’accord entre Orange et Free que ce dernier a pu se développer et s’imposer sur le marché. Et des opérations de mutualisation de réseaux ont déjà commencé. Dans certaines zones rurales, il n’est pas rationnel sur le plan économique d’installer quatre réseaux. Par contre, il est possible d’avoir une multiplicité d’offreurs de services. Mais sur de possibles opérations de regroupement, Fleur Pellerin a indiqué que le gouvernement doit aujourd’hui « assumer les conséquences de décisions prises par d’autres » et qu’il ne « peut pas décider d’un claquement de doigt d’en supprimer un. S’il y a des rapprochements, l’Autorité de la concurrence se prononcera. Nous n’en sommes pas là ».