Sans surprise, l’événement Apple de la nuit dernière a bien officialisé les premiers Mac à base d’Apple Silicon, autrement dit à base de SOC sous architecture ARM. Une révolution pour Apple comme pour l’univers du poste de travail…

Un MacBook Air, un Macbook Pro 13’’ et un Mac mini… Au final, Apple a lancé simultanément ses trois premiers ordinateurs à base ARM. Le constructeur avait annoncé en juin dernier lors de sa conférence développeur son attention d’abandonner peu à peu Intel et l’architecture x86 au profit de ses propres processeurs dérivés de ceux qu’il fabrique déjà pour ses iPhone et iPad.

Un SOC « ordinateur » : l’Apple Silicon M1

Et alors que l’on attendait une variante du nouveau processeur A14 Bionic des iPhone, Apple a lancé un nouveau SOC dénommé M1. Même si la nomenclature laisse penser à un processeur tout nouveau, celui-ci semble effectivement dériver du A14 dans sa conception. Ainsi, on retrouve bien une base « BIG.little » comportant 4 cœurs haute performance et 4 cœurs économes en énergie. Un design identique aux processeurs de l’iPhone.
Pour son M1, Apple n’a donc pas adopté l’architecture à 8 cœurs « BIG » présentée la semaine dernière par ARM avec son premier design officiellement dédié aux PC, l’ARM Cortex-A78C.
On notera également qu’Apple a bel et bien opté pour un vrai SOC avec une partie GPU intégrée au chip et semble bien décidé à abandonner dans son nouvel univers de Mac ARM l’utilisation de « Discrete GPUs » traditionnellement signés AMD chez Apple.
Par ailleurs, Apple a intégré à son M1 un NPU (Neural Processing Unit) pour accélérer l’exécution des inférences des modèles IA (rappelons que le A14 Bionic embarque également un tel NPU). Et, d’après le peu de détails techniques donnés, la mémoire RAM est embarquée dans le SoC. Elle n’est donc pas upgradable ! Les machines 8 Go sont figées à 8 Go. Et le M1 ne sait pas gérer plus de 16 Go de RAM.

Du marketing Apple pur jus…

La marque s’est ensuite livrée à ses pratiques habituelles de surenchère sans queue ni tête à l’instar d’une affirmation « MacBook Air est 3 fois plus rapide que 98% des PC portables vendus cette année » qui, quand on y réfléchit 2 secondes, n’a absolument aucun sens. Sans oublier l’annonce de « performances multipliées par 2,8 », « des graphismes accélérés par 5 », ou encore « un MacBook Pro 3x plus rapide que le laptop le plus vendu dans sa catégorie », des promesses qui n’engagent que ceux qui les croient d’autant qu’elles sont déclamées sans jamais donner la moindre référence de comparaison ni le moindre détail sur les benchmarks utilisés.
Même dans les spécifications techniques de ses machines, Apple ne donne plus aucune indication sur les fréquences de fonctionnement de ses processeurs, histoire de bien noyer toute donnée technique dans du pur blablabla marketing.
Du Apple pur style en somme, au point de même aller ressortir son ancestral mais toujours aussi ridicule « PC Guy », une blague d’un autre temps en réalité assez nauséabonde.

Des performances affectées par l’émulation Intel

Il faut aller fouiller sur le site Web pour trouver plus d’informations sur les comparaisons qui laissent effectivement penser que les nouveaux Mac M1 sont significativement plus rapides que les anciens modèles Intel dès lors que les benchmarks sont réalisés avec des binaires natifs. Ne perdons pas de vue non plus qu’Apple fait ses comparaisons avec la génération 10 des processeurs Intel Core (voire même des générations encore antérieures quand on regarde celles du Mac mini) et non la génération 11 aux performances graphiques largement boostées.

Dans la pratique, il faudra vraiment attendre d’avoir les machines entre les mains pour se faire une idée réelle des gains de performance de ces nouveaux Mac sous ARM qui pendant de longs mois devront – comme ce fut le cas il y a 15 années avec le passage du PowerPC à Intel – combiner avec les applications spécialement réécrites pour l’architecture ARM et celles s’exécutant sous la couche d’émulation Intel « Rosetta 2 ». Une période transitoire qui pourrait perturber bien des utilisateurs.

Des prix stables

De façon assez surprenante, les nouveaux Mac « M1 » sont commercialisés exactement au même prix que leurs équivalents « Intel ». Le passage en ARM ne se traduit donc pas par une réduction des tarifs tout au moins sur les entrées de gamme.
Avec un seul M1 en catalogue, Apple ne peut plus vraiment jouer sur l’effet de gamme Core i3/i5/i7 d’Intel.
Pour quand même continuer à proposer une gamme, Apple s’est inspirée de bonnes vieilles pratiques d’IBM sur ses processeurs Power. À la différence que le constructeur ne désactive pas ici des cœurs CPU mais des cœurs GPU! Ainsi le MacBook Air est décliné en version SSD 256 Go de stockage avec puce M1 à 7 cœurs GPU et en version SSD 512 Go avec puce M1 à 8 cœurs GPU ! Oui, c’est mesquin…

À marche forcée

Enfin, signalons qu’Apple a bien l’intention d’accélérer la migration via ARM en limitant, pour ne pas dire interdisant, le choix aux utilisateurs.
Le MacBook Air n’est plus disponible qu’en version M1 sur son site Web. Pour les Macbook Pro et Apple Mini, les entrées et milieux de gamme ne sont disponibles qu’en version M1.
Seules les versions les plus chères en Core i7 ou disposants de plus de 16 Go de RAM demeurent disponibles sous Intel (rappelons que les machines M1 sont limitées à 16 Go de RAM).
Une politique qui nous paraît en fin de compte assez salutaire. C’est pour la marque le meilleur moyen de s’assurer que ses partenaires développeurs et éditeurs vont devoir accélérer la migration vers le monde ARM. Un luxe ou « effet coup de bâton » que Microsoft – qui ne contrôle pas autant son écosystème – ne peut pas s’offrir avec Windows on ARM (l’éditeur jouant plutôt la carotte de l’incentive avec son programme App Assure).

De quoi secouer la concurrence

Reste que l’arrivée des processeurs ARM sur les Mac est un pavé dans une mare un peu endormie. Apple relance la course à l’innovation dans le microcosme des ordinateurs portables. La concurrence va devoir réagir. Elle a même déjà commencé.

En lançant son Surface Laptop Go dans la gamme 500 à 700 € ce mois-ci, Microsoft a déjà réveillé le marché : pour la première fois la marque premium s’attaque en effet ouvertement au cœur du marché PC avec un appareil très classique mais vraiment ultraportable (1,1 Kg) et performant.

Apple avec ses nouveaux Mac ARM va beaucoup plus loin et redéfinit complètement les critères de performance et autonomie sur les ordinateurs portables. Ce que les machines Windows on ARM, y compris Surface Pro X et son processeur ARM n’ont pas réussi à faire jusqu’ici.

On sent en outre Apple très motivé à rapidement migrer toute sa gamme et toute sa clientèle sur des processeurs Apple Silicon.

Intel a réagi hier en publiant une nouvelle vidéo sur son concept « EVO » s’appuyant sur les performances de sa 11ème génération de Core i5/i7.

L’annonce d’Apple a aussi de quoi inquiéter Qualcomm (qui va devoir démontrer que ces processeurs 8CX Gen2 tiennent la comparaison avec le M1), AMD (Apple semble vouloir pousser son propre GPU intégré au M1) et NVIDIA (et son processeur Tegra).

Hasard des calendriers, Microsoft a lancé hier « .NET 5 » notamment optimisé pour ARM 64 bits et qui constitue une pierre supplémentaire à l’édifice qui consiste à convertir les développeurs Windows aux processeurs ARM. Finalement, l’arrivée d’Apple sur ARM pourrait aussi se révéler un accélérateur de l’adoption de « Windows on ARM », si Microsoft arrive à finaliser rapidement sa couche d’émulation 64 bits (attendue sur une version Windows Insiders dans les prochains jours) et si les développeurs se laissent enfin prendre au jeu.