Avec 13,8 millions de messages d’infractions en 2012, bientôt 15 en 2013 , l’état a automatisé la répression des infractions grâce à plus de 2500 radars fixes. Mais ce sont ceux de l’écotaxe qui soulèvent l’ire des PME de transports (Lire aussi la tribune : Big “Brother”Data ou Big “Open” Data ?).
C’est l’écotaxe qui a mis le feu aux poudres en particulier aux portiques destinés à la surveillance des poids lourds. Ils n’ont pourtant pas de rapports avec ceux de la police, qui eux aussi sont menacés par un dangereux aveuglement des petits entrepreneurs qui ne voient plus comment s’en sortir, financièrement.
Les radars de l’écotaxe permettent de suivre tous les véhicules de transport de marchandises de plus de 3,5 tonnes empruntant les15 000 kms du réseau routier français. C’est le fruit de la loi européenne mise en oeuvre par le consortium public privé, Ecomouv, dont 70 % sont détenus par un spécialiste italien du péage , la firme italienne Autostrade. Le consortium collecte les taxes liées à « l’écotaxe » européenne sur la circulation de plus 800 000 camions. Une bonne partie de l’impôt collecté doit revenir à l’agence de financement des transports (Afit) qui justement finance la réfection des routes essentiellement détériorées par les poids lourds.
Une prouesse technique qui ne fait pas l’unanimité
La collecte d’informations s’effectue, à chaque passage, sous un portique ecotaxe, au travers d’une application dans le cloud via un point de tarification virtuel. C’est la SSII Steria qui est en charge de la gestion financière et technique ainsi que du système de relation client. Comme pour nos PV de polices, « l’élément de tarification » est envoyé en temps réel au système central d’Ecomouv qui établira la facture envoyée ensuite par internet ou courrier.
Les poids lourds sont soumis au paiement d’une éco-taxe redevable proportionnelle au nombre de kilomètres parcourus. Les camions sont théoriquement équipés d’une interface pour être identifiés par les portiques. En cas d’absence du boîtier, c’est le principe d’identification, à ce moment, similaire à celui de la polices qui entre en jeu . L’identification des plaques et du propriétaire, après dimensionnement du volume du camion par laser, s’effectue en moins de 2 secondes. La collecte d’informations qui s’effectue par satellite et grâce aux boitiers installés sur les camions est au sommet des échanges machine to machine (MtoM). Thales a fourni les systèmes de contrôle des véhicules et SFR les services de télécommunications et la solution MtoM pour les équipements embarqués.
Grâce à Ecomouv, les radars de vitesse ne sont donc plus seuls, les portiques écotaxes renforcent l’ambiance orwellienne de ce début de siècle. Mais plus de 50 attentats ont été déjà été commis en novembre car bon nombre de personnes ne comprennent rien au système qui n’apparaît que comme un élément répressif de plus. D’ailleurs, les dégradations se portent aussi sur nos très chers radars de reconnaissance de plaques, les camionneurs vandales, qui démolissent le matériel, ne cherchant pas savoir ce qu’ils risquent, à savoir des dizaines de milliers d’euros d’amende et deux ans de prison. Et le gouvernement actuel, partagé entre l’envie de récupérer des impôts nouveaux et une critique ouverte des mesures compliquées prises par l’ancien gouvernement, ne bronche pas. Il reste que le système de l’écotaxe et des PV automatiques crée un climat de surveillance et de culpabilisation générale qui finit par aller à l’encontre des objectifs égalitaires poursuivis
Une horlogerie en terme d’éditique
Ce sont du coté de la Police, plus de 35 millions de procès-verbaux qui sont dressés chaque année par les agents dotés de terminaux et par les radars fixes ou mobiles . Ces derniers sont désormais en tout prés des 4500 unités. Ils rapportaient déjà à l’État 1,4 milliard d’euros en 2012.
Georges Orwell, dans son livre « 1984 » avait imaginé dés 1949 un effrayant régime policier où la surveillance par caméras et la répression quasi automatique et anonyme seraient omniprésentes. Les adolescents des années 60 en avaient fait des cauchemars, les deux derniers gouvernements, sans exagérer, en ont fait une réalité.
L’agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) qui s’occupe de EPV aurait déployé, à fin 2012, 11 015 assistants personnels nomades, 12 000 logiciels de terminaux informatiques embarqués et 2 000 logiciels dits Interface Homme-Machine/web. En 2011 , l’agence avait déjà un budget de plus de 32 millions de francs pour adresser les dizaines de millions d’avis de contravention suite au infractions relevées par les radars et les systèmes électroniques du PVé (procès-verbal électronique).
L’usine à PV a créé des emplois
Mais la répression a aussi des cotés positifs. L’Antai, dans l’Ouest, a crée des emplois dans la zone rennaise, dans son usine « à contraventions ». Dans une partie de ses locaux, 80 personnes se relayent sans cesse pour trier les 20 000 courriers qui tous les mois contredisent les relevés, ou du moins, tentent d’exprimer une vraie frustration face à une répression sans visage. L’automatisation généralisée ne fait pas grand cas des citoyens, car chaque contrevenant théorique doit payer avant d’être jugé, ce qui n’est pas écrit dans le code de procédure pénal.
La France a d’ailleurs déjà fait l’objet d’une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme sur le sujet « au motif que le dispositif de contestation de certaines de ces amendes ne garantissait pas un droit effectif au recours ». Du coté de l’écotaxe, dans l’est, il y aurait aussi un revers à l’éventuel abandon de l’écotaxe. Selon le quotidien La Croix, Ecomouv, qui a ses bureaux à Metz, malgré son contrat signé avec l’État, s’inquiète. « Les 210 salariés se savent sur un strapontin, depuis que l’écotaxe a été suspendue. D’ores et déjà, 40 CDD n’ont pas été reconduits, 60 personnes en formation préalable ne seront pas embauchées et 80 autres ne commenceront par leur formation ». Les banques qui ont prêté 600 millions d’euros à Ecomouv sont sur les dents. L‘écotaxe qui doit rapporter près d’un milliard d‘euros est vraiment sur la sellette.
L’affaire ,qu’il s’agisse de l’écotaxe ou des PV, ne se limite plus aux seuls français. Ce sont par exemple 139 000 PV qui ont été envoyés en 2012 à l’étranger, une bonne part transitant par les dénonciations des loueurs d’autos. Mais ces PV ne seraient payés qu’à 50% , seuls nos voisins européens seraient les plus réactifs étant aussi, eux-mêmes, poursuivis par leurs propres polices locales. Affirmer que les députés français n’ont pas conscience de cette montée répressive accélérée par l’informatique serait mentir. L’Assemblée au travers de la proposition de loi de simplification et de clarification du droit le 14 octobre dernier a fait un grand pas, mais pour l’instant sans résultat concret.
Dura lex sed lex
Comme plus de 700 millions d’euros de l’écotaxe iront renflouer les caisses de l’Etat, la collecte de fond est en fait un enjeu national auquel il est mal vu de s’opposer.
Des radars pour éviter les radars
Même les forces de l’ordre ont conscience de cette montée de la violence et de l’écœurement des routiers et s’empresse de faire la différence entre radars de l’écotaxe et les radars « classiques » de vitesse. « Les contrevenants n’ont qu’à faire attention et pour cela ils peuvent faire appel à tous les systèmes de détection de dangers pour éviter les radars. C’est de notoriété publique».
Cette remarque d’un gradé de gendarmerie cité dans Ouest France traduit le malaise qui met de plus en plus d’usagers anodins au niveau des petits délinquants. Cités par ce gendarme, les avertisseurs de radars depuis fin 2011 sont pourtant officiellement interdits. Avec une hypocrisie de circonstance, les constructeurs de GPS et autres outils d’aide à la conduite continuent néanmoins d’avertir les conducteurs des risques de flash les nommant « zone de danger » ou « zone à risque ».
C’est le cas du premier fabricant de GPS, le néerlandais Tomtom qui récemment, à l’approche des fêtes de Noël ,a rappelé tous ses avantages dans le domaine de détection de radars mais surtout du suivi du trafic (ci-dessus un GPS pour se repérer dans la jungle urbaine). La firme annonce traiter chaque jour prés de 5 Milliards d ‘informations issues des GPS et autres mobiles.
Là aussi sur le parc de 38 millions de véhicules et prés de 10 million de GPS, à peine 3 millions de véhicules seraient équipés de fonctions de détection de radars, les téléphones mobiles qui peuvent bénéficier de mise à jours permanentes, constituant la majorité des solutions de détection. Le Big data est une réalité. L’exploitation qui en est faite actuellement n’est pas toujours enthousiasmante. L’internet des objets surveille surtout les individus, « pour sauver des vies » mais le climat reste tout de même policier et glacial.