La première préoccupation des dirigeants d’entreprise est de voir arriver un nouveau concurrent venu de nulle part et tirant parti de la numérisation, c’est ce qu’on appelle désormais l’uberisation.

En déclarant décembre dernier au Financial Times que « « Tout le monde commence à craindre de se faire Ubériser. C’est l’idée qu’on se réveille soudainement en découvrant que son activité historique a disparu… », le patron de Publicis Maurice Levy a synthétisé dans une formule choc une des idées qui est aujourd’hui une des mieux partagées du moment. C’est en tous cas ce phénomène de l’Ubérisation qui est devenue selon l’édition 2015 de l’enquête annuelle « Redéfinir les frontières : données provenant de l’étude globale C-suite », basée sur les retours de plus de 5200 CEO, CMO, CFO, CIO et autres leaders de la C-suite, à travers 21 réalisée par IBM, qui est devenue la préoccupation dominant des dirigeants (directions générales et directions fonctionnelles).

Il y a encore quelques années, dans un monde déjà mondialisé mais encore relativement conventionnel, la crainte exprimée par les décideurs était de devoir affronter un concurrent ayant un produit ou service meilleur ou à un meilleur coût. Aujourd’hui, dans l’économie bousculée par la numérisation, il s’agit de lutter contre un concurrent venu de nulle part et n’appartenant pas nécessairement au secteur. C’est ce que certains appellent les barbares. Car pour intervenir sur un marché, il suffit parfois d’une simple app mobile, d’une utilisation d’un parc existant et souvent d’une application limite des réglementations ou des législations en vigueur. D’où des actions juridiques de plus en plus nombreuses[1]. Avec parfois le soutien des usagers[2].En deux ans seulement, le pourcentage de dirigeants qui s’attendent à devoir lutter contre une concurrence indirecte à leur industrie a fortement augmenté.

Conduite par l’Institut for Business Value d’IBM, cette étude révèle que les chefs d’entreprise attendent que la convergence de l’industrie soit la première force qui impactera leur marché dans les 3 à 5 ans à venir. Les entreprises les plus performantes donneront quant à elles la priorité aux capacités cognitives.

Les dirigeants des entreprises les plus performantes sont à 24% plus enclins à se tourner vers l’informatique cognitive. Cette étude IBM recommande aux entreprises d’utiliser l’analyse prédictive et cognitive, afin de les aider à anticiper avec le plus de fiabilité possible les événements futurs, et ainsi prendre de l’avance sur leurs concurrents non visibles. Cette idée de convergence est en tête des préoccupations devant le télétravail et le cyberpiratage.

On se souvient de la notion de convergence qui rapprochait les secteurs télécoms et informatiques. C’est ce qui avait par exemple poussé AT&T à racheter NCR ou IBM à procéder à l’acquisition de Rolm pour les revendre quelques années plus tard. Mais aujourd’hui, cette idée de convergence est totalement généralisée et concerne tous les secteurs. C’est la combinaison de l’électronique grand public et santé pour donner naissance à ce que l’on appelle aujourd’hui les wearables comme Fitbit ou encore le géant de l’agrochimie Monsanto qui entend devenir fournisseur de services pour les agriculteurs (Monsanto : plein cap sur le big data). Dans ces conditions, il n’est donc pas surprenant que les technologies soient considérées comme le principal facteur de changement – pour la quatrième année consécutive – devant les évolutions du marché et les conditions réglementaires.

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Dans les évolutions que pressentent les dirigeants, la relation avec les clients a déjà changé mais elle sera largement impactée par l’utilisation des technologies numériques, notamment avec un engagement de plus en plus personnalisé. « Nous avons les outils pour comprendre 90% de nos clients, explique le CEO d’une entreprise britannique, mais nous avons besoin de passer du niveau du segment au niveau individuel ». Dans ce contexte de transformation numérique, l’innovation sera un facteur majeur de compétitivité. Et cette innovation viendra de plus en plus de l’extérieur d’après les décideurs interrogés. Cette tendance est assez claire dans le secteur de l’IT si l’on en juge par le nombre d’acquisitions faite par les leaders de l’informatique. A commencer par l’auteur de l’enquête IBM. Depuis 2001, Big Blue a opéré 144 acquisitions, certaines comme SoftLayer jouant un rôle majeur dans la technologie cloud d’IBM. Sans cet apport extérieur, IBM aurait raté des vagues technologiques malgré un budget de R&D d’environ 6 milliards bon an mal an.

Enfin, troisième tendance, l’avènement des technologies numériques remet peu à peu en cause l’organisation même des entreprises, la manière de travailler et la prise de décision qui devient de plus à plus décentralisée.

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[1] Uber Drivers Suit Granted Class-Action Status

[2] San Francisco: les électeurs rejettent une initiative anti-Airbnb