Frédéric Laluyaux aux commandes d’Anaplan à San Francisco et Olivier Pomel, co-fondateur de Datadog à New York, ont répondu à nos questions pour donner leur perception de l’environnement professionnel américain.

C’est en 2006 que Guy Haddleton et Michael Gould se lancent dans l’aventure en remarquant ce manque qui n’avait pas été comblé par les éditeurs traditionnels. D’où l’idée de créer une nouvelle catégorie de solutions qui est un peu uniquDatadog et Anaplan 3e et qui n’entre pas encore dans une catégorie définie et stabilisée même si le site Web le qualifie d’« Enterprise Planning Cloud » (Anaplan : « Excel on Steroids »). Anaplan est née. La solution d’Anaplan a nécessité quatre ans de développement et c’est en 2010 que la société en démarre la commercialisation.

En 2012, Anaplan recrute Frédéric Laluyaux au poste de CEO. Celui-ci a déjà passé une dizaine d’années aux États-Unis en créant d’abord Transcribe Technologies puis au sein des éditeurs ALG, Business Objects et SAP.

En mai 2014, Anaplan complète une quatrième levée de fonds (Serie D) de 100 M$ portant à 150 M$ le montant total des investissements dans l’entreprise. Au premier semestre 2016, Anaplan fait état d’une croissance de 134 % de son chiffre d’affaires, de 50 000 utilisateurs chez quelque 400 entreprises clientes et emploie 500 salariés.

Datadog est un enfant du Cloud mais entend en devenir le gardien

L’histoire de Datadog et d’Olivier Pomel est un peu différente. Avec son complice Alexis Lê-Quôc, Olivier a travaillé notamment chez IBM Research, puis chez Wireless Generation – une société spécialisée dans le développement d’outils informatiques pour la formation – avant de se lancer dans l’aventure en créant en 2010 à New York la société Datadog (Datadog pour monitorer le cloud).

Datadog et Anaplan 4Datadog se présente comme un fournisseur de plate-forme de monitoring du cloud proposé as a service (Cloud Monitoring as a Service). Le projet de création de Datadog se déduit des fonctions précédentes des deux fondateurs, Olivier Pomel et Alexis Lê-Quôc étaient respectivement VP of Technology et responsable des opérations de Wireless Generation (une société rachetée en novembre 2010 par News Corp) et de leur « confrontation » au quotidien en raison des objectifs poursuivis que la démarche DevOps est supposé surmonter. D’où l’idée de fournir un outil permettant de « monitorer » le cloud pour assurer la robustesse et la consistance nécessaire de l’infrastructure et supporter une évolution rapide.

Datadog a levé 50 M$ ce qu’il n’aurait sans doute jamais pu faire en France. Est-il plus difficile de réussir pour deux diplômés de l’Ecole Centrale qui jouit du prestige que l’on sait en France mais qui passe plus inaperçue à New York ou dans la Silicon Valley ? Apparemment non car l’entreprise a déjà fait la preuve de la pertinence de son approche (Index Ventures et Morgenthaler Ventures, deux expériences d’investisseurs). Aujourd’hui, Datadog emploie aujourd’hui 140 salariés et fait état de plus de 1500 entreprises clientes.


Datadog et Anaplan 1Frédéric Laluyaux, CEO d’Anaplan

  1. Est-ce difficile pour un Français de travailler dans un environnement américain ?

Cela fait 13 ans que je travaille et vis aux États-Unis. A mon arrivée, j’ai dû m’adapter à plusieurs différences fondamentales

  • Le risque et l’échec sont bien acceptés aux États-Unis ce qui résulte en une prise de décision rapide et un rythme des affaires bien plus soutenu qu’en France.  Tout va plus vite !
  • Grâce à un marché de l’emploi beaucoup relativement fluide- les salaries américains changent rapidement et facilement d’entreprise ce qui change fondamentalement les relations entre les salaries et les employeurs qui doivent constamment faire attention au moral des équipes. Ce phénomène est exacerbé dans la Silicon Valley ou les entreprises se plient aux désidératas de salaries de plus en plus capricieux ! La machine à café à un euro est remplacée par un bar à expresso avec Barrista à temps complet…
  • Les Américains fonctionnent sur un mode d’encouragement. C’est le “good job” et le “high five” qui peut agacer les français mais qui est très présent et nécessaire aux États-Unis.
  • Cependant, la digitalisation du travail a effacé beaucoup de ces différences, surtout dans le monde des startups qui fonctionnent sur un modèle de gestion très similaire de par le monde.
  1. Y a-t-il une différence entre l’idée que vous vous faisiez de l’environnement professionnel américain et la réalité ? 

Il n’y a pas de différence fondamentale entre ce que j’imaginais et la réalité, peut-être, parce que j’ai commencé  à faire des stages aux États-Unis très tôt dans ma carrière et que j’ai monté ma première start-up en 1993 avec des investisseurs américains. Aujourd’hui j’ai passé plus de 50% de ma carrière aux États-Unis, alors je me suis probablement adapté à cette nouvelle réalité ! Cependant je suis toujours « bluffé » par la facilité qu’ont les américains à accepter un meeting, même de quelques minutes avec un inconnu, sur la base d’une simple recommandation.  Les Américains travaillent beaucoup leur réseau et sont toujours à l’affût d’une bonne idée ou d’une bonne rencontre.

  1. Quels conseils pour un Français qui va travailler aux États-Unis ? 

Les Américains vivent dans le présent et l’avenir. Ils ne sont que très peu concernés par ce que vous avez fait il y a 20 ans, en France ou ailleurs. Les relations se nouent et se dénouent très vite ce qui est souvent perçu par les Français comme de la superficialité mais ça n’est pas le cas. Les codes sont simplement différents et il faut apprendre à les lire. Soyez directs, mettez en avant vos idées, vos compétences et apprenez à travailler vite! N’ayez pas peur de rencontrer les gens qui vous inspirent et qui peuvent vous aider. Ne restez pas sur la touche parce que personne ne viendra vous chercher.


Datadog et Anaplan 2Olivier Pomel, co-fondateur et CEO de Datadog

  1. Est-ce difficile pour un Français de travailler dans un environnement américain ?

Pas vraiment, en tout cas pas à New York ou dans la Silicon Valley où les entreprises comptent déjà beaucoup d’étrangers – on est rarement le premier étranger ou même le premier Français embauché. D’une façon générale, le milieu des startups aux États-Unis est très ouvert aux « outsiders », c’est-à-dire ceux qui sont nouveaux et viennent d’ailleurs. Par contre il faudra faire ses preuves (voir question 3)

  1. Y a-t-il une différence entre l’idée que vous vous faisiez de l’environnement professionnel américain et la réalité ?

Il y a deux choses qui m’ont marqué :

– Malgré un cadre législatif très favorable à l’employeur aux États-Unis et une grande différence de temps de travail sur le papier, je trouve qu’on ne travaille pas nécessairement « plus dur » qu’en France, en tout cas dans les haute-technologies. Beaucoup d’entreprises américaines n’offrent que peu de vacances, mais en retour les journées de travail des cadres sont souvent plus courtes qu’en France, et la productivité pas toujours au top. Pour cette raison, Datadog ne limite pas les jours de vacances de nos salariés américains, et nous avons ouvert un centre de R&D à Paris.

– Les entreprises américaines sont très en avance sur la France pour ce qui est de la lutte contre la discrimination au travail. C’est particulièrement visible à l’embauche: on ne fournit pas de photos ou d’informations personnelles sur les CV, et la loi interdit de poser des questions sur l’âge ou la situation familiale des candidats.

  1. Quels conseils pour un Français qui va travailler aux États-Unis ?

Mon conseil c’est d’être prêt à faire ses preuves. Les ingénieurs français ont une très bonne réputation en général, mais nos Grandes Écoles ou Universités sont moins connues et n’ouvrent pas les portes comme elles le font en France. Le monde du travail aux États-Unis récompense aussi les attitudes volontaires et optimistes, ce qui peut poser problème aux plus cyniques d’entre nous.