Le débat entre ODM et OEM n’est pas nouveau ni spécifique au secteur de l’informatique. Mais avec le développement des data centers géants, les premiers deviennent des concurrents directs des seconds.
Rappelons les rôles de chacun. Les ODM (Original Design Manufacturer) représentent les entreprises qui conçoivent et fabriquent un produit complet ou un composant selon les spécifications données pas une autre entreprise appelée OEM (Original Equipment Manufacturer). Cette dernière peut revendre le produit sous sa propre marque. Telle est la relation entre les deux parties même si des variantes existent selon l’étendue du contrat (Conception, développement, fabrication).
Dans l’informatique, cette industrie s’est développée à partir du début des années 80 lorsqu’IBM avait décidé d’externaliser une partie de la fabrication de son PC. IBM qui avait raté le virage du PC, voulait mettre les bouchées pour lancer son propre ordinateur personnel. Tous les moyens avaient été mis en œuvre pour lancer ce nouveau produit : constitution d’une équipe indépendante, signature d’un accord avec Microsoft et d’Intel pour la fourniture du système d’exploitation et du microprocesseur qui allait être le point de départ des réussites que l’on connaît et sous-traitance des composants à des ODM.
Trois décennies plus tard, la majorité de ceux que l’on appelle les constructeurs informatiques externalisent aujourd’hui une grande partie de leur catalogue et ont fait émerger une industrie que l’on ne connaît pas trop dans la mesure où les entreprises ne vendent pas sous leur marque. Selon une note intitulée Outsourcing Design to Asia: ODM Practices, les auteurs indiquent que la localisation de cette industrie est principalement centrée en Asie incluant notamment la Chine, la Corée du Sud, Singapour, Taïwan et correspond peu ou prou à la route de Soie, une coïncidence historique étonnante.
Certains ODM ont joué un rôle particulièrement important à certains moments indiquent les auteurs de cette note. C’est le cas de Quanta qui aurait sauvé HP prête à cesser son activité dans le domaine des ordinateurs portables. Un des responsables d’HP aurait lui-même reconnu cette réalité dans une interview au magazine Business Week en 2001 : externaliser notre activité notebook à Quanta « a sauvé notre activité » et représente sans doute « le plus grand retournement de l’histoire d’HP ».
Le chiffre d’affaires de cette industrie est évalué par le cabinet IDC serait évalué à 370 milliards de dollars et connaîtrait un taux de croissance rapide de 8 %. Parmi les ODM, des fabricants ont franchi le pas en commercialisant directement ses produits aux entreprises certains avec succès comme Asus dont l’appellation est ASUSTeK Computer. Certains ODM sont sortis de l’anonymat – parfois pour de mauvaises raisons – comme Foxconn, Flextronics, Jabil Circuit, Sanmina-SCI et Celestica.
Dans le domaine des serveurs, la sous-traitance devrait être amenée à se développer assez rapidement et atteindre 16 % des ventes de produits directement aux entreprises d’ici à 2018 selon le Gartner (Data Centre Infrastructure ODMs Are a Key Threat to Data Centre OEMs’ Direct Business). Les ODM deviennent donc directement concurrents des fabricants traditionnels. La première destination de ces systèmes non identifiés est celle des data centers géants (hyperscale data center) qui empilent les serveurs comme des assemblages de Lego et ont donc besoin d’équipements dont les caractéristiques sont sensiblement différents de celles des serveurs traditionnels.
Au fil des ans, les ODM ont acquis des compétences de plus en plus pointues. « Les ODM ont acquis une forte crédibilité technique et des capacités de concevoir et de fabriquer des serveurs qui répondent aux nouveaux besoins », explique Naveen Mishra, directeur de recherche au Gartner. Les succès des ODM est principalement centré sur les serveurs mais il pourrait s’élargir au stockage ».
Outre Foxconn Electronics qui s’est fait connaître ces dernières années, Le Gartner mentionne Quanta Computer, Wistron, Inventec et MiTAC. Pour l’heure, la zone d’intervention des ODM concerne principalement les data centers géants destinés aux entreprises du Web, mais ils pourraient intensifier leur présence et devenir concurrents des fournisseurs de serveurs traditionnels. Même si certains facteurs jouent encore en faveur de ces derniers : en particulier, les ODM sont très peu connus des entreprises et n’ont aucune force de frappe marketing ni réseau de distribution, ni organisation en matière de services et de support.