9 projets sectoriels pour action immédiate, 53 mesures transverses à lancer à court, 118 recommandations, tel est le corpus de propositions pour faire entrer la France dans l’ère numérique.
Le numérique entraîne le changement,
Le changement est toujours difficile,
Donc le numérique est difficile.
Sans doute mais « la transformation numérique présente pour a France bien plus d’opportunités que de risques », commentait Philippe Lemoine en rendant le rapport en présence de Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique et d’Axelle Lemaire, secrétaire d’état au numérique. D’ailleurs, on pourrait ajouter que de toute façon, cette transformation n’est pas en option et que, si nous ne réussissons pas cette mutation, d’autres pays y excelleront et seront alors beaucoup mieux positionnés dans la nouvelle concurrence mondiale.
Les rapports successifs soufflent le chaud et le froid. Il y a celui de McKinsey qui montrait que le numérique permettrait d’augmenter de X % le PIB. Puis celui de Capgemini Consulting selon lequel il y avait une corrélation entre développement de l’entreprise et transformation numérique. Tout récemment, le rapport Roland Berger montre les deux faces de la numérisation. Côté face, « les gains de productivité liés à la numérisation des entreprises pourraient représenter à 10 ans 30 milliards d’euros de recettes fiscales et 30 milliards d’investissement privé additionnels ». Côté pile, « 3 millions d’emplois pourraient être détruits par la numérisation à l’horizon de 2025. Une telle évolution déstabiliserait en profondeur les classes moyennes françaises, car de nombreux emplois de services seraient touchés ».
Dans l’ère pré-Internet, deux assertions avaient marqué les esprits et se sont révélées totalement fausse, voire ineptes. En 1987, le Prix Nobel d’économie Robert Solow énonçait ce qui est aujourd’hui désigné comme le paradoxe de Solow : « on voit des ordinateurs partout sauf dans les statistiques de la productivité ». Un quart de siècle après, on voit sans difficultés les limites de cette affirmation reprise sous l’expression « paradoxe de productivité ». De manière ironique, étant donné la toute petite taille des ordinateurs (sous forme de tablettes ou de smartphones), qu’on ne voit les ordinateurs nulle part sauf dans les statistiques. En 2003, le consultant Nicholas Carr publiait un article dans la très prestigieuse Harvard Business Review au titre évocateur : « IT doesn’t matter » ; Pis, cet article a été désigné comme meilleur article de l’année 2003. Alors que l’Internet commençait à produire ses premiers effets, un tel manque de vision peut sembler un peu plus surprenant car l’IT dopé depuis au Web 2.0 et plus récemment au numérique est tout sauf une technologie banalisée et plus que tout un enjeu stratégique qui balaie tout sur son passage.
Dans les exemples cités sur les effets d’Internet des douze derniers, la réalité semble plus forte que ce que l’on pouvait même penser. Est mentionné le changement de succession à la tête d’Accor, le groupe hôtelier vient tout juste d’annoncer sa révolution numérique (Accor fait sa révolution numérique). Est aussi citée la lettre ouverte du patron de Springer à Google (Nous avons peut de Google). Il se trouve que Mathias Döpfner vient tout juste de jeter l’éponge (Axel Springer cède face à la pression de Google). Malgré l’existence de voyages-sncf.com, 8 Français sur 10 seraient prêts à acheter leur billet de train via Google.
Dans la présentation de son rapport, Philippe Lemoine a pointé le phénomène des GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) auxquels on peut ajouter quelques autres géants de l’Internet qui exercent une sorte « d’adhésion, voire de fascination mais qui prennent de très grandes parts de marché et pompent de la marge ». Renchérissant le propos, Axelle Lemaire expliquait que les gouvernements, coupables d’avoir laissé leurs seules forces du marché, ont pris conscience de ce problème. Au niveau européen, la commissaire Nelly Kroes alors seule à porter la problématique du numérique a été remplacé par trois commissaires exerçant une responsabilité sur la question. Sur ce point, il faudrait aussi que Bruxelles change sa vision des choses, principalement axée jusqu’ici sur le marché et la concurrence.
Les 9 projets emblématiques pour action immédiate illustrant les 8 principaux effets de la transformation numérique
P1 : Nouveaux canaux de communication et de distribution
Réseau d’innovation territoriale dans les services de proximité
Objectif > Monter un projet exemplaire de tiers lieux pour innover dans les services de proximité
Secteur : Services de proximitéP2 : Baisse des coûts de production
Automobile pour la génération connectée, conçue à plusieurs et prototypée en FabLab
Objectif > Relocaliser valeur et emploi en lançant une automobile pour la génération connectée, conçue à plusieurs et prototypée en FabLab
Secteur : IndustrieP3 : Baisse des coûts de transaction
Paiement anonyme sécurisé
Objectif > Déployer une solution sûre et peu coûteuse de paiement anonyme fondée sur la technologie des blockchains
Secteur : Services financiersP4 : Productivité du capital
Librairie du futur
Objectif > Construire le premier cas d’application d’une réinvention du commerce
Secteur : Commerce et biens de consommationP5 : Nouveau rôle joué par les personnes
Pass mobilité universel sur mesure
Objectif > Permettre à chaque individu, quelle que soit sa situation de mobilité, de se déplacer sans discontinuité dans son parcours
Secteur : mobilité des personnesP6 : Nouveaux actifs issus des données
Vie numérique, maladies chroniques
Objectif > Créer un écosystème d’innovation ouverte sur les maladies chroniques, visant à améliorer le suivi des patients et la médecine prédictive
Secteur : SantéP7 : Emploi Store
Objectif > Permettre à des développeurs de créer des applications d’aide à l’emploi à partir des données mises à disposition par
Pôle emploi et ses partenaires
Secteur : EmploiP8 : Plate-forme de mobilité pour les fonctions publiques
Objectif > Valoriser les postes ouverts et les compétences requises pour favoriser la mobilité entre les trois fonctions publiques
Secteur : EmploiP9 : Green Button à la française
Objectif > Améliorer la maîtrise des consommations, lutter contre la précarité énergétique et offrir de nouveaux produits et services de gestion de l’énergie
Secteur : Energies et services à l’environnement
Le rapport souligne une fois de plus le rôle moteur que jouent les individus, en avance sur les entreprises dans l’utilisation des technologies et l’innovation des usages. Ces individus étant à l’origine des startups qui doivent constituer un des principaux moteurs de cette transformation. Et ce point de vue, les Français sont plutôt en avance par rapport à rapport à leurs homologues étrangers alors que les entreprises françaises, notamment les grandes, seraient plutôt en retard. Philippe Lemoine rapporte une conversation lors d’un atelier avec un ingénieur d’Alstom qui à la suite du rachat de son entreprise par GE s’était vu demandé « quelle valeur ajoutée pouvez-vous ajouter avec le numérique ? ». Il est vrai que l’entreprise américaine s’est lancé à fond dans ce que l’on appelle l’internet industriel (GE lance une grande offensive dans le big data industriel), ce qui aurait pu apparaître quelque temps plus tôt comme un oxymore et est devenu naturel avec l’Internet des objets que certains qualifié de troisième révolution industrielle. De son côté, Axelle Lemaire en appelle aux multinationales de ne pas rester des forteresses et leur demande de faire de l’innovation ouverte.
D’où l’importance et la nécessité d’accompagner le mouvement des startups notamment via le financement et de les positionner dans un rapport positif avec les grandes entreprises qui doivent leur faire confiance et ne pas hésiter à leur passer des marchés. Depuis combien parle-t-on du Small Business Act ? Le numérique ne pourrait-il pas être l’occasion de le pratiquer. C’est à cette seule condition que nos PME passeront le cap et deviendront les ETI qui nous font cruellement défaut.
Les 9 effets de la transformation numérique
Automatisation
Productivité du travail
Productivité du capital
Productivité de l’énergie des matières premièresDématérialisation
Apparition de nouveaux canaux de communication et de distribution
Baisse des coûts de production
Forte baisse des coûts de transactionDésintermédiation / Ré-intermédiation
Rôle joué par les personnes
Les données : ressource nouvelleA ces 8 effets, on peut ajouter un 9e que sont les acteurs nouveaux de la filière numérique dont le rôle s’est considérablement accru.
Pour télécharger le rapport et poursuivre es échanges sur la transformation numérique de l’économie française : https://stample.co/transnum