Alors que les Etats-Unis s’acheminent vers un marché des télécoms mobiles avec trois grands acteurs, l’Europe, elle, se débat avec plusieurs dizaines d’opérateurs qui se disputent en priorité les marchés nationaux.

Sprint, troisième opérateur télécom sur le marché américain, serait en passe de racheter le quatrième, T-Mobile. C’est ce qu’indique le Wall Street Journal (Sprint Working on a Bid for T-Mobile)accréditant un peu une information qui circule déjà depuis quelques semaines. Le montant de la transaction s’établirait à quelque 20 milliards d’euros et serait souhaité par les deux parties. Chacun des deux opérateurs a déjà consolidé sa propre activité. Contrôlé par l’opérateur allemand Deutsche Telekom, T-Mobile a absorbé MetroPCS. De son côté, Sprint a cédé 80 % de son capital au japonais Softbank.

Le résultat de cette fusion permettra de constituer le troisième opérateur sur le marché américain derrière Verizon et AT&T.  Lorsque cette fusion sera réalisée, le marché américain sera quasiment contrôlé par ces trois opérateurs même s’il existe quelques petits acteurs comme US Cellular, mais qui ne couvrent pas tous les territoires et ont une position très marginale.

Cette opération fait suite à celle déjà réalisé en septembre dernier au terme de laquelle Verizon rachetait pour $130mds les 45 % que détenait l’Anglais Vodafone. Il s’agissait pour Vodafone de retour sur investissement pour les actionnaires de l’opérateur britannique. Verizon débourse 130 millions de dollars qui le seront à 58,9 milliards sous forme de trésorerie et 60,2 milliards en actions Verizon et complétés de 11 milliards de transactions diverses. De son côté, Vodafone a indiqué qu’il redistribuera 84 milliards à ses actionnaires.

Cette acquisition constituait le troisième rachat le plus important de l’histoire après celles de Vodafone qui rachetait Mannesmann en 1999 pour $203mds et de TimeWarner qui rachetait en 2000 AOL pour $181mds. Mais il s’agissait là de transactions réalisées dans la période folle des années Internet où la raison des investisseurs avait laissé la place à la passion.

Cette probable future transaction constitue un pas de plus vers le retour à la case départ. En 1984, A T&T est scindé en sept opérateurs indépendants, les Regional Bell Operating Companies, les fameuses Baby Bells. Et puis, petit à petit, le marché s’est recomposé à la faveur de fusions & acquisitions successives.

Elle nous intéresse au premier chef lorsqu’on la compare à celle que l’on connaît en Europe avec un marché extrêmement morcelé et soumis au diktat de Bruxelles dont le seul horizon est celui de la concurrence par les prix. Encore très fragmenté, le marché européen des télécoms mobile a désormais pris du retard par rapport aux opérateurs américains. La situation dans la 4G, dernière vague technologique dans les télécoms mobiles est, à cet égard, symptomatique. D’ailleurs, suite à cette vente, Vodafone indique qu’il investira 6 milliards de livres sur les trois ans à venir, en particulier la couverture de 90 % des 5 principaux marchés européens en 4 G à horizon 2017.

Même remarque pour le marché français où l’existence de seulement trois opérateurs avait été jugé insuffisante pour stimuler le jeu de la concurrence. Il est vrai que les opérateurs existants avaient plutôt joué l’entente que la concurrence. Fin 2005, le Conseil de la concurrence avait condamné les opérateurs SFR, Orange et Bouygues Telecom à une amende de respectivement 220, 256 et 58 millions d’euros pour entente. D’où l’apparition du quatrième opérateur sur le marché des télécoms mobiles, Free, qui, lui, ne se prive pas, de jouer les trublions en lançant des offres qui se démarquent assez radicalement. L’annonce récente de l’offre 4G de Free constitue une nouvelle illustration de cette guérilla plutôt bien orchestrée par Xavier Niel. Ce dernier n’est d’ailleurs pas avare de déclarations tonitruantes (cf son interview dans le JDD du 15 décembre : « J’ai beaucoup de peine pour mes concurrents… »).