Quand le bâtiment va au numérique, tous les secteurs y auront été. La construction n’est pas le secteur le plus engagé dans la numérisation, mais il s’y met, doucement.

L’étude publiée par le cabinet McKinsey intitulée accélérer la mutation numérique des entreprises : un gisement de croissance et de compétitivité pour la France et dont nous donnons dans cet article quelques éléments pointe sur deux sujets qui avait déjà été mis en lumière dans d’autres enquêtes : Le potentiel de valeur important dans la mise en œuvre de la numérique, l’utilisation plus avancée des technologies tant par les particuliers que par les entreprises. Sur le premier point le cabinet de conseil estime que d’ici à 2020, la France pourrait accroître la part du numérique dans son PIB de 100 Md€ par an, à la condition que les entreprises accélèrent nettement leur transformation numérique. Plus largement, l’impact potentiel des technologies numériques de rupture(cloud, impression 3D, internet des objets, big data…) s’élève à près de 1 000 milliards d’euros en France d’ici à 2025, en prenant en compte la création de valeur ajoutée et le surplus de valeur dont bénéficient les consommateurs. Sur le second, d’autres études avaient déjà mis en évidence le retard des entreprises par rapport aux particuliers – qui aussi sont ses salariés – dans l’utilisation du numérique de l’information. Ce phénomène avait été rendu possible par la baisse des prix et avait reçu le nom de consumérisation de l’informatique.

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Des 5 secteurs étudiés dans une étude intitulée accélérer la mutation numérique des entreprises : un gisement de croissance et de compétitivité pour la France que le cabinet McKinsey vient de publier, le secteur de la construction serait le moins avancé sur le chemin de la numérisation et de l’utilisation des technologies de l’information.

Le secteur de la construction représente plus de 6 % du PIB hexagonal, regroupe 500 000 entreprises, dont 94 % de TPE (moins de 10 salariés) et emploie 1,5 million de salariés.
Dans la chaîne de valeur du secteur de la construction, on distingue habituellement deux catégories d’acteurs :
– Ceux en charge de l’étude et de la conception des projets ;
– Ceux en charge de la réalisation et de l’exploitation.

L’impact du numérique sur ce secteur revêt des formes multiples estime le cabinet, en raison de la diversité des catégories d’acteurs concernés et de la variété des projets. Ainsi, les acteurs « de l’amont », intervenant dans les études et la conception, doivent surtout prendre en compte l’évolution de la demande : les clients attendent en effet de plus en plus que les nouveaux logements soient « connectés » et « intelligents » de manière à optimiser les coûts de fonctionnement (énergie, eau, etc.).

Les acteurs de la construction et de l’exploitation quant à eux se trouvent en première ligne pour les aspects touchant à la productivité : le recours plus systématique aux Maquettes Numériques du Bâtiment(1) (MNB), par exemple, leur permettrait de réduire leurs coûts et de gagner en efficacité.

Pour tous les acteurs, la consolidation des très nombreuses données à gérer en simultané, avec un grand nombre d’interfaces, représente un défi majeur, auquel le numérique peut apporter des réponses.

Etude et conception : vers une intégration du monde physique et des données numériques

Plusieurs facteurs se conjuguent pour pousser les acteurs des études et de la conception à innover grâce aux outils numériques, parmi lesquels la réglementation joue un rôle essentiel. Avec l’entrée en vigueur de nouveaux règlements les « smart buildings » sont appelés à devenir la norme. A titre d’exemple la future règlementation thermique 2020 (RT2020) devrait avoir comme objectif la maison à énergie positive. Les constructeurs sont incités à offrir des bâtiments respectueux des principes du développement durable dans leur conception, et toujours plus sobres en énergie et en eau dans leur fonctionnement – ce qui exige entre autres de renforcer leur composante technologique et numérique.

En aval, la domotique se développe finalement après une longue de balbutiements d’une utilisation efficace de l’énergie, mais aussi pour mieux répondre aux attentes des occupants, qu’ils soient résidentiels ou professionnels.

De plus en plus, les bâtiments intègrent des fonctionnalités de contrôle et de gestion automatisée du chauffage, de la climatisation, de la ventilation, de l’éclairage. Ils peuvent aussi faciliter la gestion à distance de la sécurité incendie et intrusion. A moyen terme, les possibilités offertes aux occupants seront renforcées par l’essor d’autres technologies, à l’image des nanotechnologies qui permettront d’intégrer aux bâtiments une grande variété de capteurs.

Améliorer la conception grâce au numérique

Dans la phase de conception, le numérique permet de mieux comprendre les exigences des usagers qui permet d’adapter le design aux usages attendus. Les données en temps réel issues de capteurs, celles collectées sur les réseaux sociaux, ou encore les avis de citoyens recueillis grâce des outils de cartographie collaborative, fournissent autant d’enseignements précieux pour les décideurs et les concepteurs. Ils leur permettent, par exemple, de mieux appréhender les usages et les attentes face aux espaces et équipements publics.

Réalisation et exploitation : vers un « saut quantique » en matière de productivité

La transformation numérique devient un enjeu majeur pour les entreprises de construction. Aujourd’hui, une grande part des plans ne sont pas numérisés ; les processus sont encore largement dominés par le papier et le traitement manuel. Un projet type nécessite de croiser des informations de nature différente (normes / DTU, PLU, plans, etc.) avec des dizaines d’interfaces, souvent en simultané.

Dans un contexte de marges souvent serrées qui contraignent les capacités de R&D des acteurs, la faiblesse des investissements technologiques contribue à des gains de productivité horaire plus faibles dans la construction que dans l’industrie manufacturière : alors que, au sein de cette dernière, la productivité horaire a augmenté de 87 % depuis 1995, elle s’est érodée de 6 % dans le secteur de la construction.

La R&D, longtemps centrée sur les techniques de construction, s’oriente de plus en plus vers une meilleure gestion des flux d’information. Les entreprises du secteur qui ont mené des démarches pionnières d’adaptation aux nouveaux outils numériques ont réalisé d’importants gains de productivité, qui se sont traduits par des améliorations mesurables en termes de coût et de délais des projets, notamment grâce à l’utilisation de la MNB (maquette numérique du bâtiment) par les constructeurs et leurs sous-traitants.

En France, la MNB apparait progressivement dans le paysage : 39 % des constructeurs déclaraient en 2013 qu’ils y avaient souvent ou très souvent recours. Cependant, ces taux d’usage apparaissent encore en retrait par rapport à ceux en vigueur dans les pays où leur utilisation a été promue par la réglementation. Les bénéfices de la MNB sont tangibles : les constructeurs qui les utilisent peuvent par exemple générer une estimation des coûts cinq fois plus rapidement qu’avec les méthodes traditionnelles, et la marge d’erreur de cette dernière se trouve réduite à moins de 3 %. La MNB permet aussi d’écourter de 7 % la durée moyenne des chantiers, et abaissent de 40 % les dépassements de budget. Au total, la MNB permettrait d’économiser jusqu’à 10 % de la valeur des contrats.

D’autres outils numériques permettent d’optimiser les processus opérationnels en phase de construction. Par exemple, les engins de chantier équipés de GPS peuvent accomplir des travaux de nivellement plus rapidement et avec un moindre risque d’erreur. Des réseaux sans fil couplés à des puces RFID permettent de suivre et localiser en temps réel les matériaux et les équipements. Des capteurs géophysiques peuvent analyser en direct des paramètres externes susceptibles d’interférer avec le bon déroulement du chantier. Ces nouvelles méthodes, appelées à se généraliser à horizon de quelques années, permettront de rendre beaucoup plus précise la planification des chantiers, d’en réduire les coûts et d’améliorer le respect des délais.

 

[1]La Maquette Numérique du Bâtiment est un format de données informatiques partagé entre différents acteurs intervenant autour d’un chantier : architectes, entreprises de construction, exploitant, etc.


Les 5 secteurs étudiés dans le rapport McKinsey
La banque de détail – vers une expérience client connectée et enrichie
Les biens de grande consommation – vers une relation client directe et continue
La distribution – vers un modèle hybride entre présence numérique et maillage physique
Le tourisme – vers une poursuite accélérée des changements engagés
La construction – vers une utilisation généralisée des technologies numériques et une chaîne de valeur plus intégrée