La même semaine, les utilisateurs Oracle via une enquête réalisée par le Cigref, et SAP par la voie de l’USF ont fait savoir à leur éditeur respectif qu’elles souhaitent un changement dans la politique de licence et de tarification.

Interlocuteurs d’Oracle depuis plus de 10 ans, le CIGREF et son homologue européen EuroCIO n’ont pu que constater, aux côtés de leurs entreprises membres, la dégradation de la qualité des échanges et des services de ce fournisseur vis-à-vis de ses entreprises clientes, en France et en Europe.

Par le biais d’une enquête auprès d’une centaine de DSI, le Cigref et son homologue européen EuroCIO ont constaté la dégradation des relations entre Oracle et les utilisateurs depuis le courrier envoyé à l’éditeur en février 2016 et l’absence de réponse de ce dernier. Le différend porte sur l’absence d’accord entre Oracle et VMware au sujet de la virtualisation. Le cloud est également impliqué par la politique d’Oracle qui vient de doubler le prix de son SGBD sur les cloud d’Amazon et Microsoft. Evidemment, pour ne pas avoir à passer sous les fourches caudines de la politique commerciale d’Oracle il suffit d’utiliser la couche de virtualisation de l’éditeur.

Le Cigref et EuroCIO dénonce ces comportements commerciaux qu’ils jugent « inadmissibles ».

Les deux associations rappelle les résultats de la récente et accablante étude « Supplier Satisfaction Survey », réalisée par EuroCIO fin 2016. Sur 100 DSI d’entreprises européennes majeures, ayant répondu à l’enquête :

  • 80% considèrent que les contrats Oracle ne présentent pas suffisamment de flexibilité ;
  • 75% que le modèle de licence ne présente pas suffisamment de flexibilité ;
  • 60% préfèreraient disposer d’un autre fournisseur pour leurs actuels produits et services ;
  • 50% répondent travailler actuellement sur une stratégie de sortie.

Le CIGREF s’est d’ores et déjà engagé, à la demande de certains de ses membres, à accompagner ceux qui le souhaitent dans leur réflexion sur les différentes stratégies de sortie des contrats Oracle.

Les utilisateurs SAP s’y mettent aussi

L’association des utilisateurs francophones des solutions SAP souhaite ainsi réagir à la récente annonce de l’éditeur en matière d’évolution de son modèle de tarification de certains produits SAP, en relation avec la problématique des accès indirects.

L’affaire avait été médiatisée avec le cas de la société britannique Diageo. Client de la firme de Walldorf depuis 2004, Diageo a lancé en 2012 deux projets « relation clients », bâtis sur Salesforce, et connectés à SAP via une infrastructure d’échange disposant d’une licence légitime pour accéder aux données.

SAP a estimé que cette licence était insuffisante et a assigné son client en justice, exigeant que tous les utilisateurs qui accèdent aux données SAP via l’infrastructure d’échange s’acquittent d’un droit d’usage. Dès lors la facture SAP de Diageo s’en trouverait multipliée environ par deux. SAP réclame ainsi en reprenant l’historique 64 millions d’euros à Diageo, montant que doit encore confirmer la justice britannique. Dans ce cas précis, la justice britannique a suivi l’interprétation de SAP sur la notion d’accès indirects. Dans cette affaire, le Cigref avait apporté son soutien à SAP (Affaire DAP vs Diageo : SAP maintient sa position ; SAP contre DIAGEO |Le Cigref soutient les utilisateurs).

D’autres cas ont également été révélés au public comme la Anheuser-Busch, filiale américaine  filiale américaine du numéro un mondial de la bière AB-InBev (Stella Artois, Hoegaarden, Leffe, Corona, Budweiser, Cubanisto, Löwenbräu…) basé à Louvain en Belgique (SAP réclame 600 M$ au brasseur AB-InBev au titre des accès directs et indirects).

Cette question des accès indirects n’est pas nouvelle. Déjà une lettre rendue publique en mars dernier, l’USF (l’association des utilisateurs SAP francophone) rappelait qu’elle avait tiré le signal d’alarme sur les accès indirects il y a plusieurs années. Déjà la très grande majorité des utilisateurs s’estimaient insatisfaits sur la clarté du descriptif des accès indirects lors de la dernière enquête de satisfaction réalisée par l’association fin 2016.

Dans un courrier adressé à Hala Zeine, vice-présidente senior de la stratégie de commercialisation chez SAP SE, Claude Molly-Mitton, Président de l’USF se félicite du fait que SAP reconnaît enfin, par ses récentes annonces, l’existence d’un problème que jusque-là elle niait totalement, au moins au niveau de SAP France.

Mais la satisfaction semble s’arrêter là puisque Claude Molly-Mitton fait part d’une « déception à la hauteur de nos espérances : immense ! En effet, vous nous présentez un modèle qui est à la fois contestable, incomplet, imprécis donc de fait incompréhensible et inacceptable en bien des points, sur ce que nous avons pu en comprendre. ». Un diagnostic sans appel.

Un modèle incomplet

« Le modèle proposé est très incomplet, ne couvre que quelques processus pour une seule solution, l’ERP. Quid de tout le reste ? » questionne le président de l’USF. Il est indispensable, désormais, de compléter la couverture sur les autres scenarii manquants, et de permettre à nos membres, c’est-à-dire vos clients, de pouvoir prédire les conséquences en termes de prix et de politique de licences pour tout type de scenario fonctionnel. »

Ici, le président de l’USF pose de nombreuses questions sur les conséquences en termes de prix pour les clients ? Les deux métriques « user » et « order » vont-elles parfois se combiner ? Pourquoi avoir récemment augmenté considérablement le prix des métriques « order » qui existaient déjà, ce, juste avant de généraliser ce type de métrique ? Quid du modèle de prix de l’Internet des Objets dont on se doute bien qu’il va connaître le même sort ? Comment mesurer sereinement ces métriques et quelle réalité recouvrent-elles d’un secteur d’activité à l’autre ?

Un modèle inacceptable

SAP tente de justifier « a posteriori » par la notion de « past policy » de son nouveau modèle de licences, l’existence d’un coût des accès indirects à l’ERP SAP (sans en préciser clairement ni la nature ni les contours) dans les contrats actuels, alors même que pour la majorité des clients actuels cette notion n’existe pas et, quand elle existe pour des clients plus récents, n’est aucunement précisée ni cadrée.

Il n’y a aucune justification à facturer de quelque façon que ce soit de quelconques accès indirects d’un logiciels tiers, en entrée ou en sortie de SAP, en contradiction avec le droit d’interopérabilité entre logiciels. Les données n’appartiennent pas à SAP mais aux clients.

L’USF demande donc à l’éditeur de reconnaître pour tous les contrats passés (et donc tous les clients actuels) que SAP ne tentera pas de vouloir faire payer, même a posteriori, des accès indirects mal ou non précisés dans les contrats ou une quelconque interopérabilité entre logiciels, à l’occasion d’audit de licences ou de procès intentés par SAP à ses clients, ni de signature de nouvelles conditions contractuelles. A SAP de définir, après échange avec les clubs utilisateurs, pour les nouveaux clients, et pour ceux des clients actuels qui souhaiterons migrer vers ce modèle, un nouveau modèle basé si besoin sur d’autres métriques que les utilisateurs, complet et sans ambiguïté ni interprétation.

 

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Erratum :
Contrairement à ce que nous avons écrit, le Cigref a apporté son soutien aux utilisateurs et non à SAP. C’est évidemment en ligne avec ce que nous avions mentionné dans nos articles précédents. Nous tenons donc à corriger cette erreur.