C’est confirmé ! Broadcom s’offre VMware pour la somme pharaonique de 61 milliards de dollars. Un méga-deal qui doit encore être approuvé par les autorités. Et un deal qui redessine le paysage du « on-prem » et du « cloud hybride ». De quoi inquiéter les DSI ?

La rumeur est devenue réalité. Broadcom annonce son intention d’acquérir VMware pour 61 milliards de dollars par une combinaison de cash et d’actions. VMware était valorisé 41 milliards de dollars avant les rumeurs d’acquisition.

C’est un deal majeur aux multiples implications. Pour rappel, le plus gros deal de la tech est celui annoncé par Microsoft en janvier qui s’est porté acquéreur de Activision/Blizzard pour 70 milliards de dollars. Mais on est dans l’univers du jeu vidéo (et le deal est toujours en attente d’approbation).
Le mega-deal d’aujourd’hui est finalement très proche de celui de la fusion Dell/EMC, record de l’IT avec ses 67 milliards de dollars en 2015.
Et le deal capoté entre NVidia et ARM était évalué à 44 milliards de dollars avant que l’imbroglio des autorisations internationales ne fassent finalement reculer les deux acteurs.

Moins d’un an après avoir pris son indépendance et s’être séparée de Dell, VMware retombe donc entre les mains d’une autre entité. Intel, NVidia, Microsoft semblaient des potentiels acquéreurs plus logiques. Mais c’est finalement Broadcom à avoir été le premier sur les rangs et proposer une offre suffisamment alléchante pour l’emporter.

L’annonce a de quoi inquiéter les DSI. Broadcom a récemment acquis des entreprises comme CA Technologies et Symantec pour finalement les faire disparaître du paysage. Mais la situation VMware est très différente. Les deux précédentes acquisitions étaient des entreprises en perte de vitesse avec des catalogues anciens et éprouvant bien des difficultés à rester à la page. VMware est une entreprise florissante qui a réussi son adaptation au cloud hybride et reste un acteur fondamental des infrastructures IT des entreprises. Reste que son business est fortement aujourd’hui contesté par Nutanix et remis en cause par Kubernetes et les Containers.

En outre, au fil des ans, l’infrastructure est devenue un business important chez Broadcom dont le cœur de métiers reste les composants réseau et télécom. Les logiciels d’infrastructure représentaient 23% des revenus de Broadcom en 2021. Avec VMware, l’équation va être totalement bouleversée et les logiciels d’infrastructure pourraient représenter entre 48 et 50% du Business de Broadcom à l’horizon 2023.

Bien sûr, rien ne dit que ce méga-deal sera finalement autorisé par les instances régulatrices, même si l’opération a toutes les chances d’aboutir selon les observateurs américains. Mais on peut s’interroger sur la démarche de Broadcom qui préfère dépenser des sommes folles pour acquérir des entreprises bien installées plutôt que de privilégier l’innovation de startups visionnaires.

Quelles sont les motivations réelles de ce deal ? Broadcom a-t-il perçu des opportunités alors que VMware réécrit vSphere pour tirer profit des SmartNICs, IPU et GPU ? Est-ce simplement une opportunité financière ? Ou était-ce plus sournoisement une excellente opportunité pour Michael Dell d’éponger en avance les dettes engendrées par la fusion Dell/EMC et donc de tout faire pour que le deal aboutisse ? Car ce dernier possédait encore 40% des titres de VMware. Selon lui, « ensemble avec Broadcom, VMware sera encore mieux positionné pour fournir des solutions précieuses et innovantes à un nombre encore plus grand des plus grandes entreprises du monde. C’est un moment décisif pour VMware, qui offre à nos actionnaires et à nos employés la possibilité de participer à une hausse significative. » C’est aussi un moment décisif pour Dell Technologies, du coup, alors que le climat économique se tend.

« S’appuyant sur nos antécédents en matière de fusions et acquisitions réussies, cette transaction associe nos activités de pointe dans le domaine des semi-conducteurs et des logiciels d’infrastructure à un pionnier et innovateur emblématique dans le domaine des logiciels d’entreprise » résume Hock Tan, le patron de Broadcom. « Nous voyons beaucoup d’avantages à mettre toutes ces différentes franchises que nous avons – matériel et logiciel – sous un même toit… Nous entrons dans une nouvelle ère « Software Defined » de désagrégation entre matériel et logiciel. Chez Broadcom, nous ne savons peut-être pas encore grand-chose des systèmes IT, mais nous connaissons bien la technologie qui permet ces systèmes, qu’il s’agisse de commutateurs, de routeurs, de calcul ou de stockage. Broadcom a un modèle de désagrégation du matériel et des logiciels, mais ensemble, nous sommes plus forts que si ceux-ci étaient divisés ».

Pas sûr que cela suffise à convaincre ou rassurer les DSI notamment ceux qui lorgnent sur des infrastructures 100% Kubernetes ou, ayant adopté Nutanix, envisageaient de plus en plus sérieusement d’abandonner vSphere pour AHV (l’hyperviseur optionnel de Nutanix). Ce rachat pourrait bien précipiter de telles stratégies qui ne vont dans le sens de Broadcom et VMware.