En ce moment IBM est plus que jamais agressif quand il s’agit de défendre sa propriété intellectuelle sur les mainframes. L’éditeur intente une action en justice contre Micro Focus accusant son partenaire d’avoir fait du reverse engineering d’éléments de son logiciel CICS…

IBM continue de mettre la pression sur tous ceux qui essayent, d’une manière ou d’une autre, d’émuler ses mainframes et simplifier la migration de leurs workloads vers le cloud. Après LzLabs, c’est au tour de Micro Focus – qui, rappelons-le, est en phase d’acquisition par OpenText – de s’attirer les foudres de Big Blue. L’éditeur anglais est bien connu pour ses adaptations du Cobol sur Windows et Linux ainsi que pour ses nombreux outils de développement et plateformes permettant d’intégrer les mainframes dans des démarches CI/CD et de porter progressivement les applications mainframes vers des technologies plus modernes et vers le cloud.

« Micro Focus a effrontément volé des logiciels IBM et nous allons protéger nos investissements dans le développement de produits contre les tactiques illégales de Micro Focus » explique l’entreprise dans un communiqué.

Dans l’action en justice déposée devant le tribunal fédéral du district sud de New York, IBM affirme que les actions de Micro Focus constituent « un opportunisme illégal, une infraction délibérée et une violation flagrante de l’obligation contractuelle de Micro Focus » et sabordent les investissements d’IBM dans l’innovation logicielle. Rien que ça…

Dans les faits, les accusations d’IBM portent principalement sur deux technologies : CICS et WSBIND.

CICS… Tous ceux qui ont eu à développer sur 4341, 4381 et autres mainframes IBM de la fin des années 80, début des années 90, se souviennent forcément de cette couche (ce « moniteur transactionnel ») permettant les traitements transactionnels (sur des mainframes jusqu’alors focalisés sur les Batchs) et jouant le rôle d’interface utilisateur dans l’univers des terminaux IBM. Figurez-vous que CICS a perduré dans l’univers mainframe et z/OS jusqu’à nos jours !

IBM accuse Micro Focus d’avoir utilisé ses accès « développeurs » (en tant que partenaire) pour copier et pratiquer une ingénierie inversée sur CICS afin de créer ses offres Micro Focus Enterprise Server et Micro Focus Enterprise Developer. Ces deux outils de Micro Focus – qui existent depuis facilement plus d’une dizaine d’années – aident les entreprises à moderniser leur existant Mainframe et à faciliter les migrations de ces applicatifs vers les containers et le Cloud.

WSBIND est un format de fichier intimement lié à CICS et qui permet d’exposer des programmes CICS sous forme de services Web pour en faciliter l’accès externe et permettre à des applications modernes d’appeler des programmes mainframes existants. IBM accuse ainsi Micro Focus d’avoir simplement copier ce format de fichier propriétaire pour permettre à ses offres Enterprise Server et Enterprise Developer d’exploiter les applications mainframes sous forme de services Web. Il est évident que dans une démarche de modernisation de l’existant applicatif, cette « Web servicisation » des applications mainframes est non seulement un atout mais également une nécessité. Finalement ce qu’IBM semble reprocher à Micro Focus, c’est d’avoir copié WSBIND (probablement pour maintenir la compatibilité avec ce que fait IBM de son côté) au lieu de créer son propre format différent et donc incompatible.

Dans les faits, il est difficile de ne pas voir dans les différentes actions en justice menées par IBM contre LzLabs et Micro Focus une volonté d’impacter tous ceux qui offrent des courts-circuits pour moderniser l’existant mainframe alors qu’IBM vient de lancer ses z16, compte bien continuer de vendre ses mastodontes et offre ses propres solutions de modernisation et d’évolution vers le cloud.

Bien sûr, on peut difficilement reprocher à IBM de défendre sa propriété intellectuelle. Mais l’univers des mainframes est tellement fermé et contrôlé qu’il est bien difficile pour les autres acteurs de s’y greffer sans être accusés d’atteinte aux propriétés intellectuelles d’IBM.

Affaire à suivre.

 

 

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